Trois ans de Brexit… l'anniversaire de la honte pour la majorité des Anglais...<!-- --> | Atlantico.fr
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Un manifestant tient une pancarte portant l'inscription "Rejoin" après avoir marché de Hyde Park au Palais de Westminster, dans le centre de Londres, lors d'un rassemblement appelant le Royaume-Uni à rejoindre l'UE le 23 septembre 2023.
Un manifestant tient une pancarte portant l'inscription "Rejoin" après avoir marché de Hyde Park au Palais de Westminster, dans le centre de Londres, lors d'un rassemblement appelant le Royaume-Uni à rejoindre l'UE le 23 septembre 2023.
©JUSTIN TALLIS / AFP

Atlantico Business

Le Brexit est l'exemple de ce qu'il ne fallait pas faire. Les Anglais les plus malheureux sont ceux qui avaient voté pour le Brexit parce qu'on leur avait promis la « lune »... Le bilan est désastreux pour la classe politique et pour l'économie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C'est l'anniversaire dont on ne parle pas. Dans la presse ou à la télévision, on n'en parle pas. L'hebdomadaire The New European était allé enquêter dans la petite ville de Skegness, une cité balnéaire du Lincolnshire, pour prendre la température dans une population qui avait voté pour le Brexit à plus de 75%, un taux de « Brexiter » parmi les plus élevés de Grande-Bretagne. Les avis aujourd’hui débordent de regrets, de colères et d’amertume :

« Nous nous sommes bien fait avoir, les politiciens nous ont roulés dans la farine », s'exclame Robert, 67 ans, camionneur à la retraite. Ses amis, ses voisins sont également en colère, « il fallait voter pour eux », explique une vieille dame, « parce que tous nos problèmes allaient être réglés, puisque tout était de la faute de l’Europe... aujourd'hui rien n'est réglé... c'est pire qu'avant... que Boris Johnson ne vienne pas se promener par ici, parce qu'on lui crachera dessus ».

Le maire de la ville, Tony Tye, est un ex-hôtelier de 76 ans, il a milité pour le Brexit « c’était un grand projet de séparation... mais Boris Johnson nous a tous leurrés... Aucune de ses promesses n'a été réalisée... on devait reprendre le contrôle de nos finances, on devait récupérer de l'argent, etc., etc...

« Alors la crise du Covid a aggravé les choses, mais elle a surtout révélé que nous étions incapables de nous en sortir seuls ». Les Anglais sont rarement vulgaires, même dans les classes populaires, mais avec le Brexit, ils ont perdu leur humour british. Les hommes politiques ? Tous « des connards ». Et en écoutant bien, on peut entendre des injures plus cruelles encore.

Bref, pas question de faire la fête pour ce 3e anniversaire... Ceux qui étaient contre le Brexit ne pavoisent pas... « Nous savions que c'était du pipeau... mais il aurait fallu écouter vraiment tous ceux qui se sont fait avoir par Boris Johnson ».

Ce 3e anniversaire du Brexit est douloureux pour la majorité des Britanniques, mais son bilan peut néanmoins servir de leçon à tous ceux qui en Europe accusent les institutions européennes de tous leurs maux et imaginent encore aujourd'hui que la sortie de l'UE serait une solution aux crises identitaires qui ravagent l'équilibre de nos démocraties.

Après trois ans de Brexit, l'économie britannique a perdu sur tous les tableaux. Tous ses indicateurs sont dans le rouge : la croissance est négative, la perte de richesse est de 1,5 point de PIB par an par rapport à l'avant Brexit, la consommation est en baisse et les prix des produits importés ont flambé.

Et sur certains produits de consommation courante, on cumule la hausse des prix et les délais de livraison. Le marché de l'emploi est dans une situation un peu compliquée. Compte tenu des barrières à l'entrée, les jeunes Européens ne viennent plus faire les petits boulots qu'ils faisaient dans les cafés-restaurants pour payer leurs études. Les entreprises britanniques sont obligées d'embaucher des gens originaires de pays hors Union européenne, et notamment d'Afrique. Elles se retrouvent donc avec une population immigrée qu'elles ne souhaitaient pas au départ avant le Covid.

Pour ce qui est des jobs plus sophistiqués, la City a perdu plus d'un million de cadres à hauts revenus qui sont partis soit à Paris, soit à Bruxelles, soit à Francfort... ceci pour la City et toutes les professions financières.

Pour le reste, les Anglais ont assisté et continuent d'assister à l'exode de ses spécialistes dans le domaine de la santé : les dentistes, les cardiologues et les anesthésistes sont devenus des spécialités rares en Grande-Bretagne.

Le système de santé a perdu beaucoup de ses médecins chefs de service, mais il a aussi perdu beaucoup de son personnel soignant (infirmières et aides-soignantes) dont beaucoup venaient d'un pays membre de l'Union européenne et qui ont rejoint leur terre d’origine.

Mais ce qui a perturbé beaucoup l'activité économique et notamment les flux commerciaux, c'est l'accroissement des formalités administratives et douanières. Depuis six mois, le gouvernement, conscient de ce frein qui empoisonnait la vie de tout le monde, a signé des accords de libre-échange et de circulation avec les partenaires de l'Union européenne, le but de l'opération étant de retrouver la fluidité qu'il y avait avant le Brexit. Alors quelques progrès ont été faits, mais cela n'est visiblement pas gagné. Londres s'en sort, parce que Londres est riche, mais dans les régions très industrielles, ex-région minière du pays de Galles par exemple, qui attendaient le plus du Brexit... il ne s'est rien passé. Ces régions devaient selon les promesses récupérer des dotations de 100 milliards de livres sterling par an en sortant de l'Union européenne, ces régions n'ont rien gagné alors qu'elles pensaient que le séparatisme allait les sauver de la misère.

Pour beaucoup de professeurs de droit et de sciences politiques, il y a des liens très clairs entre le Brexit, le « brexitisme » et le populisme, mais ils constatent que le pays et les politiciens ont très peu appris du Brexit et surtout sur le retour nécessaire à des politiques probantes fondées sur des chiffres et des faits objectifs. Selon les sondages réalisés l'année dernière, 54 % des Anglais considèrent que la sortie de l'Union européenne a été une erreur... et plus de 65 % se prononceraient aujourd'hui pour une réintégration s'ils en avaient l’opportunité.

Mais se lamenter sur le triste bilan du Brexit, 3 ans après, n'a pas beaucoup d'intérêt, sauf de penser que cette mésaventure historique peut servir de pédagogie aux peuples (moins nombreux) qui voient encore dans une sortie de l’Union européenne une solution miracle. Il y avait avant le Brexit en Europe des pays qui penchaient vers des projets de séparation de l'Union européenne, en Hongrie, au Portugal, aux Pays-Bas, en Italie, en Finlande, et même en France.

L'exemple du Brexit et de ses conséquences politiques assez dramatiques ont fait chuter l'adhésion à ce projet. « Nous avons trouvé un rôle maintenant », disent les Britanniques so British, « nous sommes la preuve répulsive de ce qu'il ne faut pas faire »... le Brexit les avait convaincus de leur apporter la solution, simple et unique à tous leurs problèmes. Trois ans plus tard, les Britanniques savent que le Brexit, plutôt que de simplifier la vie, a été un formidable créateur de problèmes quotidiens.

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