Tout miser sur la vaccination, rien sur le reste : le double risque politique et sanitaire auquel s’expose le gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
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Une membre du personnel soignant vaccine un patient contre la Covid-19.
Une membre du personnel soignant vaccine un patient contre la Covid-19.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Écoles, entreprises, frontières…

Après les débats liés à la mise en place d’un passe sanitaire extensif, le protocole sanitaire présenté par Jean-Michel Blanquer et imposant de facto la vaccination des adolescents risque de provoquer bien des remous politiques pour une efficacité sanitaire contestable. Du moins si on en croit les recommandations internationales…

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : Jean-Michel Blanquer a présenté son protocole sanitaire ce mercredi pour la rentrée scolaire. Y-a-t-il un risque sanitaire avec ces dernières mesures ?

Jérôme Marty : Nous n’avons aucun éclaircissement sur la stratégie gouvernementale pour la rentrée avec ces annonces. Par exemple, nous n’avons pas les taux qui permettent de dire quand nous devons appliquer les différents niveaux de vigilance dans les écoles. Au niveau de la propagation des aérosols, même si la question a été évoquée, le gouvernement reprend les anciennes mesures. Il n’y a pas de purificateur d’air ou d’ajouts de fenêtres alors que l’on sait que le variant Delta est beaucoup plus contaminant en terme d’aérosols. Dans d’autres pays, on a pourtant bien compris qu’ouvrir une seule fenêtre ne suffisait pas.

À force tout miser sur la vaccination, n’y-a-t-il pas un risque sanitaire ?

Jérôme Marty : J’espère que le gouvernement ne mise pas tout sur la vaccination. La vaccination n’est pas sure à 100 %. C’est une manière de sortir de la crise, mais si cela ne s’accompagne pas d’autres mesures comme le tracing ou les auto-tests, cela ne suffira pas.

Si l’on regarde les niveaux en détails, pour les quatre niveaux à l’école si un enfant a le Covid la classe ferme même si on a pu entendre des choses différentes dans les médias. Encore une fois la communication à propos de leur plan est confuse.

En misant toute sa stratégie contre le virus sur la vaccination, le gouvernement ne s’expose-t-il pas à un double risque politique et sanitaire ?

Eddy Fougier : On a souvent reproché au gouvernement de ne pas faire de choix, aujourd’hui il en a fait un. Mais ce choix n’a pas été annoncé au préalable comme pour les élèves de lycée et de collège. Alors que le gouvernement a été dans une prudence extrême sur la vaccination a un moment donné, dans une logique d’acceptabilité sociale de la vaccination, aujourd’hui il n’y a pas d’obligation vaccinale, mais de facto c’en est une.

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Cette évolution de la position du gouvernement est étonnante et elle représente un risque politique à quelque mois de la Présidentielle. Néanmoins, ce risque est conditionné à l’évolution de la crise sanitaire. Si la situation se dégrade mais que celle-ci est moins grave que prévu, on va peut-être saluer le choix du gouvernement. Si la situation se dégrade malgré la vaccination, on va reprocher au gouvernement son positionnement. Certains vont avoir une lecture politique des événements, d’autres vont avoir une lecture pragmatique, est-ce que cela marche ou pas ou le gouvernement a-t-il eu raison de forcer la main aux réticents et aux anti-vax ? C’est un pari risqué, mais c’est un pari.

Faire croire aux vaccinés quils peuvent tout faire avec le pass sanitaire est-il dangereux ? Son efficacité est-elle relative ?

Jérôme Marty : Ce pass sanitaire doit être revu. Les professionnels du secteurs de santé n’ont pas été consultés à ce propos.. Il a été mis en oeuvre sans que les corps professionnels n’aient discuté de sa mise en place. Face au virus, il faut qu’il y ait une union nationale. Maintenant, il s’étonne qu’il soit difficilement applicable… Sans consultation, ce n’est pas étonnant.

La population est déjà fracturée à ce propos. Nombreux sont ceux à être dans le rue et certains veulent déjà récupérer le débat politiquement. Le fait viral devient politique et on s’éloigne de l’urgence. Le risque politique peut engendrer un risque sanitaire et pour l’éviter il faut retrouver quelque peu de sagesse.

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Eddy Fougier : Il peut y avoir un risque de polarisation après ces dernières mesures. Chacun va choisir son camp car lorsque le gouvernement fait un choix on peut avoir le sentiment qu’il est dans une dérive autoritaire en tant que tel.

Si l’on regarde la population non vaccinée, il y a deux types de groupes : des anti-vax au sens strict qui rejettent les vaccins par principe et ceux qui rejettent simplement les vaccins contre la Covid (ceux-là sont plus nombreux). Ces derniers se recrutent dans les catégories les plus hostiles à Emmanuel Macron, les peu ou pas diplômés et les CSP -, certains jeunes. Politiquement, ce sont plutôt des sympathisants RN et dans un moindre mesure LFI soit l’inverse total de l’électorat du Président.

L’élément clef de ce débat se trouve chez les hésitants. Ceux qui, pour d’autres raisons se posent des questions comme les effets secondaires, sont dans une logique de défiance et le pass sanitaire peut les pousser à passer le cap.

Pour résumer, le risque de polarisation existe et les anti-vax pourraient devenir nombreux. Du côté des hésitants, la question va être de savoir ce qui sera plus fort entre la peur de la maladie et la peur du vaccin. Qui va-t-il l’emporter ? C’est la question.

Pour le moment aucune personnalité ou mouvement ne s’est distingué politiquement par rapport à Emmanuel Macron et personne n’a profité de la gestion de la pandémie. On ne peut pas dire que cela n’aura pas de conséquence électorale, mais on ne voit pas encore quelle forme prendra la contestation car il y en aura sûrement une.

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