Toujours plus bas : politiques, partis, syndicats, médias, justice… mais où finira par nous mener la défiance générale envers les institutions ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La cote de confiance des Français envers leur institution est de plus en plus basse.
La cote de confiance des Français envers leur institution est de plus en plus basse.
©Reuters

Rupture consommée

D'après un récent sondage Ifop pour Atlantico, 68 % des Français se méfient des syndicats. Ce phénomène ne s'arrête pas seulement aux partenaires sociaux, 11 % seulement de l'opinion dit faire confiance aux partis politiques. Une tendance très nette qui, au-delà de la conjoncture difficile, trouve ses racines dans la culture politique française.

Atlantico : Selon un sondage Ifop pour Atlantico, le taux de défiance à l'encontre des syndicats est de 68%. Ce chiffre ne fait qu'accompagner le rejet des partis politiques (11% seulement d'opinion selon le Baromètre de la confiance politique du Cevipof [voir ici] ) et de la plupart des instances représentatives ou dirigeantes. Pourtant, partis et syndicats gardent leur mainmise sur les questions publiques. Jusqu'où la chute de popularité peut-elle continuer ? Où se situe le point de rupture ?

Bruno Cautrès : Le CEVIPOF réalise depuis l’automne 2009 une enquête régulière sur la confiance politique. Si l’on prend la confiance dans les syndicats et les partis politiques, on voit que les niveaux sont bas, voire très bas : en 2010 nous observions que 33% de nos enquêtés déclaraient avoir confiance dans les syndicats et 61% ne pas avoir confiance ; nous sommes à 28% de confiance dans les syndicats à la fin 2013. Pour les partis politiques, le niveau de défiance est encore plus impressionnant : 13% de confiance seulement en 2010 et 11% seulement fin 2013 ! Fin 2013, nos enquêtés ont en fait moins confiance dans les syndicats que dans…les banques (28% de confiance) et….les entreprises privées (41% de confiance) !

››› A lire également, le sondage exclusif Ifop-Atlantico : Gifle du 1er mai : seuls 32% des Français font encore confiance aux syndicats ‹‹‹

Cela ne veut pas dire que les Français se détournent radicalement de moyens d’expression publique comme la manifestation de rue ou la grève. Néanmoins, lorsqu’on leur demande quels sont les moyens qui leur permettent le plus d’influencer les décisions prises en France, c’est voter aux élections qui reste de loin le moyen le plus cité : 67% de nos enquêtés le citent en 2013 et 56% mettent même le vote en numéro 1 de la liste des actions politiques que l’on peut faire pour se faire entendre. Si, entre 2010 et 2013, on assiste à une forte augmentation du nombre de ceux qui citent la manifestation de rue comme un moyen efficace (23% en 2010) ils ne sont que 32% à citer ce mode d’expression en 2013. Quant à la grève, elle n’est citée que par 23% en 2013 (20% en 2010). Ces chiffres sont bas mais ont de quoi faire envie aux responsables politiques car seuls 7% en 2013 (11% en 2010) indiquent que militer dans un parti politique est un moyen efficace d’influencer les décisions !

Il est difficile de fixer un seuil de "rupture de la confiance" mais on peut clairement dire à propos de ces chiffres que nous sommes aujourd’hui dans une démocratie du "divorce politique" et du déficit de confiance dans ces piliers de la démocratie moderne que sont les organisations politiques et syndicales.

Jean Garrigues : Il n’existe pas de définition scientifique d’un point de rupture dans une crise de confiance du politique. Cette crise atteint aujourd’hui des proportions inégalées. La défiance des Français à l’égard de leurs partis politiques et organisations syndicales est culturelle. La culture partisane et syndicale en France n’a jamais été très développée, et il en a presque toujours été ainsi depuis que la démocratie parlementaire existe. En Angleterre et au Royaume-Uni en revanche, dès la fin du XIXème siècle, des partis et des syndicats de masse se sont mis en marche. Cela n’a jamais existé en France, sauf lors du Front Populaire, de la Libération, ou à l’époque du RPF du Général de Gaulle. Il s’agit là de moments de mobilisation partisane, mais aussi syndicale, puisque la CGT a elle aussi connu des pics au lendemain de la Première Guerre mondiale, au moment du Front Populaire ou lors de la Libération, mais  culturellement, les Français ont toujours éprouvé une difficulté à adhérer à de telles organisations.

En ce qui concerne les syndicats, leur tradition contestataire et révolutionnaire rend plus compliquée à réaliser leur volonté de fédérer, au contraire des syndicats de négociation ou de recherche du consensus que l’on rencontre chez nos voisins européens.

N’oublions pas aussi que la Ve République a été  bâtie par le Général de Gaulle sur le rejet du régime des partis qui caractérisait la IVe. C’est donc également par ce biais qu’une culture de défiance envers les partis s’est installée dans la vie politique française.

Par conséquent, d’un côté les syndicats sont jugés inaptes au dialogue social, et de l’autre les partis politiques sont considérés comme des freins à l’efficacité politique.

Le poids de la conjoncture n’est pas à ignorer non plus. En période de crise économique et sociale, la défiance s’accroît envers tous les pouvoirs. L’exploitation qui en est faite par le FN et l’extrême gauche, les compétitions au sein des deux grands partis par l’usage des primaires, et l’hyperprésidentialisation depuis la réforme du quinquennat puis le passage de Nicolas Sarkozy, tout cela contribue à alimenter le sentiment que les partis ne servent pas à grand-chose, et que les syndicats ne jouent pas leur rôle d’instrument du dialogue social. Dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner que la défiance touche les partis et les syndicats, de même qu’elle touche les institutions, que ce soit la présidence de la République, l’Assemblée nationale ou le Sénat.

Il est vrai que les partis politiques ne jouent plus leur rôle d’innovation, de recherche de programme et de grand projet politique. Dès que se manifestent des projets alternatifs à l’intérieur des grandes forces politiques, comme celui de Laurent Wauquiez sur une Europe restreinte à six membres, ceux-ci sont immédiatement contraints par la disciplinarisation du parti, elle-même liée à la logique présidentialiste de notre vie politique. Les partis ne servent plus qu’à sélectionner un candidat à la présidentielle, et les syndicats ne sont plus que des groupes de pression voués à marchander aux marges de la décision politique.

Partis et syndicats sont-ils rejetés pour les mêmes raisons ? Y a-t-il un contexte général de rejet de toutes les instances indépendamment de leur action, ou bien y a-t-il une situation de "cas par cas" sans rapport entre les différents protagonistes ?

Bruno Cautrès : On constate les deux tendances : à la fois une lame de fond qui touche toutes les démocraties occidentales et qui se traduit par une forme de véritable détestation des hommes et femmes politiques. Rappelons-nous ici les paroles terribles du député Jean Lassalle, revenu de son tour de France à pieds et qui, interrogé par Jean-Michel Apathie le 14 juin 2013, déclare avoir été très marqué au cours de cette expérience par le fait que les Français "détestent" leurs hommes politiques perçus comme ne tenant jamais leurs promesses et ne pensant qu’à leurs avantages. Partis et syndicats ne sont pas exactement perçus de la même manière bien sûr. Et par ailleurs, en toile de fond il existe un authentique déclin de la confiance dans les formes de la représentation politique et même sociale.

Jean Garrigues : Le rejet des pouvoirs, aussi bien politiques, sociaux, économiques que médiatiques, est global. A l’intérieur de ce phénomène de défiance généralisée, qui est le symptôme d’une société en crise, on note l’absence de culture partisane en France, qu’on ne retrouve pas au Royaume-Uni ou en Allemagne, et on relève aussi l’obsession présidentialiste qui a pour effet de reléguer le parti au rang d’acteur secondaire et subordonné. De leur côté, les syndicats, qui s’inscrivent dans une tradition de protestation (voire révolutionnaire) n’apparaissent pas comme des acteurs positifs du dialogue social. Globalement, on peut dire que sous la Ve République, la positivité et la créativité sont des valeurs qui font défaut aux partis comme aux syndicats.

A l’intérieur du monde syndical, il est évident que s’opposent une culture plus protestataire, identifiée à la CGT ou à SUD, et une culture de concertation et dialogue, dont la CFDT est le fer de lance depuis plusieurs décennies. De ce fait, la CGT aura une capacité de mobilisation plus forte à l’extrême gauche de l’échiquier politique, tandis que la CFDT séduira davantage un électorat plus modéré. Mais globalement, leur problème vient du fait qu’ils sous-représentent le monde salarial. Cette sous-représentation vient précisément de leur absence de culture du dialogue, ce dont ils ne sont pas pour autant les seuls responsables. Ils se sont longtemps heurtés à un patronat autiste, y compris dans les années Seillière. Par ailleurs, la tradition française, au moins depuis 1945, est celle d’une culture de contrôle, voire de confiscation de l’arbitrage par l’Etat. C’est tout le problème de l’Etat providence à la sauce Ve République, qui ne favorise pas l’émancipation et la représentativité des corps intermédiaires.

A-t-on déjà assisté à de tels niveaux de défiance ? Quels sont les moments de l'histoire où l'on a pu se retrouver face à de tels contextes ?

Bruno Cautrès : Historiquement, il serait tentant de faire la comparaison avec la crise économique, sociale et politique des années 1930. Mais les contextes ne sont pas les mêmes du tout et cette comparaison est plus une métaphore qu’une exacte réplique. Nous sommes aujourd’hui dans des démocraties et des sociétés "post-industrielles", très différentes des sociétés industrielles et encore parfois rurales du début du siècle dernier ; les évolutions sociologiques des dernières décennies (élévation des niveaux d’éducation et de formation, recompositions sociologiques liées aux transformations du salariat, de la famille, du monde industriel et du capital) ont profondément modifié le rapport des citoyens à la sphère publique. On constate, pour reprendre les termes du politiste américain Ronald Inglehart, une montée des valeurs "post-matérialistes" et des bouleversements générationnels d’ampleur depuis le début des années 1960 : l’autorité verticale (au sens d’une organisation qui décide d’en haut et qui prescrit des normes de conduites), qu’elle soit celle de l’Eglise, du parti, du syndicat, est en fort déclin et l’on voit s’affirmer les dimensions plus horizontales de la vie sociale. Les partis et les syndicats ont tenté et tentent encore de comprendre ces évolutions et de s’y adapter. Leurs organisations ne reposent plus sur une centralisation verticale rigide et certains d’entre eux ont tenté d’impulser de l’horizontal dans leurs fonctionnement et organisation. Sans rentrer dans le détail, la structure confédérale des grands syndicats ou leur organisation par branches ou secteurs d’activités a beaucoup évolué.

Jean Garrigues : Sous la Ve République, on sait bien que les records de défiance viennent pour ainsi dire d’être battus. Auparavant, les crises du politique ont été très fortes dans notre histoire du XIXe et du XXsiècle, ne serait-ce que la défiance exprimée à l’égard du régime parlementaire dans les années trente. On observe néanmoins que ce phénomène, du fait des institutions de l’époque, ne se traduisait pas par une défiance envers les partis ou envers les syndicats, mais essentiellement contre le système parlementaire. Des partis comme la SFIO ou le PCF, le Parti Radical au moment des élections, voire le PSF du colonel de La Rocque, restaient des lieux de grande mobilisation. Le taux de syndicalisation, à l’époque, était  lui aussi beaucoup plus important, notamment au moment du Front Populaire. Ce que nous observons aujourd’hui est, je le répète, un effet typique de la culture politique de la Ve République.

Même si la période est peu propice pour les instances représentatives, est-ce un problème structurel ou simplement conjoncturel ? Y a-t-il des traits communs entre le passé et aujourd'hui, ou est-ce plus grave que d'habitude ?

Jean Garrigues : On a assisté à une guerre des chefs au sein de l’UMP qui a ébranlé une grande partie de son électorat et de ses militants ; on a observé une grande faiblesse à la tête du Parti socialiste, les insuffisances de Harlem Désir... Cette situation contraste avec l’embellie partisane suscitée par les élections présidentielles de 2007, entre un renouveau de la culture du chef en la personne de Nicolas Sarkozy à l’UMP, une promotion de la démocratie participative par Ségolène Royal, et une nouvelle stratégie centriste portée par François Bayrou. Mais le soufflet est très vite retombé, et la défiance envers les logiques partisanes s’est réinstallée.

On observe néanmoins que cette défiance ne s’assortit pas d’une paralysie de la vie politique. On constate des mobilisations ponctuelles sur des enjeux précis, hors des partis, à droite comme à gauche, sur des enjeux sociétaux ou autres, ce qui indique une volonté d’intervention des citoyens dans la politique de leur pays. Par ailleurs, on retrouve à chaque fois un renouveau partisan lors des élections présidentielles, mais c’est un phénomène pervers, car ce renouveau s’effectue dans le cadre d’une sur-présidentialisation qui conduit mécaniquement à la subordination et l’assèchement de la créativité partisane.

Nous avons donc un problème qui est structurel, ancré dans une tradition historique, et aggravé par les pratiques institutionnelles de la Ve République, par l’hyper-présidence et bien sûr par la conjoncture actuelle de défiance envers tous les acteurs du politique.

Si le point de rupture est atteint, qui peut prendre la place laissée vacante par la disparition quasi totale de la confiance ? Et selon quel processus probable ? Que nous apprend l'histoire sur des situations similaires ?

Bruno Cautrès : La très faible confiance des Français dans la politique peut s’articuler à une demande de démocratie ressourcée. Dans la vague de la fin 2013 du Baromètre de la confiance politique réalisé par le CEVIPOF, nous avons mesuré les opinions de nos enquêtés vis-à-vis de la démocratie. Les résultats indiquent que si une large majorité adhère à l’idée que la démocratie peut poser des problèmes mais que c’est quand même la meilleure forme de gouvernement (83% sont d’accord avec cette idée, mais seulement 35% sont tout à fait d’accord), la critique que les Français adressent à la démocratie est celle de son manque d’efficacité : 67% déclarent que les démocraties ont du mal à prendre les décisions (seulement 6% ne sont pas du tout d’accord avec cette idée), 44% que le système économique fonctionne mal en démocratie et 40% que les démocraties ne savent pas bien maintenir l’ordre dans le pays.

Mais dans nos données, une autre dimension pointe : la demande d’une autre forme de démocratie. Bien entendu, il faut ici être prudent sur l’interprétation car il ne s’agit que de déclarations lors d’une enquête et par ailleurs sur certains indicateurs ; le choix de ceux-ci et leur formulation influence forcément les réponses. Par ailleurs nous n’avons pas de série chronologique assez longue pour étayer pleinement nos données. Mais nous avons constaté en 2013 que 58% déclaraient qu’un gouvernement composé d’experts serait une bonne solution pour la France et… près de 50% qu’un homme fort dirigeant le pays sans se préoccuper du Parlement et des élections pourrait également être une bonne solution ! Ceci est bien sûr en écho de l’image très dégradée des hommes et femmes politiques et de la critique sur le manque d’efficacité de la démocratie. On notera que dans l’enquête European Values Studies de 2008, près de 30% des Français adhéraient à cette théorie d’un "homme fort" (l’enquête n’était pas administrée par la même méthode que celle du CEVIPOF, ce qui peut aussi expliquer la différence entre les deux pourcentages).

Cette donnée et bien sûr très frappante. Mais elle ne doit pas obscurcir la vue : nous sommes des démocraties complexes et dans le même temps de nombreux canaux de démocratie existent dans la société civile, au niveau associatif et micro-local.  La figure d’un citoyen totalement apathique, passif et prêt à s’en remettre à un "homme fort" providentiel est en partie une image tronquée, voire un mythe. Nous sommes en fait devenus des citoyens plus prêts à défendre à temps partiel ou ponctuellement telle ou telle cause (humanitaire ou même politique comme l’a montré le succès de l’appel aux dons pour les 11 millions d’euros manquant à l’UMP suite à l’invalidation des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy) et nous sommes sans doute moins des idéologues ou des partisans qu’auparavant.

Jean Garrigues : On peut supposer qu’aujourd’hui nous avons atteint des seuils de défiance qui ne baisseront pas davantage, ou très peu, car il existe un réflexe d’attachement aux institutions républicaines. Mais cela n’empêche pas le fait que ces périodes de crise de défiance sont propices à deux phénomènes, sans parler de l’abstention, qui leur est inhérente :

  • la recherche de solutions extrêmes ou démagogiques, qui se manifestera lors des élections européennes avec la percée prévisible du rassemblement Bleu Marine ;
  • la recherche du sauveur, de l’homme providentiel. J’ai consacré un livre à cette fascination française (Les Hommes providentiels. Histoire d’une fascination française, Seuil, 2012). Depuis Napoléon Bonaparte dans la France en crise du Directoire, en passant par le Général de Gaulle en 1958 dans la France livrée au "régime des partis", la recherche de l’homme providentiel est récurrente dans la vie politique du pays.

Cela correspond à une société qui est incapable de trouver des solutions collectives par le biais du dialogue politique et social, c'est-à-dire par le truchement des partis et des syndicats. Dans cette perspective, on peut dire que le positionnement actuel de Nicolas Sarkozy, à l’extérieur du jeu politique, est, au moins momentanément, un atout pour lui. Nous nous trouvons typiquement dans une situation favorable au recours populiste ou à la mythologie de l’homme providentiel, d’autant qu’il y a souvent coïncidence entre ces deux idées.

Comment la tendance pourrait-elle s'inverser ? Même si l'on n'est pas encore au point de rupture, un certain point de non-retour a-t-il déjà été atteint ?

Bruno Cautrès : On peut en effet commencer à se poser la question de savoir si la défiance radicale vis-à-vis de la politique (dans la vague 5 de l’enquête du CEVIPOF, 36% indiquent que la politique leur inspire de la méfiance, 32% du dégoût, 11% de l’ennui ; 4.5% que la politique leur inspire de l’espoir, 1% du respect et 0.5% de l’enthousiasme) ne commencerait pas à "contaminer" l’adhésion aux fondements généraux de la démocratie représentative. D’importantes réformes de la vie politique devraient être engagées de manière à ce que les citoyens aient le sentiment qu’elle fonctionne comme leur vie : non cumul strict, limitation forte du nombre de mandats dans le temps, turnover plus important des responsabilités pour limiter le sentiment généralisé que l’on voit les mêmes visages depuis parfois… des décennies, forte réduction du train de vie des hommes politiques, meilleure adéquation entre la sociologie et la diversité de la société française et la composition des instances de direction des partis ou des syndicats (combien de femmes sont-elles en ce moment des leaders de partis et de syndicats ? combien sont issus de l’immigration ? etc.). Des progrès ont été faits depuis un certain nombre d’années, la route reste longue….

Jean Garrigues : A la marge, l’inversion de ce phénomène de défiance peut mécaniquement découler de l’amélioration des conditions économiques et sociales. Elle peut aussi être liée à la personnalité ou à la confiance suscitée par telle ou telle incarnation du pouvoir. Je pense notamment à l’image d’autorité et d’efficacité que peut dégager Manuel Valls. La cote de popularité de celui-ci, on le voit bien, ne subit pas la dégradation qui est celle des autres pouvoirs, que ce soit la présidence, les partis, les assemblées ou les syndicats.

Mais fondamentalement, la défiance envers les partis et les syndicats, dans la mesure où elle est structurelle, ne pourrait être désarmée que par une transformation radicale de notre rapport au politique, à l’Etat, aux acteurs du politique, et donc du rôle que les corps intermédiaires pourraient jouer dans le fonctionnement de la démocratie.

On voit bien dans l’évolution historique des taux d’abstentions sous la Ve République, que la défiance semble s’accroître de manière inexorable. Ce n’est pas un phénomène qui peut se redresser par la grâce de je ne sais quel acteur politique. Ponctuellement, nous l’avons vu, cela est possible, mais il restera de toute façon des traces profondes qui ne pourront être effacées qu’au prix d’une transformation structurelle, certes progressive et lente, avec l’émergence d’un grand projet politique, français ou européen.

Propos recueillis par Damien Durand et Gilles Boutin

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"


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