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Top Chef : bien cuisiner ne suffit plus, il faut désormais "raconter une histoire" avec son plat !
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Sans modération

Lundi soir, M6 lançait la troisième édition de Top Chef. Quatorze nouveaux candidats se sont lancés dans la course pour être élu Top Chef 2012 et remporter les 100 000 euros. Une émission qui met en valeur la gastronomie française ou l'histoire des candidats ?

Julien Tort

Julien Tort

Julien Tort est bloggueur, photographe, chroniqueur gastronomique et traque l'excellence culinaire. Guide et professeur de cuisine, il se refuse à opposer la santé et le plaisir.

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Ha, ha ! Top Chef est de retour, avec ses chefs presque tops et une nouvelle classe de quatorze mômes à persécuter. La saison du canapé est de retour. Je ne sais pas vous mais moi, pour regarder tous ces plats sophistiqués, je trouve que rien ne vaut un plat de pâtes sur ses genoux.

D’emblée, on nous a promis du spectacle, du vrai, avec des émotions, des vies consacrées à la cuisine, des stars et des foules. Il y aura Philippe Bouvard et de la cuisine devant une foule déchainée, du silence dans un monastère et Jamel. Il y aura le chef Piège, dont le melon n’a pas diminué : « Top Chef est devenu une véritable institution ». Que de promesses.

Je dis « d’emblée », mais le spectacle commence avant : déjà les pubs sont faites sur mesure, et les annonceurs se bousculent manifestement, certains ont même embauché les membres du jury, ces rusés. Top Chef, le Superbowl de la France.

Mais quelque chose est différent, cette fois : les candidats sont à l’image de la scène gastronomique française. Là où les candidats des années précédentes, malgré quelques talents manifestes, étaient dans la position des disciples, la promotion 2012 est au contraire manifestement constitué de personnalités culinairement affirmées. Et pas que culinairement.

Commençons par ce qui est bien. Le niveau des assiettes est assez éblouissant : plusieurs compositions sont superbes à regarder, certaines cuissons sont spectaculaires (la nacre du lieu de Denny !), et la maturité de plusieurs de ces chefs est souvent frappante, à commencer par le plus jeune d’entre eux, Ruben.

Malheureusement, à bien des égards, les candidats sont représentatifs de la scène gastronomique actuelle sous ses aspects les plus énervants : ils sont dans l’ensemble concentrés sur des présentations sophistiquées, et des compositions que je m’en vais appeler romanesques (Noémie). Les approximations techniques se multiplient, ce qui est en soi bien compréhensible dans chaque cas, mais témoigne tout de même de ce que l’intérêt des «sachants» gastronomiques est tourné vers les «idées» et «l’innovation» et que les candidats le savent bien.



Mais là où les candidates reflètent le plus la modernité culinaire, c’est dans leur façon de sa la raconter. C’est qu’aujourd’hui, on peut faire à manger, mais littéralement, l’histoire qu’on raconte prend le pas sur l’idée primaire qu’on voudrait manger quelque chose de bon. C’est si vrai que Cyril a besoin de nous expliquer que le goût est important dans sa cuisine : c’est devenu un choix esthétique qui ne va pas de soi.

Ainsi, Karl est « concepteur culinaire » de son état. Parce que chef, c’est naze. Il ne demande « qu’un peu d’ouverture d’esprit ». Florent aime nous raconter comme il est un pro de chez pro et que même que lui, il sait assaisonner. Dix ans d’expérience (et une pincée de sel) feront toujours la différence. Denny aime à nous expliquer avec son accent italien qu’un jour il fait asiatique, le lendemain italien, comme c’est malin. Aussi, il aime les filles à Paris.

L’histoire de Jean Imbert (qui est un super chef, allez donc à l’Acajou, rue La Fontaine) est elle officiellement extra-culinaire, ce qui la rend rafraichissante : à en juger par la narration vidéo, c’est l’histoire d’un gosse de riche qui cuisine et qui veut que son papa lui dise qu’il l’aime. Bonne chance.

Il y a les chefs, et puis il y a les clients. L’épisode des Grosses Têtes m’a mis particulièrement mal à l’aise, en me rappelant que, si on veut être chef, on s’expose au jugement de vieux débris contents d’eux, champions à la fois du conservatisme et de la vulgarité. Ruben le résumait bien : il faut plaire à ses clients avant tout, plutôt que de suivre sa propre inclination.

Ruben, justement : un lycéen de 18 ans, le plus jeune et pourtant à bien des égards, le plus mature des candidats : incroyablement savant, manifestement doté d’un instinct culinaire aiguisé, et tellement plus posé et raisonnable que beaucoup de ses concurrent professionnels. Sérieusement, le diable a-t-il une créance sur son âme ? Un portrait de lui vieillit-il quelque part dans un grenier du quartier latin ? Quel est son secret ?

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