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Le terrorisme islamique, probablement le pire des visages barbares jamais engendrés par les civilisations grâce à Internet et aux prédicateurs itinérants
©Reuters

Bonnes feuilles

L'islamisme marque le retour de la barbarie, et ceci dans une dynamique croissante après le 11 septembre. Nous avons vaincu les barbares d'autrefois : saurons-nous vaincre ceux d'aujourd'hui ? Que l'islam soit le terreau de l'islamisme n'explique pas tout. Il est le symptôme d'un mal plus profond, dont il nous faut chercher les causes. Nous pourrons alors peut-être lui trouver un remède. Extrait de "Barbares : le retour", de Vincent Aucante, aux éditions Desclée de Brouwer 2/2

Vincent Aucante

Vincent Aucante

Vincent Aucante, docteur en philosophie, ancien Directeur du Centre Saint-Louis à Rome et ancien Directeur culturel du Collège des Bernardins à Paris, est spécialiste de Descartes et d'Edith Stein.

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Al Nosra, Aqmi, Daesh & Co

Nous sommes à présent en mesure de rassembler les principales pièces du puzzle dessinant le dernier visage barbare qu’aient engendré les civilisations: le terrorisme islamique, avec ses multiples tentacules. La structure culturelle qui l’habite se révèle semblable en tous points à celle des barbares. Il suffit de balayer rapidement les traits de la culture barbare identifiés au deuxième chapitre pour s’en convaincre: des communautés égalitaires et guerrières, le mépris de la mort, la présence de femmes guerrières, la tendance au morcellement, le mépris des frontières, etc.

Mais le terrorisme islamique n’a rien de médiéval : il est au contraire une production avancée de notre modernité mondialisée, qui applique intégralement l’idéologie salafiste. Ce qui explique par parenthèse la complicité qu’il entretient avec les États qui ont adopté la même idéologie, comme la Turquie, le Pakistan ou l’Arabie saoudite. L’islamisme protéiforme ne se réduit pas à un État islamique qui aurait une politique raisonnée attachée à un territoire circonscrit : il rayonne sans limite grâce à Internet et aux prédicateurs itinérants, et peut toucher un grand nombre de personnes, engendrant des émergences spontanées de cellules terroristes partout dans le monde.

Qu’ils s’appellent Al Nosra, Aqmi ou Daesh, tous ces mouvements qui forment une hydre mondialisée ont en commun une même barbarie qu’ils appliquent sans compassion et pour laquelle ils sont prêts à sacrifier hommes, femmes et enfants sans compter. Nous pouvons en décrire succinctement les principales caractéristiques.

De l’émergence de la barbarie islamiste

Le contexte islamique présidant à l’émergence de la barbarie islamiste n’est pas neutre, et doit être appréhendé avec lucidité. L’islam est prisonnier de la falsification salafiste qui lui a confisqué sa liberté et sa spiritualité (cf. supra c. vii.1). Une religion devenue captive d’une idéologie perd sa nature spirituelle pour devenir un outil de persécution. La redécouverte de la rationalité et de la spiritualité musulmanes est en marche, mais elle demeure entravée par les théocraties saoudienne et qatarie qui, grâce à leur pouvoir financier et pétrolier, imposent au monde leur islam perverti et servile. Les mouvements terroristes islamistes sont nés dans ce terreau. L’implication des théocraties du Golfe dans la naissance d’Al Qaida (avec l’aide et le soutien des États-Unis), est bien connue. Au nom de l’islam salafiste, le Qatar et l’Arabie saoudite soutiennent ouvertement des barbares islamistes, tout comme la Turquie, le Pakistan ou le Soudan.

Dans ce carcan intégriste radical, l’islam a connu une autre subversion redoutable en se mariant avec le marxisme, qui en accentue les effets violents. Sous l’inspiration de Qutb que nous avons rencontré plus haut, l’horizon du musulman s’est rétréci: rompant avec la grande culture islamique, abandonnant toute perspective spirituelle, les Frères musulmans ont réinterprété le djihad, et en ont fait le moteur de l’instauration violente de l’islam sur terre. L’idée que l’on peut convertir le monde à l’islam par la force, quitte à éliminer ceux qui pourraient s’y opposer, est pourtant contraire à l’esprit du Coran. Un premier choix de la barbarie est fait à ce stade: le meurtre est consciemment perçu comme un moyen de maintenir l’assujettissement des croyants et de forcer la conversion des autres.

La revendication d’une uniformité identitaire islamiste qui habite l’idéologie salafiste engendre inéluctablement des affrontements, même dans les sociétés majoritairement musulmanes. Cette tendance est manifeste au Soudan, au Pakistan, en Turquie ou en Indonésie, où les islamistes prennent progressivement le pouvoir, en manipulant les rouages de la démocratie (lorsqu’elle existe). Ils ont toutefois échoué en Égypte, au Maroc et en Tunisie, preuve que les peuples peuvent d’eux-mêmes trouver la force de résister à la barbarie. Le rêve d’unité des musulmans autour de l’idéologie salafiste achoppe aussi sur l’histoire de l’islam qui n’a cessé de se morceler depuis les premières années. Il existe d’innombrables minorités musulmanes qui se sont séparées les unes des autres depuis des siècles, et que l’on désigne souvent par commodité comme des chiites. Ces différences ne peuvent qu’exacerber la volonté d’uniformité et d’homogénéité des islamistes.

Dans d’autres contextes, comme en Chine ou en Occident, le caractère multiculturel et multiethnique des sociétés conduit les minorités islamistes au communautarisme, voire à la clandestinité. Leur stratégie va consister à remettre en cause la concorde sociale en perpétrant des attentats, et à accentuer ainsi le morcellement social. Pour ce faire, ils recrutent prioritairement dans les rangs de la minorité musulmane, profitant de la radicalisation islamique prêchée dans le monde entier par les missionnaires salafistes.

Nous l’avons vu plus haut: nos sociétés civilisées sont rongées par la barbarie intérieure, à l’échelle individuelle et collective; la reconnaissance du bien commun devient difficile; les groupes communautaires jouent d’influence pour faire valoir leurs intérêts propres; la mise en cause des valeurs transcendantes communes à tous les citoyens ruine la concorde sociale; etc. Nombre de personnes, privées de racines culturelles et religieuses, souffrent de l’individualisme exacerbé auquel elles se sentent condamnées et qui les prive de liens solidaires forts. Certaines se trouvent fragilisées psychologiquement, dépourvues de perspective spirituelle. Le discours simple et radical des islamistes opère une véritable séduction spirituelle sur ces personnes, engendrant des conversions rapides et nombreuses. Les convertis ne sont plus seuls, ils sont entrés dans une vaste communauté solidaire qui étend sa toile dans le monde entier grâce à Internet et à la mondialisation. Il nous faut aussi faire face à ce paradoxe: c’est par désir de sainteté, et pour échapper à la barbarie intérieure qui habite nos sociétés, que des personnes se convertissent à l’islamisme le plus radical… et deviennent bientôt de véritables barbares. Nous avons rencontré plus haut ce même phénomène dans l’Antiquité: certaines personnes, comme Onégèse ou Cassiodore, fuyaient déjà la perversité et l’hypocrisie des empires dits civilisés pour aller vivre volontairement chez les barbares (cf. c. vi).

La conversion à l’islamisme radical entraîne la personne dans une spirale violente où elle adopte une nouvelle identité, et devient membre d’une communauté comparable aux clans barbares d’autrefois. Sous l’influence du réseau, son ancienne personnalité s’efface alors: elle ne vit plus que pour et dans la communauté dont elle est un membre à part entière. L’idéologie islamiste va structurer les actes et la vie de ces convertis: ils font le mal collectivement, et en jouissent en toute impunité (cf. c. vii.4). Le mimétisme inconscient qui affectait les tribus barbares d’autrefois est redoublé par « l’effet Lucifer » qui procure un plaisir malsain avec l’immersion consciente dans la violence et le meurtre. Et l’impunité collective des criminels les conforte en effet dans la poursuite de leurs exactions, suivant une topique de complicité que les islamistes partagent avec les mafias mexicaines ou japonaises.

Extrait de Barbares : le retour, de Vincent Aucante, aux éditions Desclée de Brouwer, septembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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