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Tensions sur le droit au blasphème : voit-on assez le méthodique jihad juridique engagé depuis plus de 20 ans ? (Partie 1)
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Analyse

Le décryptage géopolitique d'Alexandre del Valle suite aux violences dans le monde en réaction au film anti-islam et aux caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Depuis que le scandale autour du film islamophobe L’innocence des musulmans a éclaté à l’occasion de l’anniversaire du 11 septembre sur une chaîne islamiste égyptienne, beaucoup d’encre et de sang ont coulé. Les fanatiques salafistes ont ressuscité un film (au départ passé totalement inaperçu) attribué à un américano-égyptien, qui a lui-même tenté de le faire endosser par des "donateurs juifs sionistes". Cette version a naturellement trouvé un écho favorable chez les islamistes, adeptes de théories conspirationnistes, qui rendent juifs et Américains responsables de tous les maux des musulmans.

La suite est connue qu’elle se soit déroulée à Benghazi (Libye), en Egypte, en Tunisie, au Yémen ou en Allemagne. Très vite, on est passé de l’antijudaïsme et de l’anti-américanisme à une haine antioccidentale généralisée. Au Pakistan, des "blancs" ont été attaqués, menacés ou insultés juste parce qu’ils avaient des faciès d’Occidentaux.

Ceci dit, et contrairement à ce qu’ont laissé croire les médias, meilleures caisses de résonance des islamistes, peu de mobilisations massives ont réellement eu lieu, excepté celles organisées au Pakistan par les partisans de la peine de mort pour le blasphème, puis au Liban, à l’appel du Hezbollah chiite. Il est vrai que la République islamique iranienne chiite, parraine de ce dernier, refuse de se faire voler la vedette dans la lutte antioccidentale et la chasse à "l’islamophobie" : un Ayatollah a donc opportunément ressuscité l’affaire Salman Rushdie en portant à 3 millions de dollars le contrat mis sur la tête de l’auteur des Versets sataniques.

Et l’Ayatollah Khomeiny inventa l’expression "d’islamophobie"

Rappelons que c’est l’Ayatollah Khomeiny qui lança en 1989 l’expression "d’islamophobie" et qui testa le premier les capacités de réaction (et de soumission) de cet Occident qu’il méprisait et jugeait lâche. A l’époque déjà, plutôt que de défendre en bloc Salman Rushdie, les responsables politiques et religieux occidentaux se désolidarisèrent des propos "blasphématoires" de l’écrivain, jugés responsables de la "colère" des fous de Dieux qui tuèrent d’ailleurs le traducteur japonais des Versets Sataniques.

Quelques années plus tard, les dirigeants occidentaux et les médias se désolidarisèrent d’une autre Voltaire du monde musulman, la Somalienne "apostat" Ayaan Hirsi Ali, devenue députée hollandaise, puis de Théo Van Gogh, qui produisit avec elle le film Submission qui "offensait les musulmans". Ces deux "islamophobes" furent accusés d’avoir "provoqué" l’ire de leurs bourreaux, et Van Gogh fut assassiné en pleine rue par un islamiste hollandais d’origine marocaine proche d’Al-Qaïda, Mohammed Bouyeri, tandis que Hirsi Ali dut s’exiler aux Etats-Unis pour fuir les menaces de mort...

Depuis lors, intimidé par le fanatisme et tenu par ses "alliés" musulmans producteurs de pétrole (et / ou protecteurs des Talibans et d’Al-Qaïda comme le Pakistan ou l’Arabie saoudite), l’Occident a systématiquement abdiqué face aux offensives-tests des partisans de la censure islamiste désireux de répandre l’esprit de la charia et de la "dhimmitude" en l’Occident. Citons les déclarations officielles des dirigeants américains et européens (excepté l’Italie et le Danemark) condamnant les caricaturistes danois de Mahomet (du journal Jyllands-Posten, en 2005) et les propos mal compris du Pape Benoît XVI sur l’islam tirés du discours Foi, raison et université (septembre 2006).

Plus récemment, le film anti-islam, L’Innocence des Musulmans et les énièmes caricatures de Mahomet diffusées par Charlie Hebdo ont été officiellement condamnés par Barack Obama et Hillary Clinton, jusque dans des spots publicitaires diffusés en boucle dans les télévisions du Pakistan... Déjà en 2009, dans son discours du Caire, plutôt que de demander amicalement aux Etats musulmans de combattre les jurisprudences le plus liberticides de la charia et les persécutions des minorités, Barack Obama prononça un discours totalement déresponsabilisant et victimisant qui culpabilisait la supposée "islamophobie" de l’Occident et vantait les "Lumières de l’Islam" sans jamais oser parler de réciprocité dans la tolérance.

Dorénavant, les grands médias et responsables occidentaux renvoient dos à dos les caricaturistes pacifiques et les islamistes terroristes, comme si les premiers étaient comparables à des fanatiques qui trouvent toujours un prétexte pour étancher leur soif de sang et atteindre leurs objectifs liberticides. Dans le pays de Voltaire, où le droit au blasphème s’exerce contre l’Eglise catholique sans jamais être dénoncé officiellement, le Premier ministre Jean Marc Ayrault et le Quai d’Orsay ont fait une exception pour l’islam en désavouant les caricaturistes. Renouant avec l’esprit munichois, les Occidentaux vont souvent encore plus loin que certains officiels et médias arabo-musulmans qui ont parfois bien plus clairement que leurs confrères occidentaux refusé d’analyser les violences obscurantistes comme des "réactions à l’offense" (voir les éditos courageux d’Al Sharq al Awsat, de L’Orient le Jour, ou de Tahar Ben Jelloun et du tunisien Abdelwahhab Medeb).

Pétris de mauvaise conscience d’ex-colonisateurs, les médias, clergés et politiques européens sont tombés dans le double piège tendu par les islamistes : celui des fanatiques qui intimident en tuant ; et celui des interlocuteurs islamiques officiels, qui assortissent le rejet des violences à une exigence de pénalisation de "l’islamophobie".

Le "jihad juridique" de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) et des Frères musulmans

Ainsi, pour calmer la "colère" des uns et satisfaire les requêtes liberticides des autres, les responsables occidentaux s’excusent collectivement pour des actes "islamophobes" commis par quelques uns, alors que ni les gouvernements ni les masses d’Occident n’en sont d’aucune façon justiciables. En reculant de la sorte, ils reconnaissent de facto la nécessité de limiter la liberté d’expression. Erreur stratégique majeure, car en condamnant les journalistes ou scénaristes qui "provoquent" la colère des islamistes, ils incitent ces nouveaux censeurs à exiger toujours plus.

C’est ainsi que Mahmoud Gozlan, porte-parole des Frères musulmans, tout en saluant les critiques du gouvernement français envers Charlie Hebdo, a immédiatement invité la France à adopter des lois pour pénaliser l’islamophobie, osant même dresser un parallèle avec les lois mémorielles condamnant le négationnisme et l’antisémitisme : "Quiconque doute de l'existence de l'Holocauste est emprisonné, mais si quelqu'un insulte le Prophète, ses compagnons ou l'Islam, le maximum que fasse (la France) est de présenter ses excuses en deux mots. Ce n'est ni juste ni logique", a lancé Mahmoud Gozlan. "Nous rejetons et condamnons les caricatures françaises qui déshonorent le Prophète et nous condamnons toute action qui diffame le sacré", a déclaré quant à lui, Essam al Erian, haut responsable du Parti liberté et justice (PJD, Frère musulman) au pouvoir en Egypte, exigeant que la justice française "s'attaque au problème avec autant de fermeté que pour les photos seins nus de la duchesse de Cambridge, Kate Middleton", publiées dans Closer.

Dans ce processus de renversement des responsabilités à des fins liberticides, l’organisation de la Coopération islamique (OCI), plus grande organisation intergouvernementale après l’ONU, regroupant 57 pays musulmans et dont l’Arabie saoudite, le Pakistan, la Turquie et l’Egypte sont les leaders, joue un rôle capital à l’échelle mondiale. Sous couvert de "défense des minorités musulmanes menacées", l’OCI use de son influence pour empêcher l’intégration des immigrés musulmans d’Occident, pris en otage par les barbus et abandonnés par nos gouvernements capitulards qui les confient depuis des années aux prédicateurs étrangers et aux Etats islamiques "alliés" qui combattent tout prosélytisme chrétien chez eux et refusent toute réciprocité mais répandent la "vraie foi" en Europe et ailleurs...

Pour entériner cette absence totale de réciprocité et imposer la suprématie de la charia sur la conception laïque et universelle des droits de l’homme, en 1981 et en 1990, l’OCI a proclamé deux "Déclarations islamiques universelles des droits de l’homme" faisant prévaloir l’esprit de la Charia et limitant la liberté religieuse (condamnation du blasphème et du droit à choisir sa religion). Et depuis 1999, l’OCI a tenté de faire transcrire dans le droit international, notamment au sein des Nation Unies, les concepts de "diffamation des religions" et d’"islamophobie", véritables armes de guerre juridiques contre la liberté d’expression et pour promouvoir la Charia dans le monde.

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