Tempête sur les méga-bassines des Deux-Sèvres : jusqu’où ira cette extrême gauche du climat qui se fiche autant de la réalité scientifique que de la légalité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants se tiennent autour d'un site de rétention d'eau lors d'une manifestation à l'initiative du collectif Bassines Non Merci, de la Confédération paysanne et des Soulevements de la Terre, à Mauze-sur-le-Mignon.
Des manifestants se tiennent autour d'un site de rétention d'eau lors d'une manifestation à l'initiative du collectif Bassines Non Merci, de la Confédération paysanne et des Soulevements de la Terre, à Mauze-sur-le-Mignon.
©XAVIER LEOTY / AFP

Sainte-Soline

Entre 7.000 et 10.000 manifestants sont attendus à Sainte-Soline près de Niort dans les Deux-Sèvres durant tout le week-end pour protester contre un projet de méga-bassines.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Terre à Terre

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Le compte Twitter de Terre à Terre est géré par un enseignant agrégé de Sciences de la Vie et de la Terre.

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Atlantico : Emmanuel Macron a indiqué ce vendredi, lors d'une conférence de presse à Bruxelles, que "des équipements d'une rare violence" ont été saisis par les autorités avant la manifestation contre les méga-bassines prévue samedi, à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. Entre 7.000 et 10.000 personnes sont attendues pour ce rassemblement, selon les estimations des autorités. A quoi faut-il s’attendre de la part de ces activistes ce week-end ?  

Eddy Fougier : Ce rassemblement est annoncé depuis très longtemps. Il va y avoir vraisemblablement beaucoup de monde. L’objectif est de reproduire ce qui s’est produit à Sainte-Soline au mois d’octobre dernier. Il y a généralement différentes marches, celle des militants pacifiques, des syndicats agricoles, des collectifs écologistes. Et à côté, il y aura des mouvements plus radicaux. Le président de la République parlait de ces groupes en particulier.

Les mouvements radicaux vont percevoir les déclarations d'Emmanuel Macron comme une provocation. Dans un contexte plus général, au-delà de la question de l’eau, la contestation de la réforme des retraites amène un peu d’huile sur le feu.

Il y aura beaucoup de monde. Des militants plus radicaux vont essayer d’aller sur le chantier pour dégrader ou bloquer les chantiers de rétention d’eau.  Comme il y aura un déploiement important de forces de l’ordre, il risque d’y avoir des tensions et des confrontations.

Au-delà de la question de l’eau et des méga-bassines, il y a le contexte plus général de la contestation de la réforme des retraites et de la politique menée par le président de la République.   

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Terre à Terre : Les opposants prétendent que l’eau prélevée pendant l’hiver contribuera à assécher progressivement les nappes, et que par conséquent ces bassines ne seraient en rien une solution pérenne. Les agriculteurs favorables au projet affirment au contraire que l’eau prélevée le sera aux dépens de l’écoulement vers la mer, ce qui ne menacerait en rien l’état des nappes phréatiques…

La région bénéficie d’une situation géologique singulière. En effet, la région ciblée par le projet se trouve à proximité du « Seuil du Poitou », dont la particularité est d’être située à la jonction entre deux grands bassins sédimentaires : le Bassin Parisien au Nord et le Bassin Aquitain au Sud. Coincé entre deux grands massifs cristallins (Massif Armoricain et Massif Central), le Seuil du Poitou se caractérise par la présence de couches sédimentaires peu épaisses, du fait que le socle granitique ne se trouve pas très loin sous la surface.

Or, ce socle cristallin est un très mauvais aquifère (il ne contient que très peu d’eau), du fait de sa très faible porosité. Les nappes phréatiques sont donc exclusivement contenues dans les fines couches sédimentaires sus-jacentes.

En conséquence, les aquifères contenant ces nappes présentent de faibles volumes de stockage, et les nappes concernées sont généralement des nappes libres, en relation directe avec la surface, contrairement à la majorité du Bassin Aquitain qui est constitué d’une sorte de « mille-feuilles » sédimentaire.

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Quel est l’état de cette menace de l’éco-terrorisme ? Ces militants radicaux sont-ils encore plus dangereux que les militants de l’ultra gauche présents dans les cortèges contre la réforme des retraites ?

Eddy Fougier : Le débat sur l’éco-terrorisme est un débat de nature politique et idéologique. Il y a des militants d’extrême gauche ou d’ultra gauche qui s’intéressent de plus en plus à des questions écologiques ou sur le droit des animaux. Du côté des militants écologistes radicaux, ils se rapprochent des modes opératoires de l’ultra gauche. Il y a des éléments de proximité, au niveau des causes défendues et sur la façon de s’exprimer. Les militants qui vont se rendre à Sainte-Soline ce week-end ont sans doute déjà manifesté contre la réforme des retraites. La politique menée par Emmanuel Macron, le système capitaliste, la FNSEA, l’agro-industrie… seront pointés du doigt. Une convergence des causes est au cœur de ce mouvement. Nous assistons aussi à une convergence des modes opératoires.

Le contexte des tensions qui ont pu exister entre des militants radicaux et les policiers est un contexte assez explosif.  

Jusqu’où les militants de l’environnement radicaux sont-ils prêts à aller ? Leurs réseaux sont-ils bien structurés ? Y a-t-il de fichés S parmi eux ?

Eddy Fougier : La question des fichés S et de l’éco-terrorisme est au cœur de la criminalisation de cette contestation. Ce débat est de nature politique. La question se pose sur les limites de ces militants radicaux. Jusqu’où peuvent-ils aller ? Nous assistons à une gradation. Il y aura des manifestants pacifistes ce week-end. Mais aujourd’hui, par les actions de désobéissance civile, certaines opérations sont illégales mais globalement pacifiques. Il y aura également la présence de membres du mouvement les « Soulèvements de la Terre », le fer de lance des manifestations les plus radicales. Ces militants ont recours à des actions illégales et qui sont considérées comme violentes avec des dégradations, des destructions de biens et du harcèlement des forces de l’ordre, d’agriculteurs, d’élus locaux. Yannick Jadot (le candidat EELV lors de la dernière élection présidentielle, ndlr) avait même été critiqué à Sainte-Soline.

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La stratégie déployée est donc sur le harcèlement des individus et le sabotage. La grande question est de savoir si une nouvelle étape sera franchie. Cela fait partie des hypothèses évoquées dans des rapports qui fuitent de la part des renseignements. Il faut toujours être très prudent. A ce stade, nous ne voyons pas, fort heureusement, la volonté de la part de ces militants d’en venir à des actions visant intentionnellement des individus pour les tuer. Il s’agit toujours du même débat et des mêmes interrogations au sujet de l’éco-terrorisme. Certains observateurs évoquaient le fait qu’envoyer des boules de pétanque sur les gendarmes relevait du terrorisme. Il n’y a pas encore de dérive de nature terroriste au sens strict du terme dans ce type de mouvement.

Mais compte tenu de leur point de vue autour de l’urgence climatique, le sentiment d’inertie d’un certain nombre d’acteurs, du gouvernement, du secteur économique, contribue à la montée de ce sentiment d’urgence à agir, à bloquer, à désarmer. Le passage au sabotage semble être quelque chose de plus en plus courant. Il y a eu un basculement à Sainte-Soline avec la destruction des canalisations qui était mise en scène et filmée. Cela était vécu comme une grande victoire. Il y a eu aussi l’action menée à Bouc-Bel-Air contre une usine Lafarge avec des actions de destruction assez importantes. L’usine n’a pas pu fonctionner pendant plusieurs jours entraînant des milliers d’euros de dégâts. Aujourd’hui, la plus grosse menace concerne les destructions potentielles qui pourraient être de plus en plus importantes. Les tensions risquent d’être accrues avec les forces de l’ordre.

Avec le site des méga-bassines, les rassemblements ont lieu sur des espaces ouverts. Comme pour les ZAD, le maintien de l’ordre est très complexe dans ces zones. Dans une ville, il est plus facile de quadriller le périmètre d'une manifestation.

Est-ce que certains politiques comme Jean-Luc Mélenchon ou Sandrine Rousseau peuvent être rendus coupables d'encourager les militants écologistes à des actions toujours plus radicales ? L’État prend-il suffisamment au sérieux cette affaire et se donne-t-il assez les moyens pour se préparer aux actions des militants écologistes radicaux ?

Eddy Fougier : Qu’il y ait du côté d’élus ou de dirigeants de mouvements écologistes une forme de complicité avec ce type d’action paraît assez évidente.

Certains mouvements écologistes considèrent que ce sont les rapports de force qui peuvent faire évoluer les choses et bouger les lignes.

La notion de conflictualité fait bouger le rapport de force. Les actions de blocages ou de dégradations y contribuent. Il y a eu un certain nombre d’exemples en France ces dernières décennies qui ont montré que cela marchait pour les OGM. A cause ou grâce aux actions menées par les faucheurs volontaires et la confédération paysanne, des plans d’OGM ont été détruits en plein champ ou des travaux de chercheurs en laboratoires ont été entravés. Tout ceci a abouti au fait que la recherche sur les OGM, pour laquelle la France était l’une des pionnières dans le monde, a été totalement stoppée. Ces actions ont aussi été menées contre les pesticides et le glyphosate.

Lorsque l’on se place du côté des élus ou des dirigeants de mouvements écologistes classiques, ils se disent que le seul moyen de faire bouger un peu les choses, même s’ils ne vont pas l’avouer de manière explicite, est ce rapport de force basé sur des actions qui sont illégales et avec le recours à la violence. C’est le danger que nous voyons dans la société française depuis quelques années, il s’agit d’un sentiment que le seul moyen de se faire entendre vis-à-vis du gouvernement et pour faire bouger les choses c’est d’être une menace et de détruire. Ce fut le cas avec les Gilets jaunes en 2018. C’est ce que l’on a vu avec les OGM. C’est ce qu’il semble aussi se passer sur la question de la réforme des retraites. Ce dialogue de sourds aboutit à ce que l’on se dise que le seul moyen d’être entendu est de casser. Ce constat est inquiétant.    

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