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Tempête dans un verre d’eau sale : la France avait-elle vraiment besoin de l’avis d’Edouard Philippe sur les manuscrits antisémites de Céline ?
©JOEL SAGET

Bagatelles pour Matignon

Le Premier ministre aime la littérature. Et il avait à cœur de le faire savoir.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Edouard Philippe est, selon toute apparence, un homme très occupé. Il s'occupe de la limitation de vitesse sur les routes, de la SNCF qui déraille, de la dette, du budget, de son parti qui marche de travers. Mais il a trouvé le temps de lire Bagatelles pour un massacre, L'Ecole des cadavres, Les beaux draps, les trois plus célèbres pamphlets antisémites de Céline. Et Edouard Philippe voulait que la France en soit témoin.

"Il y a d'excellentes raisons de détester l'homme mais nous ne pouvons ignorer l'écrivain ni la place centrale qu'il tient dans la littérature française" a-t-il déclaré. Il réagissait ainsi à la polémique qui, de Saint-Germain-des-Prés à Saint-Germain l'Auxerrois, déchire nos élites pensantes à propos de la réédition par Gallimard des trois textes de Céline. Edouard Philippe est pour à condition, que les pamphlets soient mis dans un préservatif qu'on appelle "appareil critique". Cette polémique ressemble à une tempête. Une tempête dans un verre d'eau. Un verre d'eau sale : celle qui suinte des pages de Céline.

Après la guerre Céline avait interdit qu'on republie ces pamphlets : son ami Hitler avait alors mauvaise presse… Sa veuve, Lucette Destouches, fidèle exécutrice testamentaire, en avait fait de même. Puis Antoine Gallimard est allé voir cette dame âgée de plus de cent ans et a arraché de sa main tremblante une signature libératrice. Un éditeur ça édite. Ca cherche aussi à vendre. Avec Céline auréolé d'un parfum d'interdit c'est le jackpot garanti.

Dans le nouveau Dictionnaire des idées reçues l'auteur de Bagatelles pour un massacre occupe une place de choix. Obligation est faite à tous de répéter les phrases suivantes. "Certes Céline a écrit des textes antisémites mais c'était un grand romancier". "Certes Céline a etc… mais il était un génie de la littérature". "Certes Céline a etc… mais c'était un immense écrivain". "Edouard Philippe (et aussi Philippe Bilger dans Atlantico) n'ont pas dérogé à cette règle.

Quiconque a lu les trois pamphlets de Céline (aisément disponibles sur le net et chez les bouquinistes) a pu y découvrir autre chose que de l'antisémitisme banal. Une expression plate qui ne peut suffire à définir les passions et les pathologies de Céline. Chez lui la haine antijuive est rabique. La haine folle qui habite l'écrivain lui brûle le corps et les entrailles. Il hurle à la mort. Les Juifs sont des rats qui apportent la peste. Et il faut se débarrasser des rats!

Céline était un malade. Avec toutes les caractéristiques d'un psychopathe. Le Tout-Paris de la collaboration était à ses pieds. Le Tout-Berlin aussi. Comme l'a montré Taguieff dans un livre éclairant Céline, qui se plaignait toujours de manquer d'argent, allait tendre sa sébile à l'ambassade d'Allemagne. Quant à sa pathologie elle est attestée par une conversation dont l'écrivain Ernst Jünger alors officier à Paris s'est fait l'écho.

Lors d'une de leurs entrevues Céline s'était inquiété de la "modération" d'Hitler à l'égard des Juifs.  "Est-ce qu'il ne serait pas un peu juif lui-même?" avait-il insinué. Pauvre Céline qui n'avait pas été informé de l'existence des chambres à gaz…

J'ai mon avis sur les pamphlets de Céline. Oui il faut les republier ! Mais pas parce que leur auteur était "un grand écrivain", "un génie" etc. Mais parce que Bagatelles pour un massacre, Les beaux draps et L'Ecole des cadavres permettent un examen clinique des finalités meurtrières ("la solution finale") de la haine antijuive. Ces textes de Céline sont peut-être le meilleur antidote contre l'antisémitisme.

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