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Pourquoi nous 
n'interviendrons pas en Syrie
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Au bonheur de Damas

Après le relatif succès de la stratégie de l’OTAN en Libye, les regards se tournent maintenant vers la Syrie. Mais personne ne paraît pour autant promouvoir un scénario similaire dans son cas. Voici pourquoi.

Barah Mikail

Barah Mikail

Barah Mikaïl est est chercheur au sein de l'institut de géopolitique espagnol FRIDE. Il est spécialiste du Moyen-orient et de l'Afrique du nord.

 

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Nous n'irons pas en Syrie pour plusieurs raisons... Certes, les opposants syriens « de l’intérieur » comme ceux « de l’extérieur » rejettent l’éventualité d’une réitération du scénario libyen dans leur pays. Mais cela n’explique pas tout. Les opérations militaires développées en Libye sont loin d’avoir été promues par voie référendaire libyenne, c’est le moins que l’on puisse dire. Qui plus est, certaines voix, quand bien même elles sont marginales et isolées, ne manquent pas de faire des appels publics à une intervention militaire directe en Syrie, comme c’est le cas de l’ancien vice-Président  Abdel-Halim Khaddam. Pourtant, point de répondant de la part « des Occidentaux ».

Les menaces de veto russe et chinois devant toute résolution onusienne s’en prenant trop fortement à la Syrie sont généralement prises en référence pour justifier l’impuissance de la dite « communauté internationale » devant les événements violents, voire sanglants, qui s’y déroulent. Mais les faits sont loin de se résumer à cela. A ce que l’on sache, en 2003, lorsque la détermination des États-Unis et de certains de leurs alliés était forte quant à une intervention en Irak, le contournement de la voie onusienne a été de rigueur. Et personne n’oserait sérieusement penser que, en l’espace de moins de dix années, les acteurs des relations internationales ont été capables d’évoluer vers plus de morale.

Dans les faits, de Washington à Riyadh en passant par Paris, Londres ou encore Amman et Doha, les dirigeants sont implicitement unanimes sur leur souhait de voir le régime de Bachar al-Assad, dernier bastion officiel du nationalisme arabe, et l’un des maillons forts du « front du refus » anti-occidental, péricliter. Mais le problème qui se présenterait alors serait de savoir quelle alternative serait à même de se jouer de fils internes comme régionaux que le régime syrien a su manier avec brio jusqu’ici.

En effet, outre que « l’opposition syrienne » n’a d’existence que le nom, et qu'elle est dépourvue ne serait-ce que d’un début de projet politique viable et convaincant, il faut aussi convenir de ce que la création d’un vide soudain dans ce pays ne pourrait qu’augmenter les risques d’une instabilité régionale profonde… le tout, alors que le pays ne dispose même pas de ressources naturelles suffisantes pour permettre aux potentiels « libérateurs » du peuple syrien un retour sur investissement. Certes, Tunisie et Egypte, en dépit du caractère cacochyme de leurs scènes politiques internes, pourraient cependant faire aboutir les conditions pour une transition pacifique dans leur pays. Bien que moins garantie dans le cas de la Libye, il n’en demeure pas moins que les risques d’une implosion du pays ne paraissent pas pour autant menacer lourdement les pays frontaliers et régionaux. Or, il en va tout autrement dans le cas de la Syrie.

Le président Bachar al-Assad se voit en effet sauvé, aujourd’hui encore, par sa préservation de relations stratégiques régionales qui furent le propre de la politique de son père, Hafez al-Assad. Ses relations avec l’Iran ; les liens étroits tissés avec le Hezbollah libanais ; sa capacité d’impact non négligeable sur le Hamas palestinien ; le tout combiné à la sensibilité de son pays aux questions communautaires, et à la peur de beaucoup de voir sa chute générer un Irak bis, fait que, quand bien même le choix de renforcer des pressions et sanctions inopérantes sur le pays demeure intact, ne pointe finalement en parallèle que le fantasme d’une Syrie débarrassée de son pouvoir actuel, chose que les événements tardent cependant à faire aboutir.

Cela ne veut pas pour autant dire que le régime syrien réussira à se maintenir en place ad vitam aeternam ; les conditions pour un changement sont dorénavant vérifiées en Syrie, et ont même amené la promotion par le régime de réformes, aussi cosmétiques puissent-elles être. Mais pour l’heure, et paradoxalement, force est de constater que le pouvoir syrien demeure le gagnant de la partie ; et que ni l’OTAN, ni une quelconque puissance occidentale n’est prête à laisser trop de plumes dans le cas d’une Syrie d’où découlent des équations bien plus complexes que dans bien d’autres pays de la région.

Pour couronner le tout, on notera que le régime syrien, en se jouant de ses connexions stratégiques avec les « forces du Mal » anti-israéliennes de la région, trouve finalement refuge à travers l’ensemble de ces acteurs dont les Occidentaux ont essayé de le détacher dix années durant, sans exception. Il ne faut dès lors pas s’étonner de voir que, plus les pays occidentaux et leurs alliés font pression sur la Syrie, plus celle-ci ressentira le besoin urgent de ne pas céder à leurs demandes. Bien au contraire. Et quand bien même cela se fait au nom d’une répression continue.

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