Atlantico Business
Superprofits des pétroliers : la semaine où les Etats vont commencer à lorgner sur 200 milliards de dollars
C’est historique et pour beaucoup scandaleux. Plus de 200 milliards de dollars, c’est le montant des profits réalisés en 2022 par les géants mondiaux du pétrole. Jamais dans l'histoire, les pétroliers n’avaient été aussi riches. Pourquoi et comment ? C’est ce que tous les Etats occidentaux vont chercher à savoir et exploiter.
« Dallas, ton Univers impitoyable. » Les moins de vingt ans ne s’en souviennent pas mais les autres ont tous gardé en mémoire les facéties de la famille Ewing. JR Ewing, le méchant de la famille, Bobby le plus jeune un peu Playboy mais tout aussi riche.
La famille qui régnait sur le pétrole texan va refaire la une des journaux et de séries TV. Les profits réalisés par les géants mondiaux du pétrole sont tellement gigantesques que les chiffres de l’année 2022, qui sortent en ce moment, vont encore déchainer les débats, les passions et sans doute la réaction des Etats qui sentent bien que dans le climat international, il y a quelque chose de déréglé dans le capitalisme international.
Au total, le profit du secteur pétrolier dépassera les 200 milliards de dollars. De quoi se venger de l’arrogance des grands de la tech californienne qui tenaient le haut du pavé de la performance financière depuis plus de dix ans. 200 milliards de profit, en hausse de 70 % par rapport à 2021, qui était déjà une année de forte reprise.
ExxonMobil et Chevron, les Texans, vont atteindre à eux deux les 100 milliards de dollars de bénéfices. Mais les Européens, plus modestes, ne seront pas en reste. La compagnie norvégienne aurait dégagé 62 milliards, soit 210% de mieux. Les Shell et TotalEnergies vont faire figure de nains à côté des monstres du secteur. Total ne va sortir que 17 milliards, en progression de 69 %.
La raison de cette flambée est très simple : les prix du pétrole ont explosé sur le marché international, au début de la guerre en Ukraine, à un moment où la demande était déjà sous tension. C’est donc le prix qui a servi de variable d’ajustement. Et du coup, les profits ont monté parce que les couts de transport, d’exploitation, de raffinage et de distribution n’ont pas été trop affectés.
À Lire Aussi
Maintenant, des chiffres qui reflètent de vraies rentrées en espèces sonnantes et trébuchantes posent trois séries de questions aux gouvernements des pays occidentaux et démocrates qui abritent la plupart de ces géants.
La première est de savoir ce qu’ils vont faire de cet argent. Très simple, les pétroliers vont verser des dividendes monstrueusement importants à leurs actionnaires entre 60 et 80 % de ces profits. Les sociétés américaines vont verser aux actionnaires d’ExxonMobil et de Chevron plus de 60%. C’est la norme habituelle. Les Européens, qui étaient un peu plus prudents, vont sans doute se rattraper et distribuer jusqu’à 50 % de leurs profits. Alors en France on n’osera pas dépasser cette norme, mais pour Shell par exemple, dont la famille royale de Belgique est le plus gros actionnaire, va pouvoir se refaire un trésor de guerre avec plus de 75 % de dividendes.
A priori, les Européens, qui ont réalisé 120 milliards de dollars de bénéfices, vont distribuer 80 milliards. Voilà pour les chiffres.
Maintenant, parmi les actionnaires américains ou européens, il reste quelques familles héritières mais l’essentiel des dividendes ira aux fonds de pension, (les fonds de Warren Buffet, par exemple vont se gorger d’argent) et les fonds de pension gèrent l’épargne des retraites de tous ceux qui, dans le monde, ont choisi les retraites par capitalisation.
Et que font les actionnaires et les fonds de ces dividendes?Ils vont principalement racheter des actions de la société, ce qui va renforcer le contrôle des entreprises et accessoirement soutenir le cours des actions et le montant de leur petite fortune.
La deuxième question va être de savoir si les pétroliers vont payer un impôt exceptionnel calculé sur les super profits.C’est évidemment très probable. Avant même la publication des chiffres, le débat a démarré en Europe comme aux États-Unis. En Amérique, le débat va être politique puisque les démocrates ont déjà demandé l’instauration d’une surtaxation des profits pétroliers ce contre quoi, Exxon et Chevron ont lancé une bataille de lobbying.
À Lire Aussi
En Europe, c’est l’Union européenne qui a ouvert le dossier et on sait d’ores et déjà que Shell va payer plus de deux milliards d’impôts exceptionnels à l’Union européenne et à la Grande Bretagne qui s’est alignée sur Bruxelles. TotalEnergies, déjà mise à contribution, le sera à nouveau.
Cela dit, ce débat sur la surtaxation est très compliquée. Pour la classe politique, c’est une initiative évidemment très tentante parce que populaire. Sur le terrain de l’économie, elle estcompliquée à mettre enœuvre. Compliquée à chiffrer et à justifier. La seule justification qui ne soulèvera pas trop de commentaires serait de lier ces supers profits au financement de l’investissement en énergies renouvelables.
L’existence de ces profits est une occasion unique pour attirer les investisseurs et les projets dans les renouvelables. Normalement, les pétroliers devraient mettre le paquet sur les renouvelables.
TotalEnergies, très observée par les responsables politiques, a annoncé le projet de consacrer un tiers de ses investissements aux renouvelables : énergies naturelles, gaz liquéfié et décarbonisation. Shell et BP ont en gros les mêmes objectifs. Mais tous continuent de ne pas être très clairs aux yeux des écologistes, du moins sur leur projet dans les hydro carbures.
La troisième question déborde le secteur pétrolier, elle porte sur la réactiondes industriels européens par rapport aux mesures d’attractivité de l’Inflation Réduction Act, décidé par Joe Biden et d’une ampleur considérable. Son objectif est de favoriser aux Etats Unis le financement d’une transition énergétique et une réindustrialisation de l’Amérique. Les moyens financiers et les incitations fiscales sont très importants : au total 300 milliards. La transformation des pétroliers n’est pas entamée comme en Europe, les mesures d’attractivité industrielle ont commencé à produire ses effets. En conséquence, la tentation chez les Européens d’investir les super profits aux États-Unisest déjà très grande. Peu de pétroliers ont déjà signé.
À Lire Aussi
Tous attendent la version européenne de l’inflation act. Qui ne vient pas.
L’Europe n’a pourtant pas le choix. Ou elle institue une taxation exceptionnelle en promettant de flécher les produits sur les renouvelables ou alors elle se décidé à mettre à disposition des incitations pour que les investissements en renouvelables restent en Europe.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !