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Suicides reconnus comme accidents de travail : la justice joue-t-elle un jeu dangereux ?
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Responsabilité

Un suicide d'un employé n'est pas un meurtre commandité par l'employeur. Et il y a un gouffre important entre la responsabilité et la non-responsabilité qu'il faut absolument prendre en compte.

Michel Debout

Michel Debout

Michel Debout est professeur émérite de Médecine légale et de droit de la santé, et psychiatre, au CHU de Saint Étienne. 

Il est membre associé du CESE et membre de l'Observatoire national du suicide, spécialiste de la prévention du suicide et des eisques psycho-sociaux au travail. Il est auteur de nombreux ouvrages dont "Le traumatisme du chômage"  (editions de l'Atelier, 2015) et "Le Renouveau démocratique : placer la santé au cœur du projet politique" (éditions de l'Atelier, août 2018).

 

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Atlantico : Dans quelle mesure un employeur peut-il être tenu pour responsable d'un suicide qui est une décision qui renvoie à la vie d'une personne au sens large ?

Michel Debout : Il y a une responsabilité générale de protection de l'employeur envers la santé des employés. Il faut voir si l'individu présentait des signes d'une dépression grave, d'harcèlement ou de burn-out et que l'employeur n'a pas fait ce qu'il fallait pour prévenir le passage à l'acte. A ce moment-là la faute consiste en le fait que l'employeur n'ait pas prévenu l'acte suicidaire. Mais aucun employeur ne peut être tenu comme responsable direct d'un geste suicidaire qui est plurifactorielle et qui renvoie à une relation d'une personne avec sa propre vie. Là il s'agit plutôt de prévention.  On sait que certains sujets sont en risque suicidaire si on ne prend pas de mesures adapté à la situation. C'est plutôt cela qu'on va reprocher à l'employeur et qui sera donc civilement responsable de ce qui devient un accident de travail.  

On peut penser à une espèce de responsabilité en ricochet. La rétrogradation n'a peut-être pas présenté des termes qui auraient été acceptables ou supportables et que par enchainement successifs on en serait venu au passage à l'acte. 

Le nombre de cas où le lien entre l'employeur (ou le lieu) de travail est direct et clair est-il si important ? 

Ca dépend ce qu'on n'entend par "si important". Il y a 10 000 morts par suicide par an en France et qui  comporte une majorité de personnes adultes, donc en potentialité de travailler. Mais de nombreux sont soit au chômage ou en arrêt de travail. Le nombre de salariés actifs qui se suicident est un nombre déjà assez restreint. Il y en a parmi eux qui vont mourir pour cause de suicide pour des causes autres que le travail. Finalement il ne s'agit "que" de quelques centaines de personnes par an et seulement très peu sont reconnu en accident de travail. Il  a plusieurs strates, il faut que la personne soit en condition de travail, qu'elle soit à son travail, et puis il faut retrouver le lien avec l'acte suicidaire. On pourra par contre avoir une personne qui est en arrêt maladie par qu'il ou elle aurait été victime d'un harcèlement morale qui entraine l'acte suicidaire. On pourrait remonter à une responsabilité de l'entreprise qui aurait été une cause secondaire du suicide. Il y a une présomption de lien. Chaque cas est à analyser dans la complexité de sa situation. 

Le mal être au travail est-il devenu une sorte de cache sexe qu'un mal être beaucoup plus large lié au fait que les gens peinent à se projeter dans l'avenir et à trouver un sens à leur vie ?

Il faut dire qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans le mal-être parce qu'ils n'ont pas de travail. Ceux qui en ont un, peuvent l'être à cause de problèmes personnels. Mais le mal-être est quelque chose de global. Il peut aussi être lié à une situation professionnelle qui s'est dégradée. On peut dire que tout le mal-être n'est pas lié au travail mais que certaines situations de mal-être sont liées à des conditions de travail anormales et dégradantes. A ce moment-là, il faut reconnaitre la responsabilité du travail. 

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