Suella Braverman, la ministre de l’Intérieur britannique qui sonnait l’échec massif du multiculturalisme <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
La ministre britannique de l'Intérieur, Suella Braverman, lors d'une déclaration à la Chambre des communes à Londres, le 21 mars 2023.
La ministre britannique de l'Intérieur, Suella Braverman, lors d'une déclaration à la Chambre des communes à Londres, le 21 mars 2023.
©ANDY BAILEY / UK PARLIAMENT / AFP

Royaume-Uni

Suella Braverman a récemment critiqué le modèle d’intégration britannique et appelé à une révision de la convention des Nations unies de 1951 relative aux réfugiés.

Gabriel Robin

Gabriel Robin

Gabriel Robin est journaliste et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019).

Voir la bio »

Atlantico : Suella Braverman, ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, a déclaré que le multiculturalisme a «  échoué » en Europe et menace la cohésion sociale dans l’État-nation. Comment interpréter ces propos, alors que Suella Braverman, elle-même assimilée, est dans un gouvernement dirigé par le premier Premier ministre hindou et que le multiculturalisme est fortement ancré dans la société britannique ?

Gabriel Robin : Il s’agit tout simplement, c’est louable, d’honnêteté intellectuelle. Il faudrait être aveugle pour ne pas s’apercevoir des difficultés majeures que le changement de population dans les nations européennes, à des degrés divers fonction des différents pays, cause des troubles sociaux majeurs. Suella Braverman est une femme qui a ouvert les yeux et qui est d’abord ministre de l’Intérieur de son pays. Paradoxalement, les propos qu’elle a tenus devant l’American Enterprise Institute, un centre de réflexion de centre-droit basé à Washington, lui ont valu les foudres de célébrités … Britanniques de souche. Elton John a ainsi protesté vivement, ainsi que l’ONU.

Car, en plus de s’être attaqué à l’échec du multiculturalisme, ce qui ne manque pas de saveur dans un pays qui a longtemps été cité en exemple pour ce modèle d’intégration, Suella Braverman s’en est prise à un tabou bien plus grand qui est celui de la Convention de Genève définissant le statut des réfugiés. Elle a déclaré que la convention n’était plus adaptée à l’époque moderne, ce en quoi elle a parfaitement raison. En effet, les migrants usent et abusent du système pour franchir illégalement les frontières de l’Union européenne et plus généralement des pays occidentaux qui n’y sont pas, à l’image du Royaume-Uni. Elle leur permet de bénéficier de protections exceptionnelles et d’être même virtuellement inexpulsables.

En Italie, Giorgia Meloni a commencé d’ailleurs à prendre le problème de la « protection spéciale » à bras le corps. Renforcé en 2020, ce dispositif avait vu une augmentation de ses bénéficiaires de 736,1 % entre 2020 et 2021. Cette « protection spéciale » est offerte aux personnes sujettes à des dangers graves dans leur pays d’origine … comme à tous ceux qui bien que ne courant aucun risque politique dans leur pays ont par exemple besoin de soins médicaux qu’ils ne pourraient pas recevoir chez eux. C’est un dispositif extrêmement large et attractif pour les candidats à l’immigration clandestine, dont il est très facile d’abuser… Ce genre de dispositifs existent dans la plupart des pays d’Europe, devenus des passoires.

Ajoutez à cela une situation déjà tendue avec le stock d’immigration accumulée ces dernières décennies, la nature ouverte de nos sociétés et la démographie exponentielle en Afrique ou sur le sous-continent indien, et vous aurez les ingrédients pour une autodestruction programmée du continent européen. Il est donc heureux que des gouvernants, a fortiori eux-mêmes issus d’un milieu multiculturel comme madame Braverman, s’aperçoivent du danger et le disent haut et fort.

Selon David Cameron, le multiculturalisme à l'anglaise a échoué puisqu’il encourage chaque communauté à vivre séparée les unes des autres, effaçant le sentiment d'identité nationale. Peut-on parler de remise en cause d’un modèle en Grande-Bretagne ? Comment l’expliquer ?

Il est vrai que le sentiment communautaire semble prévaloir en Grande-Bretagne. De fait, le multiculturalisme fut un système logique pour la Grande-Bretagne, puisqu’avant l’immigration venue du continent européen – les Italiens de Grande-Bretagne sont désormais parfaitement assimilés -, ces îles connaissaient une immigration interne venue des nations celtes voisines, notamment d’Irlande. Les Irlandais vivant en Angleterre, s’ils semblent parfaitement Anglais à nos yeux de Français, n’en ont pas moins longtemps cultivé leur particularisme (de nombreuses célébrités du football, de la boxe et de la musique rock sont d’origine irlandaise, on pensera notamment aux frères Gallagher du groupe Oasis). Est ensuite venue l’immigration caribéenne, singulièrement jamaïcaine à Londres ou Birmingham. Dans les années 1960 et 1970, de nombreuses émeutes ont eu lieu opposant les natifs britanniques à ces nouveaux arrivants. En avril 1968, le membre du Parlement britannique Enoch Powell a d’ailleurs tenu le célèbre discours des « Rivières de sang », parfois considéré comme prophétique en la matière, dans lequel il affirmait alors que l’immigration de masse allait causer un changement irréversible de la population britannique et des troubles incontrôlables pour les générations futures.

Le modèle multiculturel mis en place pour que puissent cohabiter pacifiquement sur un même territoire des ethnies au mode de vie très éloignés répond à la logique post-impériale du Commonwealth. De la même manière le modèle dit « assimilationniste » à la française correspond à notre inconscient politique jacobin. On le constate, ni le premier ni le second de ces modèles ne sont pleinement satisfaisants face à des masses d’immigrés qui une fois arrivés se regroupent ensemble et parfois défient même les valeurs et les lois de la population majoritaire. Il s’agit là de logique mathématique élémentaire. L’un comme l’autre ne peuvent fonctionner que sur des populations de plus petite échelle, surtout quand ni l’ethnie, ni la religion, ni même les organisations familiales et sociales, ne correspondent avec les nôtres.

Tout cela entraine des adaptations des populations majoritaires, jusque dans leurs représentations artistiques et la façon dont l’histoire est enseignée. De nombreux films d’époque produits par la BBC mettent désormais en scène des acteurs non Européens dans des environnements qui pourtant l’étaient à 100 %. Tout est fait pour avaliser la fiction selon laquelle nos pays ont été depuis la nuit des temps multiculturels et multiethniques. Pis, par crainte de l’accusation de racisme, des drames sont parfois couverts, à l’image des épisodes terribles de grooming qu’a connus la Grande-Bretagne récemment. Citons ainsi les cas de Telford et Rotherham où une forme de tyrannie antiraciste a pu conduire à laisser faire une organisation de traite des blanches dirigée par des immigrés venus du Pakistan et du Bangladesh.

On estime que plus de 4000 jeunes britanniques ont été abusées dans l’indifférence générale entre le début des années 1980 et nos jours, dans la ville de Telford (Shropshire). Certaines d’entre elles ont été prostituées, d’autres torturées et violées, parfois tuées avec d’autres membres de leurs familles pour éviter qu’elles n’avertissent les autorités sur leur triste sort.  Des centaines d’hommes immigrés ont donc profité des failles du système anglais pour assouvir leurs pulsions les plus malsaines, mais aussi, probablement, combler les frustrations sexuelles nées d’une culture rigide et étouffante. Ces affaires ont joué un grand rôle dans la prise de conscience des Britanniques, puisque les travailleurs sociaux qui ont eu connaissance de ces faits les avaient volontairement tus. Il ne fallait pas générer un scandale en stigmatisant une population extra-européenne. Dans la ville de Rotherham, une des personnes chargées de l’enquête avait même dû suivre des « cours de sensibilisation à la diversité », pour avoir simplement dit la vérité sur l’ethnie des violeurs.

Comment expliquer que des personnalités qui ont des origines étrangères, comme Rishi Sunak ou Sadiq Khan, le maire de Londres, soient parmi celles qui sont les plus sévères envers les immigrés ?

Je ne sais pas si ces personnalités sont plus sévères, du moins pour ce qui concerne le maire travailliste Sadiq Kahn plutôt considéré comme favorable au changement de population de la ville de Londres, où ne vivent plus que 50 % d’Anglais au total… Sinon, il est assez logique que des personnes issues de l’immigration et bien intégrées, qui ont réussi dans le modèle majoritaire et historique de leur pays d’accueil, soient exigeantes vis-à-vis de gens qui passent par les mêmes vécus. Ils savent que cela met en danger leur propre intégration. Nuançons tout de même le propos pour ce qui concerne monsieur Sunak et d’autres Indiens qui évoluent dans un environnement social de bon niveau, comparable à la haute ou à la moyenne bourgeoisies. Milieux où l’intégration passe par la réussite scolaire, avec des parents attentionnés qui consacrent beaucoup de temps à l’éducation des enfants.

Le Pape a rendu un hommage solennel aux migrants morts en mer, lors de son voyage à Marseille le vendredi 22 septembre, exhortant le Vieux Continent à choisir la « culture de l’humanité ». Dans quelle mesure les propos de Suella Braverman font écho en creux au discours du Pape ?

Pour situer, Houria Bouteldja a twitté le jour de la messe papale marseillaise : « Vive le Pape François ! ». Un de ses suiveurs ajoutait même qu’il s’agissait de leur plus belle « prise de guerre ». Le Pape, inspiré notamment par le cardinal et jésuite italien Marini décédé en 2012, est connu pour son tropisme sans-frontiériste. Il voit même en l’immigration des vertus révolutionnaires pour sortir les sociétés européennes de leur torpeur matérialiste postchrétienne. Il est clairement idéologue et extrémiste en la matière, nous accusant même de manquer de générosité ! Un comble. D’autres voix, telles que celles du Cardinal Sarah ou de Benoît XVI, ont su rappeler aux catholiques leur devoir d’accueil en tant que chrétiens tout en pointant du doigt les dangers de l’immigration et en appelant les immigrés à aussi accomplir leurs devoir en respectant les valeurs des pays hôtes.

La culture de l’humanité est justement fondée sur l’harmonie des nations ainsi que les lois qui font la civilisation. L’humanité est diverse, c’est heureux. Elle ne saurait être un grand tout uniformisant ni moins encore la cohabitation de tous contre tous. La Cité de Dieu augustinienne que pense construire le Pape François risque fort de devenir une Tour de Babel.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !