Stratégie Covid : ces comparaisons internationales qui pourraient mieux nous préparer à la suite<!-- --> | Atlantico.fr
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La pandémie Covid-19 est terminée mais l’épidémie des variants du Sars-CoV-2 continue.
La pandémie Covid-19 est terminée mais l’épidémie des variants du Sars-CoV-2 continue.
©ludovic MARIN / AFP / POOL

Leçons à retenir

La pandémie Covid-19 est terminée mais l’épidémie des variants du Sars-CoV-2 continue.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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La pandémie Covid-19 est terminée mais l’épidémie des variants du Sars-CoV-2 continue. Les pays européens doivent gérer les suites de la pandémie et les conséquences de l’épidémie sur le système de soins pour les mois (années) à venir. Plusieurs leçons sont à retenir.

-       Tout d’abord il serait imprudent de subir les infections respiratoires notamment dès l’arrivée des saisons froides quand la transmission massive conduit des patients à l’hôpital pour une forme grave. Il est possible de diminuer l’impact des infections respiratoires à condition d’agir en amont.

-       S’agissant de la Covid-19 il est important de ne pas baisser la garde en particulier le diagnostic des cas symptomatiques. Il serait risqué de considérer que les autres pays feront le boulot. La vigilance doit être constante sur le front épidémique des IR (virales ou bactériennes)

-       La mortalité a baissé mais les conséquences à moyen long terme de la Covid-19 continuent à peser sur l’économie et le système de soins. Le variant actuel conduit à 10-20% de manifestations cliniques prolongées qui entrent dans le syndrome du long Covid. Les variants ne semblent pas être moins pourvoyeurs de ces Covid longs.

Dans ce contexte, il est utile d’étudier les données de la pandémie disponibles pour améliorer la réponse de l’organisation de santé publique. La première donnée est la mortalité.

Mortalité cumulée certifiée Covid-19

Le nombre cumulé de décès confirmés COVID-19 par million d'habitants est un marqueur qui est très fiable car il est difficilement biaisé par les différents processus de définition. En tous cas, c'est un des plus fiables par rapport aux autres marqueurs de la pandémie.
La mortalité cumulée recèle des indications sur les efficacités des politiques de santé publique. La Figure N°1 met en évidence la courbe de mortalité cumulative certifiée Covid-19 dans différents pays. Plusieurs remarques:

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-       Jusqu’en Février 2021 nous n’avons que des équipements de protection personnelle pour empêcher la transmission du virus et sa propagation. Or dans cette situation c’est bien la préparation des organisations de santé publique qui est testée. Masques, tests, isolement assisté pendant la période contagieuse, éloignement interpersonnel et mesures ciblées pour les zones de contamination élevée comme les espaces clos recevant du public. Que constate-on? Certains pays arrivent à contenir la transmission (Norvège, Australie, Corée du Sud, Japon, Nouvelle Zélande mais aussi l’Allemagne. Les autres pays développés ont une mortalité de la phase sporadique (arrivée du virus de la souche sauvage) très meurtrière. Entre 500 et 800 décès Covid-19 par million contre moins de 100 pour les autres.

-       Après Février 2021 la campagne de vaccination va commencer mais les variants entraînent des résurgence terriblement mortelles dans les pays qui ont eu du mal à contenir la première vague mais aussi en Allemagne. Les pays du groupe à faible mortalité maintiennent les mesures de blocage de la transmission et ce n’est que quand ils vont les lever avec Omicron que leur mortalité va augmenter.

-       Finalement les pays qui ont contenu la pandémie par des mesures de blocage de la transmission vont conserver un avantage considérable en termes de mortalité cumulée. Ils sont en moyenne vers 750 décès par million alors que les pays qui n’ont pas réussi à bloquer la vague initiale sont en moyenne au-dessus de 2500 décès par million. L'Allemagne est entre les deux car après un blocage sévère les restrictions à la transmission ont été levées notamment par les gouvernements de certains Länders et la mortalité a évolué comme chez ses voisins européens.

Figure N°1: Mortalité cumulée de la Covid-19 (https://ourworldindata.org/).


Excès de mortalité pendant la pandémie

Ces données de mortalité cumulée sont confirmées par l’excès de mortalité sur la période. Il faut insister sur le fait que l’excès de mortalité est un calcul qui fait intervenir la notion de mortalité attendue pendant la période. Il ne s’agit pas d’une mortalité observée. La concordance est un élément de fiabilité des données présentées compte tenu de systèmes de métrologie proches dans des pays démocratiques, économiquement développés (Figure N°2).

Figure N°2: Excès de mortalité pendant la Covid-19 dans ces pays (https://ourworldindata.org/).

Vaccination des populations

Figure N°3: Taux de vaccination de ces pays (https://ourworldindata.org/).

Pour comprendre les disparités de mortalité cumulée le taux de vaccination des populations de ces pays est intéressant à étudier. Un seul pays est au-dessous de 70% de personnes vaccinées dans le schéma initial du virus sauvage avec un rappel. C’est aussi le pays qui a la mortalité cumulée et certifiée la plus élevée (Figure N°1). Pour les autres, les taux de vaccination ne permettent pas d'expliquer les disparités observées car ils sont proches.

Formulation des hypothèses

J’expose là des constatations rendues possibles par l’outil de gestion des données du site académique “Our world in data” de l’université d’Oxford. Le travail effectué par les différentes équipes d’Oxford est une véritable œuvre d e santé publique. À partir de ces constatations et dans une démarche inductive, il n'est possible que de formuler des hypothèses. Au-delà seuls des travaux expérimentaux peuvent falsifier ou non l'hypothèse.

Les politiques de santé publique en Europe ont donné des résultats équivalents

C’est souvent ce qui avancé soit par les gouvernements qui cherchent à tourner la page soit par les personnes hostiles à toute restriction d’activité et qui veulent jeter le doute sur l’efficacité des mesures préventives ou des traitements. Ce que je soulève à propos de la mortalité cumulée milite contre cette hypothèse. Toutefois il faut faire une analyse multifactorielle des mesures prises dans chaque pays pour dégager quelles sont les mesures qui falsifient l'hypothèse. C’est un enjeu énorme puisque les différences de mortalité sont de plus de 300%...

En cas de nouvelle pandémie nous sommes préparés pour mieux répondre à la vague initiale

Tout d’abord il faut avoir fait cette analyse multivariée des mesures pour savoir si nous pouvons être mieux préparés. Dans le cas où ces mesures sont connues, ce qui est différent de l’initiative du groupe Delphi que nous avons décrite dans ce journal,  il faut ensuite tracer les décisions administratives qui les installent. Là aussi il y a peu d'arguments pour soutenir cette hypothèse. Il y a même des décisions qui n’ont pas été suivies d’effets comme les brigades sanitaires mobiles. L’enjeu est énorme car la probabilité d’une nouvelle pandémie est évaluée à 28% sur 10 ans par des modèles. Ces modèles font aujourd’hui partie de toute gouvernance intelligente

Le taux de vaccination et les antiviraux n’ont pas d’incidence sur la mortalité

Cette hypothèse est facilement falsifiable grâce aux très nombreuses études qui ont comptabilisé la mortalité des populations faiblement vaccinées par rapport à celles qui ont un taux de vaccination de plus de 80% et surtout proche de 100% chez les personnes à risque. Plus d’un million de vies ont été sauvées en Europe. Les ¾ chez des européens de plus de 60 ans. Cependant, trop de personnes appartenant à des groupes vulnérables dans l'ensemble de l’Europe ne sont pas vaccinées ou le sont partiellement. De surcroît les antiviraux ont été sous utilisés dans certains pays dont la France. Aux États Unis où on dispose de statistiques par comté il a été mis en évidence l’efficacité du vaccin ARN messager sur la mortalité dans les comtés où le taux de vaccination est élevé. Une augmentation de 10 % du taux de la vaccination a été associée à une diminution de 18,1 % de la mortalité après 6 mois (IC 95 %, 7,4-28,8 %) et à une diminution de 16,8 % après 12 mois (IC 95 %, 6,9-26,7 %). Chez les personnes à risque de covid-19 grave c’est la combinaison d etoutes les mesures qui fait baisser fortement la mortalité, qu’il s’agisse d ela charge virale lors de la contamination, des deux injections du vaccin et des rappels et des antiviraux (principalement le Paxlovid®).

Figure N°4: Une grande hétérogénéité vaccinale qui explique la forte mortalité cumulée de la Covid-19 aux États Unis (https://www.bmj.com/content/377/bmj-2021-069317).

Que faire ?

Le Royaume-Uni a décidé d’une enquête non judiciaire sur la gestion de la Covid-19. L'enquête britannique sur la pandémie de Covid-19 a été mise en place pour examiner la réponse du Royaume-Uni et son impact. Le but est d’en tirer des leçons pour l'avenir. Le président de cette enquête a été nommé en décembre 2021. À la suite d'une consultation publique, le président a écrit au Premier ministre pour recommander des modifications au projet de mandat. Le mandat final a été reçu en juin 2022. Quatre modules ont déjà commencé : Résilience et préparation, Prise de décision au Royaume-Uni et gouvernance politique, Impact de la pandémie de Covid-19 sur les soins et plus récemment Vaccins et thérapeutiques qui a débuté le 5 juin 2023. C’est une initiative intéressante car nous sommes probablement au moment où les données sont fixées pour la période pandémique et les comparaisons possibles. Le groupe de Delphes a de son côté conduit une démarche inductive pour construire un plan d’adaptation à une future pandémie. Quoi qu’il en soit, trop peu de travaux ont été entrepris pour évaluer les mesures et leur impact. Les gouvernements devraient mettre àcontribution les universités pour analyser la réponse dans chaque pays afin de faire en Europe des comparaisons et déboucher sur un consensus.

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