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Halte aux rumeurs ! Si on ne peut assurer qu’il n’y a pas d’accidents vaccinaux, il faut réaffirmer que le rapport bénéfice/risque, lui, n’est pas contestable
©Reuters

Bonnes feuilles

À partir d'exemples précis, Étienne Caniard nous invite à une réflexion sur ces enjeux majeurs des politiques de santé, dont le principal objectif est de développer une médecine plus efficace, c'est-à-dire, enfin, une médecine plus humaine. Pour un autre regard sur la santé, un État régulateur et des acteurs responsabilisés. Extrait de "Mieux soignés demain !", d'Etienne Caniard, aux éditions du Cherche midi 1/2

Etienne Caniard

Etienne Caniard

Étienne Caniard a occupé de nombreux postes à responsabilités, au sein, notamment, du Haut Comité de la santé publique, de l’Assurance Maladie et de la Haute Autorité de santé. Il a piloté les États généraux de la santé et est l’un des artisans de la loi sur les droits des personnes malades. Il est président de la Mutualité française.

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Le manque de chiffres, de données étayées, partagées, entretient la propagation des rumeurs, des idées fausses. Ce n’est pas uniquement le fait de quelques esprits égarés, la désinformation est également parfois relayée par des médecins, peu nombreux, mais déjà trop nombreux… Plusieurs études montrent en effet une forte corrélation entre l’opinion publique et celle des médecins. Les doutes sur la vaccination sont les mêmes, les méconnaissances ou erreurs aussi.

Des débats récurrents ont ainsi lieu sur la présence d’adjuvants dans les vaccins, les mêmes que sur les conservateurs dans les aliments, alors que dans un cas comme dans l’autre les adjuvants ou les conservateurs sont utiles. En effet, les adjuvants sont utilisés depuis un siècle et sont indispensables à l’efficacité de très nombreux vaccins pour renforcer la réponse en anticorps. Sans adjuvants, beaucoup de molécules sont peu ou pas immunogènes.

C’est en 1926 que sont mises en évidence les propriétés des sels d’aluminium. En 2009, au cours de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, des craintes et inquiétudes se manifestent quant à leur nature et à leur utilité, conduisant même quelques députés à réclamer un moratoire sur les vaccins contenant de l’aluminium. L’Académie de médecine a rappelé qu’il n’était pas possible que les adjuvants aluminiques libèrent des nanoparticules d’aluminium. Les auteurs du rapport estiment en outre que les vaccins injectés aux nourrissons exposent à un risque très inférieur à celui correspondant à la dose minimale actuellement définie pour leur alimentation. Le débat devrait être clos, mais, l’irrationalité nourrissant la rumeur, il ne l’est pas. Au lieu de s’appuyer sur les connaissances scientifiques et les raisons de l’utilisation d’adjuvants, les pouvoirs publics communiquent en les diabolisant: «Le vaccin contre la grippe ne contient pas d’adjuvants »… comme si leur présence était négative !

Ces maladresses de communication sont renforcées par les doutes… et les lacunes des médecins. Plus d’un quart d’entre eux considèrent que certains vaccins recommandés par les pouvoirs publics sont inutiles. Seuls 43% d’entre eux savent justifier l’utilisation des adjuvants, et 32% croient que le vaccin contre la grippe contient un adjuvant, ce qui n’est pas le cas ! Comment dès lors lutter contre les idées fausses ? Et contre les a priori lorsqu’ils sont partagés par les médecins qui ont la confiance de leurs patients ?

Autre exemple : le lien entre sclérose en plaques et vaccination contre l’hépatite B n’est évoqué dans aucun pays autre que la France et la Belgique. À l’inverse, si des controverses se sont développées outre-Atlantique sur de possibles liens entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme, en France ce débat n’a pas existé, pas plus qu’en Allemagne, où pourtant le taux de couverture est de 100%. Les rumeurs se développent partout mais prennent d’autant plus d’ampleur si elles ne sont pas combattues par les médecins. Même s’il est stupide d’affirmer qu’il n’existe pas d’accidents vaccinaux, il faut réaffirmer clairement que le rapport bénéfice/risque n’est pas contestable.

Pourquoi et comment vacciner ?

Il faut savoir aller à l’essentiel et sortir de la complexité due notamment à la cohabitation de deux « statuts » pour les vaccins : les vaccins obligatoires et les vaccins recommandés. Les vaccins obligatoires, quels sont-ils ? Diphtérie, tétanos, polio. Diphtérie et polio : plus de cas en France. Pourtant, il est indispensable de maintenir la vaccination pour aller vers l’éradication de la maladie, comme on a réussi à le faire pour la variole. Pourquoi ne pas expliquer cela simplement à la population? Au-delà de la protection individuelle, supprimer les « réservoirs » à virus qui empêchent la disparition de la maladie est un enjeu qui peut être facilement intégré et partagé. Le dire permettrait à chacun de comprendre pourquoi les vaccins contre la diphtérie et la polio demeurent obligatoires.

D’autres sont simplement recommandés ; ils sont pourtant porteurs d’enjeux majeurs. Le cas de la rougeole est très intéressant. La France a commencé plus tard que les autres pays à vacciner. En 1988, il n’y avait que 50% des enfants vaccinés contre la rougeole. Depuis, nous avons presque rattrapé notre retard. Je dis «presque », car l’absence de connaissance des enjeux de la vaccination, chez les médecins comme dans le grand public, conduit à mal interpréter un taux de couverture vaccinale. En France, environ 90% de la population est aujourd’hui vaccinée. Cela peut sembler satisfaisant. Mais il faut savoir que le taux de couverture vaccinale nécessaire pour éviter une flambée épidémique varie selon les maladies : s’il est de 50 à 75% pour la grippe, il est de 95% pour la rougeole. Cela signifie que, tant que nous sommes en dessous de ce taux, nous ne sommes pas à l’abri de flambées épidé- miques. En France, près de 20 départements ont un taux de couverture inférieur à 80 % ! Ces 20 départements sont, de fait, des «réservoirs à épidémies». Les chiffres sont extrêmement cruels pour notre politique de santé, puisque la moitié des cas de rougeole déclarés dans l’Union européenne vient de la France !

Force est de constater donc que les 3  ou 4 % qui manquent dans le taux de couverture vaccinale ont un effet multiplicateur important sur la propagation de la maladie. Si les médecins comme la population l’ignorent, comment faire l’effort nécessaire pour atteindre le taux qui serait le plus efficace ?

Nous entendons souvent des propos rassurants parce que le taux de couverture vaccinale augmente, alors que notre retard, même faible en pourcentage, a des conséquences considérables pour la population et ruine en partie les efforts de nos voisins. Faisons travailler notre mémoire : la rougeole est une maladie qui a tué 200 millions de personnes dans le monde, c’est-à- dire presque autant que la variole, et le vaccin est récent (1963). L’objectif de l’OMS était l’éradication de la rougeole en Europe en 2010. Nous n’y sommes pas parvenus, faute de culture de santé publique. En France, patrie de Pasteur, nous n’avons pas su comprendre que derrière des moyennes se cachent des disparités importantes, et que derrière un taux de couverture vaccinale qui semble satisfaisant il y a des failles dans lesquelles s’engouffrent les bouffées épidémiques.

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