Standard and Poor's dégrade la France : un coup dur pour l'exécutif politique, mais une opportunité pour Bercy de redresser la barre…<!-- --> | Atlantico.fr
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L’agence Standard and Poor's a finalement abaissé la note de la dette.
L’agence Standard and Poor's a finalement abaissé la note de la dette.
©Thomas SAMSON / AFP

Atlantico Business

L’agence Standard and Poor's a finalement abaissé la note de la dette. Politiquement, c’est un sale coup pour le gouvernement et pour le président, mais c’est une opportunité pour redresser la situation budgétaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout le monde des affaires et de la politique s’y attendait… L'agence américaine a donc mis la France sous perspective négative. Après avoir perdu son triple A, soit l'équivalent d’un 20 sur 20, au moment de la crise financière, la dette souveraine française, qui était notée AA, soit 18 sur 20, va tomber aux environs de 16 sur 20 avec un AA-.

L'agence américaine explique que « le déficit budgétaire de la France en 2023 a été nettement plus élevé que ce que nous avions prévu… » et espère que « le déficit pourra revenir sous la barre des 3% en 2027, comme cela a été annoncé par Bercy ». Cette décision est normale, légitime. Certains diront qu’elle aurait pu être plus sévère. Néanmoins, elle va provoquer des effets qu’il va falloir gérer sur le terrain politique et budgétaire. Pour l'opposition, c’est une claque, mais pour le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, c’est peut-être une opportunité pour obtenir la possibilité de redresser la barre.

1er point : les marchés ne sont évidemment pas surpris, et normalement ils ne devraient pas trop bouger lundi à l’ouverture. En théorie, cette note mesure la crédibilité de la France et sa capacité à emprunter. En théorie, une dégradation signifie une aggravation du risque et par conséquent une augmentation des taux d’intérêt. En théorie, toujours, la dette française reste très soutenable pour les marchés monétaires et financiers, et bien que la situation soit tendue, nos créanciers considèrent qu’il n’y a pas de risques à prêter de l’argent à la France. Donc les conditions d’emprunt ne seront pas changées. Nous restons très légèrement en dessous de l’Allemagne avec un différentiel de taux de 0,5% environ, mais nous sommes encore parmi les meilleurs en Europe. La France n’est évidemment pas à l’abri d’un mouvement brutal des marchés, mais c’est peu probable. À plus long terme, c’est différent, il va falloir être vigilant, notamment dans le cadre de la loi de finances qui sera présentée à l’automne pour 2025.

2e point : Politiquement, la dégradation de la note française va forcément provoquer une tempête. À une semaine des élections européennes, c’est un mauvais coup pour la liste « macroniste », pour le gouvernement de Gabriel Attal et pour le président de la République qui s’est beaucoup engagé. Du côté des Républicains, Éric Ciotti a déjà tiré à boulets rouges sur la gestion Macron. Le RN ne se privera pas non plus et même dans la majorité présidentielle, ça risque de tanguer. Du côté de Bercy, on a beau rappeler que la France a dû affronter des crises historiques, le COVID, la guerre en Ukraine, qui ont coûté extrêmement cher, on a beau expliquer que le pays s’est engagé dans la transition énergétique et affronte la mutation climatique… ce qui s’est passé n’excuse pas « la mauvaise gestion des finances publiques » qui se traduit par un endettement massif qui avoisine les 120 % du PIB. Même si personne dans la classe politique n’a de solution miracle, et même si beaucoup reconnaissent qu’il fallait bien soutenir l’économie et éviter qu’elle ne s’effondre. Toute la question est de savoir ce que le gouvernement et le président de la République vont pouvoir faire dans les trois ans qui viennent pour redresser la situation comme promis.

3e point : L’effet électrochoc peut jouer. Cette décision de Standard and Poor's peut agir comme un avertissement au gouvernement tout entier et pas seulement a Bercy .Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, a été le premier à réagir dans la nuit de vendredi à samedi dès que le verdict est tombé. « Je prends note de cette décision. Elle ne change rien à ma détermination à rétablir les finances publiques », a-t-il indiqué au Parisien.

« Nous avons commencé à le faire, nous continuons. Trois agences de notation ont maintenu la note de la France depuis janvier : je n’ai pas pour autant ralenti nos efforts d’économies. » Le ministre de l’Économie en profite pour confirmer qu’il poursuivra l’entreprise de restauration de l’économie française, de réindustrialisation et de plein emploi. Reste qu’au-delà des efforts de redressement, des factures qu’il a fallu payer pour protéger l’économie pendant les crises, la France a laissé déraper son déficit budgétaire en 2023. Le « quoi qu’il en coûte » dont Bruno Le Maire nous avait annoncé qu’il était terminé a perduré. La dette a continué de s’alourdir parce que les dépenses publiques et sociales courantes ont continué de gonfler pour approcher les 60 % du PIB. Le gonflement des dépenses publiques a évidemment donné des arguments à l’opposition politique, même si cette opposition n’a jamais proposé de mesures alternatives. Au contraire, elle a souvent résisté aux projets de réformes. D’où les mises en garde très spectaculaires de la Cour des comptes et notamment de Pierre Moscovici, son président, d’où les avertissements du FMI.

Le problème est compliqué, parce que si Bercy a très bien identifié les économies à faire dans les dépenses publiques et sociales, le ministre de l’Économie n’a pas toujours trouvé le soutien politique au sein de l’exécutif pour mener à bien les réformes, encore moins de soutien du côté du Parlement, Assemblée nationale et Sénat. Ce n’est pas par hasard si le ministre de l’Économie a cru bon publier un essai sur la nécessité de réformer le modèle de gestion des finances de l’État. C’était juste au début de l’année. Bruno Le Maire parlait vrai et fort. Les propos ont été très bien accueillis par les marchés et par les chefs d’entreprise, mais on ne peut pas dire qu’ils furent bien reçus par les membres du gouvernement ou à l’Elysée. Sur le budget 2024, Bruno Le Maire a réussi à passer par décret 10 milliards d’euros d’économie. C’était en janvier. Il doit maintenant repartir pour trouver à nouveau 10 milliards. Mais aux forceps… Pour 2025, le ministère de l’Économie prévoit de faire à nouveau 20 milliards d’économies en espérant que le retour de la croissance apportera des rentrées supplémentaires… mais ce n’est pas gagné.

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