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Sous-estime-t-on le sexe comme moteur de l’Histoire ?
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Sans culotte

De Louis XIV à Dominique Strauss-Kahn, le sexe a toujours fait partie de la politique française... Même si les performances des hommes ne sont pas toujours à la hauteur du pouvoir qu'ils détiennent.

Margaux Guyon

Margaux Guyon

Margaux Guyon est romancière. Elle a publié Latex, etc. (Plon, 2011), Tombeau pour Don Juan (Plon, 2013) et Petites histoires sexy de l'histoire de France (Hugo&cie, 2013). 

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Atlantico : Vous avez publié le 14 mars Petites histoires sexy de l'histoire de France(Ed. Hugo et Compagnie), un roman érotique inspiré d’anecdotes véridiques de l’Histoire de France. Quelles sont, selon vous, les trois anecdotes les plus croustillantes de notre Histoire ?

Margaux Guyon : Ce n’est pas à proprement parler un roman — un recueil de nouvelles, à la limite ! Mais on peut dire que j’ai adopté une posture de romancière et non d’historienne au moment d’écrire ce livre ; il fallait bien combler les trous des ouvrages sérieux…

Trancher parmi toutes les anecdotes historiques n’est pas aisé. J’ai été cependant très amusée et étonnée d’apprendre les pratiques de Catherine de Médicis, qui envoyait des demoiselles d’« honneur » dans les lits des chefs protestants (Antoine de Bourbon, roi de Navarre et père d’Henri IV qui abjure après être passé entre les mains expertes d’une mademoiselle de Rouhet, Condé et une certaine Isabelle de Limeuil…) et autres hommes d’importance stratégique (divers ambassadeurs…). Quand on sait que la Médicis n’est pas exactement la reine la plus érotique de l’Histoire de France, son idée des demoiselles d’honneur (son « Escadron volant ») est délicieuse.

Ensuite, probablement les petits soupers du Régent, de véritables orgies raffinées en plein Versailles, après les années austères et catholiques de Madame de Maintenon. Enfin, la nuit d’amour gratuite de toutes les prostituées de Paris à la mort de Victor Hugo. Je préfère ne pas imaginer l’ardeur des bons bourgeois après la grande cérémonie républicaine — Eros/Thanatos…

Même si vous ne prétendez pas avoir signé une œuvre d’historienne, au-delà de l’anecdote, ne sous-estime-t-on pas le sexe comme moteur de l’Histoire ?

Bien sûr qu’on sous-estime généralement l’importance du sexe dans l’Histoire ! Après des années d’enseignement de la « grande histoire » ou de l’« histoire batailles », un mouvement général s’intéresse à la petite histoire, dans mon cas, par le trou de la serrure — de la chambre à coucher… François 1er se brouille avec Henry VIII après l’épisode du Camp du Drap d’or où il déploie un faste impressionnant pour les beaux yeux de sa maîtresse, Françoise de Châteaubriant. Henry VIII préfère faire alliance avec Charles Quint — l’inimitié avec les Anglais devait être appelée à durer par la suite. Les guerres de religion sont aiguillonnées par une querelle entre la duchesse d’Etampes (remplaçante de Françoise dans le cœur de François 1er) et Diane de Poitiers, la maîtresse du futur Henri II — les deux femmes choisissent des camps opposés et exhortent à la violence. Les diverses conversions des protestants — celle d’Henri IV pour les beaux seins de Gabrielle d’Estrées en 1592…

Point de Second Empire sans Miss Howard, qui finance et conseille avec maestria Napoléon III, exilé à Londres… Point de symbole de la République pour Léon Gambetta sans l’œuvre civilisatrice de Léonie, sa maîtresse. Point de… Les cas sont innombrables, et ce, jusqu’à nos jours, bien évidemment.

De Louis XIV à Dominique Strauss-Kahn, les hommes de pouvoir français semblent avoir toujours eu un rapport décomplexé au sexe. Le pouvoir en général a-t-il des vertus érotiques ou peut-on dire qu’il y a une tradition française en la matière ?

Ah, la vertu érotique du pouvoir… Vaste question. Il est sûr qu’il ne s’agit pas d’une tradition française — il suffit de penser à Henry VIII, que j’ai déjà cité, ou à Bill Clinton… Le pouvoir décomplexe certainement : il faut voir Napoléon qui finit de travailler pendant que la jeune femme de son désir se déshabille sur le sofa de son bureau. L’honneur de coucher avec l’empereur est tel qu’on lui passe ses aptitudes médiocres à l’amour et sa misogynie. Idem pour les rois de France, les familles — même parfois, les maris, à l’exception notable de M. de Montespan — poussent les jeunes femmes à accepter la faveur que représente le partage de la couche royale. Savoir si les rois/les hommes d’Etat étaient de bons amants est un autre débat — que Saint Augustin a tranché avec sa distinction entre libido sentiendi (volupté) et dominandi (pouvoir). Il doit y avoir des exceptions !

Propos recueillis Alexandre Devecchio

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