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Sophia Aram, petite sœur des pauvres ou des "gros cons"...?
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Faut-il en rire, faut-il en pleurer?

L'autre jour à France Inter, Sophia Aram s'est violemment accrochée avec Nadine Morano, qu'elle a traitée de "vulgaire". Mais l'humoriste est-elle vraiment "populaire"?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Sophia Aram a tout pour elle. Elle est souvent drôle (contrairement à beaucoup, je lui trouve un certain talent), incisive, mordante. Et en plus, ce qui ne gâche rien, elle n'est même pas moche... De surcroît, elle a un point commun avec Nadine Morano : toutes les deux sont des grandes gueules. C'est pourquoi je ne me fais aucun souci pour la ministre de l'Apprentissage, parfaitement capable de lui répondre, du tac au tac, avec la même vivacité.

Le problème avec Sophia Aram - car il y a problème - est tout autre. L'humoriste, pour ses chroniques ou plutôt pour son combat, a endossé une casaque, emprunté une posture et s'est fabriqué un ton. La casaque c'est (au sens figuré, bien sûr) la capuche, symbole tout puissant de nos banlieues souffrantes. La posture, c'est celle de la petite sœur des pauvres, des laissés-pour-compte, des discriminés, des victimes du racisme hexagonal. Le ton, c'est une gouaille fortement typée 9-3. Ca peut plaire. Mais dès lors, toute confrontation avec un homme, ou une femme, politique, avec un patron du CAC 40, avec un intellectuel ayant pignon sur rue est nécessairement truquée.

Car que faire contre quelqu'un qui représente (et qui, en tout cas, s'en prévaut), le peuple, les "quartiers populaires", les HLM, les "cités sensibles"? Rien, strictement rien, le risque évident étant de passer tout de suite pour un affreux bourge franchouillard... Sophia Aram est invulnérable, étant tombée toute petite dans la marmite où se confectionne la potion magique de la "diversité" et des "quartiers". C'est elle, bien sûr (pas moi), qui invoque ainsi ses origines géographiques et ses ascendances ethniques.

Et là, la partie devient totalement inégale. France Inter a réussi (à tort ou à raison) à écarter un humoriste du nom de Stéphane Guillon. Ce dernier entre autres facéties s'était réjoui de l'éventuel décès de Nicolas Sarkozy, avait moqué, de façon parfaitement fascisante, le physique d'Eric Besson et était même, dans une de ses chroniques, entré dans sa chambre à coucher. L'éviction de Guillon fit hurler la France bien-pensante. Oui, Vichy était de retour, le fascisme montrait son groin immonde et l'audience de France Inter allait s'effondrer (il ne s'est, évidemment, rien passé de tel). Essayons d'imaginer ce qui se passerait si une jeune femme issue de la diversité était virée de l'antenne. Une révolte ? Non, Sire, une Révolution!

Donc Sophia Aram est intouchable. Et comme il m'arrive souvent de la trouver amusante je ne m'en plaindrai pas. Je note seulement qu'il est plus facile de se débarrasser de Rachida Dati, de Rama Yade ou de Fadela Amara. Passons... Puisque Sophia Aram est en place, et bien en place, je me permettrai juste une suggestion. Elle dit vouloir s'attaquer aux puissants et aux riches. Eh bien, il y en a qu'elle ignore ou affecte d'ignorer. Dans une récente chronique elle avait traité les électeurs du FN de "gros cons", ce qui est son droit et sa liberté. Ca lui avait valu des insultes et des menaces. A telle enseigne qu'une protection policière lui avait été accordée.

Des "gros cons", il y en a beaucoup dans des endroits qu'elle connaît bien et qu'elle entend représenter par sa casaque, sa posture et son ton. Des "gros cons" armés de kalachnikov et qui tuent. Des "gros cons" riches et puissants grâce au trafic de drogue, aux braquages de bijouteries et aux attaques de casinos. Des "gros cons" qui traitent les filles comme du bétail. Des "gros cons" qui, par la terreur et l'omerta, tiennent en otage une population déjà abîmée par la pauvreté et le chômage. Des "gros cons" qui caillassent les chauffeurs de bus, les pompiers, les ambulances. Des "gros cons" qui brûlent des voitures dans leurs quartiers (non, non, pas dans le 16e...).

Ces "gros cons" ne sont pas des pauvres. Ce sont des nantis. Sophia Aram a la voix, le ton, et la légitimité de ses origines (revendiquées récemment dans une tribune parue dans Le Monde), pour les engueuler et s'en moquer. Si elle se décide à le faire ce sera - je n'en doute pas - avec talent. Certes il lui faudra alors une protection policière autrement plus massive et musclée que celle qu'elle a obtenue contre les énervés du FN. Claude Guéant, qu'elle n'aime pas, se ferait une joie de la lui fournir.

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