Le 21 juillet 2011 restera une date historique <!-- --> | Atlantico.fr
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Peut-on qualifier d' "historique" le sommet de l'Eurogroupe qui s'est tenu ce jeudi ?
Peut-on qualifier d' "historique" le sommet de l'Eurogroupe qui s'est tenu ce jeudi ?
©Reuters

Sommet de l'Eurogroupe

Peut-on qualifier d' "historique" le sommet de l'Eurogroupe qui s'est tenu ce jeudi ? La crise économique européenne fait-elle partie de la catégorie des dates qui marquent telles que la chute du mur de Berlin, la fin de l'URSS ou le 11 septembre ? L'historien Gérard Bossuat revient sur la difficulté à juger de l'importance d'un événement de façon immédiate...

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat est professeur à l'Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam.

Il est l'auteur de Histoire de l'Union européenne : Fondations, élargissements, avenir (Belin, 2009) et co-auteur du Dictionnaire historique de l'Europe unie (André Versaille, 2009).

 

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Atlantico : Peut-on qualifier d' "historique" le sommet de l'Eurogroupe qui s'est tenu ce jeudi à Bruxelles et plus généralement la crise économique que traverse aujourd'hui l'Europe ?

Gérard Bossuat : Très certainement, il est probable qu'on se souvienne de la date du 21 juillet 2011, en tant que point chaud de la période historique 2005-2011, car ce problème de la dette souveraine, dont on ne parle dans les médias que depuis peu mais qui est un problème assez ancien, est révélateur de l'incapacité de l'Union européenne à anticiper et à établir un minimum de gouvernance entre les États, en termes fiscaux et budgétaires. Ce problème est posé depuis longtemps, car au temps de Lionel Jospin, on demandait déjà un "gouvernement économique de l'Europe".

Cette crise aura certainement remis en cause le sens que l'on donne à l'Europe, et notamment l'idée de solidarité, qui n'est plus au cœur de la démarche européenne depuis quelques années – en témoigne la baisse relative du budget de l'Union européenne depuis les années Jacques Delors. Or, la construction européenne s'était faite sur cette idée de solidarité, mais également sur un échange de responsabilité : en contrepartie de l'argent qu'ils reçoivent, les pays comme la Grèce doivent faire des réformes. Et ce qui a manqué jusqu'à présent, c'est cette réponse positive de ces États aux demandes de l'Union Européenne.

Enfin, j'ai le sentiment que cette crise marque la faillite du couple franco-allemand. Pour l'instant, on ne peut pas dire qu'il marque véritablement les esprits avec de l'enthousiasme, malgré les discussions qui sont entreprises.

Dans la construction européenne, les grands événements ont-ils souvent pris la forme de réactions à des crises ?

Un certain nombre d’événements historiques ont été des réponses à des situations de crises de long-terme : par exemple, la déclaration Briand de 1929 demandant la création d'une fédération européenne est une réponse à l'incapacité des Européens à s'entendre après la Première Guerre Mondiale ; la déclaration Schuman du 9 mai 1950 liquide la situation de crise entre la France et l'Allemagne après la Deuxième Guerre.

Il y a également eu des réponses à des crises de plus court-terme, comme celle du système monétaire international en 1971, qui a forcé les Six, puis les Neuf, à se mettre d'accord pour créer un système monétaire européen. En revanche, à la même époque, la crise pétrolière n'a pas suscité de solution du même type.

Quoiqu'il en soit, la dimension historique d'un événement se manifeste généralement assez rapidement : on l'a vu avec la Chute du Mur ou le 11 septembre.

L'interprétation d'un événement et l'importance qu'on lui accorde peuvent-elles évoluer avec le recul historique ?

En ce qui concerne l'Union européenne, par exemple, le rejet du plan Fouchet d'union politique européenne a d'abord été perçu comme un échec, en 1961. Pourtant, il a fini par accoucher de la Coopération politique, c'est à dire de discussions inter-gouvernementales informelles sur la politique étrangère, qui ont finalement été intégrées aux institutions par le traité de Lisbonne, en 2007. Selon que l'on soit partisan ou non d'une Europe fédérale, il peut donc s'agir d'un échec ou d'une réussite.

De la même façon, la crise de la chaise vide française en 1965, qui aurait pu entraîner la mort de l'Europe, a au contraire permis de faire petit à petit passer l'essentiel des décisions à la majorité qualifiée [comme le demandait la France, ndlr].

Le problème des rabais britanniques [demandés par Margaret Thatcher, qui estimait trop contribuer au budget européen, ndlr], dont on n'est pas encore tout à fait sorti, était la négation même de l'idée de solidarité. Pourtant, la Commission européenne a été capable de s'adapter en reconnaissant que la Grande-Bretagne payait trop, et cela a fini par accoucher de l'idée que l'on pouvait négocier sa participation à l'Union européenne, ce que l'on voit encore aujourd'hui.

Pour revenir à la crise actuelle, je ne pense pas que l'Union européenne puisse se défaire, ni l'euro d'ailleurs, car trop d'intérêts seraient remis en cause. Mais l'avenir nous le dira !

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