Sens commun : la polémique dont la droite n'avait pas besoin dans la dernière ligne de la présidentielle <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sens commun : la polémique dont la droite n'avait pas besoin dans la dernière ligne de la présidentielle
©PASCAL GUYOT / AFP

Une de plus

L'ancien ministre Dominique Bussereau a critiqué la possible intégration du mouvement Sens commun dans un gouvernement proposé par François Fillon.

Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

Voir la bio »

Pourquoi Dominique Bussereau s'en est-il pris si violemment à Sens Commun, qualifiant l'annonce faite par François Fillon d'inclure certains de ses membres dans son gouvernement de "faute" ?

Serge Federbusch : François Fillon s'appuie sur l'électorat catholique de province, c'est grâce à lui qu'il n'est pas descendu en dessous de 16%, qu'il n'a pas sombré et n'est pas sorti de la circulation il y a environ trois semaines. Il est obligé de donner des gages à ces militants qui ont aussi organisé en grande partie le rassemblement clé du Trocadéro. C'est un point de passage obligé pour Fillon. Ce qu'on peut dire, c'est qu'il est difficile dans une présidentielle d'exclure qui que ce soit. Dominique Bussereau, si je me souviens bien, avais soutenu Juppé. Ce qui prouve que la coalition autour de François Fillon reste extrêmement fragile et qu'elle sera prête à éclater au lendemain du premier tour s'il n'est pas au second tour. 

Ces alliances à droite n'ont-elles pas toujours existé ? Christine Boutin était par exemple déjà au gouvernement Chirac…

Oui, et de toute façon et même ensuite il est normal de s'ouvrir pour former une majorité. Ce que l'on peut dire, c'est que dénoncer Sens commun est stupide. Il serait normal qu'ils fassent parti d'un éventuel gouvernement. Une telle critique prouve qu'ils n'ont pas totalement rallié Fillon et qu'ils préparent un éventuel échec au premier tour pour pouvoir lui dire que c'est parce qu'il a trop droitisé sa campagne qu'il n'est pas élu. Entre autres choses évidemment, avec les affaires… C'est donc déjà l'ouverture du tableau des bouc-émissaires pour la défaite. Cela étant, du côté de Fillon, il est certain que s'ouvrir à Sens commun c'est bien, mais il ne faut pas s'ouvrir qu'à Sens Commun ! Il me semble qu'il le contrebalance en susurrant qu'il prendra François Baroin en tant que Premier ministre. 

Baroin est assez laïcard, franc-maçon : il s'agit bien d'équilibrer, comme c'est toujours le cas quand on crée des alliances. Il équilibre donc entre une frange un peu laïque avec une frange plus catholique, plus conservatrice et un peu réac avec Sens Commun. Le fait que les autres refusent cet espèce d'alliance montre qu'ils n'adhèrent que très mollement à l'entreprise et à la candidature de Fillon à quelques jours du scrutin et qu'ils sont prêts à chercher des boucs-émissaires en cas de défaite. 

Maintenant ce qui est quand même étonnant, c'est que Sens Commun est – en particulier sur les sujets sociétaux – très à droite. Ce qui peut sembler étrange dans le discours de Fillon, c'est de le voir campé sur des positions et tout à fait fermé à d'autres alliances avec le Front National alors qu'il ne répugne pas à s'allier avec Sens Commun qui sur bien des sujets est plus à droite que le Front National. 

Sens Commun est une fraction, une sensibilité comme une autre de la droite, et la voir rejetée n'a pas de sens. 

Justement, ne peut-on pas considérer que la droite s'abîme à vouloir trouver une ligne homogène débarrassée de ses particularismes et familles traditionnelles ?

Abîmé, je ne sais pas ce que cela veut dire… Ce qui est certain, c'est que Sens Commun, ils n'ont tué personne ! Ce ne sont pas des gens infréquentables, et ils ont donc le droit d'avoir leurs positions sur la procréation assistée pour autrui ou autre. Jeter des anathèmes sur eux est inutile, ce qui aurait été intéressant, c'est de dire que l'axe de la majorité de Fillon est trop déséquilibré en faveur de Sens Commun. Là cela aurait eu du sens. 

Sens Commun sont, on le sait, issu de la Manif pour Tous. Ce sont des positions d'électorat catholique provincial, proche de ce que défend Fillon. On sait qu'ils représentent 10% de l'électorat en France et 20% de l'électorat de droite. C'est une sensibilité importante, et il serait complètement suicidaire de la part de Fillon de s'en passer. Critiquer le fait qu'il prenne 2 ou 3 ministres issus de Sens Commun, cela n'a pas de sens, c'est absurde. 

Maintenant ils pourraient critiquer en disant qu'ils ont une part trop belle, ou encore (ce qu'ils ne font pas) mettre en cause ce courant comme un parti dans le parti. En quoi est-ce que ce courant qui se prétendait apolitique s'est de plus en plus politisé au point d'être à même de rentrer au gouvernement. Cela, ce serait pertinent. Mais un rejet en bloc tel qu'il est fait de Sens Commun au sein du gouvernement est absurde.

A l'UDI, il existait depuis longtemps déjà les chrétiens démocrates, qui avaient une sensibilité proche de Sens Commun maintenant. Comme la société française a évoluée sur les positions sociétales, en allant plus vers la gauche et la reconnaissance du mariage homosexuel etc., on retrouve ces chrétiens plus à droite que naguère. Mais ils ne font rien d'autres que de tenir le discours classique des chrétiens démocrates.

Quelle est la différence avec les autres courants ?

La différence c'est qu'il s'agit d'un mouvement nouveau, d'un mouvement qui s'est affirmé dans la rue, ce qui n'est pas tout à fait la culture de la droite. C'est un mouvement qui passe donc parfois pour une assemblée d'agitateurs. C'est plus leur méthode, celle qui pousse les gens dans la rue à gueuler dans des manifestations monstres que la droite ne connait pas dans sa culture que leur discours qui gêne certains membres de la droite aujourd'hui. Dans le passé, il n'y a que deux précurseurs dans l'histoire de la droite : en 68 pour soutenir De Gaulle et en 84 pour l'école libre. Sens Commun est la réédition de la manifestation de 1984, mais de manière plus pérenne. 

Leur jeter des anathèmes est idiot, mais encore une fois, il serait plus intéressant de voir s'ils n'occupent pas trop de place au sein de l'organigramme de l'équipe de François Fillon. Ils auraient pu le faire, et ne le font pas que parce qu'ils ont autre chose derrière la tête, et qu'ils veulent déjà se démarquer de François Fillon avant la défaite.

Ce n'est pas une question d'idéologie ?

Ils n'ont aucune idéologie! Personne ne serait capable, à commencer par Bussereau de ce qu'est l'idéologique de Bussereau. Les giscardiens n'ont jamais eu de colonne vertébrale en politique : ils tapent un coup à droite, un autre à gauche… Giscard fut d'ailleurs le premier à inventer l'ouverture etc. Ce sont des invertébrés politiques, et demander de l'homogénéité est chez eux pure hypocrisie, car il s'agit en gros de se positionner en cas de victoire d'Emmanuel Macron. Et se pose donc pour Fillon plus que jamais l'idée d'un programme commun de la droite, au risque de subir ce que subit le Parti Socialiste aujourd'hui. Car sinon ils ne reviendront plus au pouvoir même s'ils sont majoritaires dans le pays. Toute cette affaire ne montre en fait qu'une chose en creux : c'est que si Fillon perd, les Républicains vont évidemment exploser.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !