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Schiappa, Emélien, Loiseau : le populisme, c’est tous ceux qui ne pensent pas comme eux
©WILLIAM WEST / AFP

La paille et la poutre

Les stratégies de campagnes pour les européennes s'affirment : celle de LREM consiste visiblement à opposer de manière systématique progressisme et populisme, en s'attribuant les vertus du premier.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : On assiste à une extension singulière du domaine du populisme dans les accusations de LREM : Marlène Schiappa a ainsi blâmé Cash Investigation et Envoyé Spécial pour avoir encouragé "une forme de populisme". Dans quelle mesure cette manière de considérer que "le populisme, c'est les autres" empêche LREM d'être lucide sur ses propres méthodes ? Comment expliquer cette incapacité des LREM à percevoir toute forme de populisme en ses rangs, une situation illustrée par la diffusion de Ismaël Emelien de deux vidéos liés à l'affaire Benalla sur des comptes Twitter anonymes ?

Maxime Tandonnet : La définition du populisme n'a jamais été très claire. En gros, est qualifiée de populiste  l'idéologie qui se réclame du peuple contre les élites. Le mot connaît un succès phénoménal en ce moment. Il est utilisé de manière péjorative pour disqualifier toute opinion qui sort des sentiers battus. Les dirigeants français se considèrent comme l'incarnation du bien, de la jeunesse, de la modernité, de l'ouverture internationale, du dépassement des frontières et de la nation par la mondialisation et l'Européanisation. Ils fustigent la peste nationaliste et condamnent les "murs". Ils se considèrent comme étant dans le sens du progrès. Et dans une vision caricaturale pour ne pas dire manichéenne, ils pointent du doigt l'ennemi populiste, leur antithèse. Ce qui frappe dans ce discours, c'est le retour de l'idéologie: le bien progressiste, dans le sens de l'histoire, en marche vers un avenir radieux, contre la réaction. Tous les régimes totalitaires ont pratiqué cette vieille méthode par le passé. La France n'est évidemment pas un régime totalitaire, mais dans une période de trouble profond, nous voyons resurgir le recours à de vieilles ficelles du passé. Il est normal que LREM se refuse à voir toute forme de populisme dans ses rangs. Cela ne cadrerait pas avec son idéologie qui consiste à se réclamer de la lumière contre les ténèbres.

Quelle est la part de populisme dans le mouvement du Président et dans sa victoire ?

Le mot de démagogie me semble préférable à celui de populisme. Le terme populiste, d'un usage commun aujourd'hui, est méprisant pour le peuple. Il renvoie au discours d'Adolphe Thiers en 1850, fustigeant la "vile multitude" pour abroger le suffrage universel. Alors, parlons plutôt de démagogie. Oui, au fond, la vie politico-médiatique française actuelle baigne dans la démagogie. Les méthodes que l'on reprochait jadis aux extrêmes, droite ou gauche, sont totalement banalisées. Le culte de la personnalité et l'extrême personnalisation du pouvoir en est un élément clé. La politique ne doit plus parler des problèmes de fond, qui en appellent à la raison, mais devient une affaire de passion amoureuse autour d'une idole surmédiatisée censée guider le peuple. L'idéologie de LREM est entièrement fondée sur cette mystique. En outre, nous voyons bien ce que devient jour après jour un peu plus la vie politique: une affaire de communication permanente, de postures, de propagande, de manipulation des  foules. Les  petites phrases polémiques et les provocations quotidiennes servent à capter l'attention des médias. Un voile d'hystérie permanente sert  à recouvrir les échecs et les déceptions. La question n'est en aucun cas de réformer le pays mais de donner une image de réformateurs, au prix de toutes les manipulations. La vie politico-médiatique ne cesse de dériver dans l'émotionnel, les mirages, les chimères, le sensationnel et l'indignation. Et plus personne ne parle des vraies questions politiques: le chômage de masse, la pauvreté, la dette publique, l'insécurité, la maîtrise des frontières, la place de la France dans le monde, etc.  

LREM n'aurait-elle pas finalement intérêt à assumer cette part de populisme ?

C'est difficilement envisageable. Dans l'idéologie LREM, la lumière c'est-à-dire le bien progressiste, est confronté aux ténèbres du mal populiste.  Cette idéologie manichéenne recouvre des enjeux électoraux et de pouvoir. L'objectif est de conforter le tête à tête entre macronisme et lepénisme de manière à se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir nonobstant les échecs, dès lors qu'une victoire du lepénisme semble à peu près inconcevable compte tenu de l'image de ce mouvement pour 80% des Français. L'élection présidentielle de 2022 est déjà en toile de fond de ce face à face. L'intérêt de la France disparaît anéanti derrière le seul objectif qui compte: la réélection présidentielle. C'est lamentable, mais c'est ainsi. Dès lors, LREM n'a aucun intérêt à opérer un retournement idéologique et à revendiquer une part de populisme. Cela reviendrait à rompre avec ses fondements idéologiques et à entrer dans une logique suicidaire. En revanche, au-delà de LREM, on pourrait imaginer qu'une opposition républicaine se saisisse de la question de l'anéantissement du politique et propose, au coeur de son programme, de réhabiliter les fondements de la politique au sens du gouvernement de la cité: substituer le culte de la vérité et du bien commun au culte de la personnalité, restaurer la notion d'intérêt général et le sens de l'action modeste au service du pays. Les dirigeants politiques ne sont pas des demi-dieux ni les maîtres du pays mais bien au contraire, ses humbles serviteurs le temps qu'il a besoin d'eux. Puissent-ils en prendre conscience...

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