Saisie record : les médicaments contrefaits peuvent-ils finir en pharmacie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Près de 600 000 boîtes de faux médicaments ont été saisies en France en une semaine au mois de mai.
Près de 600 000 boîtes de faux médicaments ont été saisies en France en une semaine au mois de mai.
©Reuters

Stop la polémique

Près de 600 000 boîtes de faux médicaments ont été saisies en France dans le cadre d'une opération menée du 13 au 20 mai 2014 par Interpol en collaboration avec les services de police de 111 pays. De quoi alimenter les peurs sur la capacité des trafiquants à introduire leurs produits dans le marché officiel...

Eric Przyswa

Eric Przyswa

Eric Przswa est chercheur au Centre de recherche sur les risques et les crises des Mines ParisTech.

Il a notamment publié Cybercriminalité et contrefaçon (FYP Editions / 2010).

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Atlantico : Plus de 9 millions de faux médicaments ont été saisis par Interpol, dont 594 000 en France. Ce phénomène concerne-t-il réellement la France ? Existe-t-il un très fort risque chez nous ?

Eric Przyswa : A ma connaissance la France reste un territoire privilégié face à de tels trafics. Des médicaments contrefaits n'auraient pas été saisis dans notre réseau officiel qui reste bien encadré. Quant aux saisies liées à l'opération d'Interpol en France, il faudrait savoir quel était le destinataire de telles livraisons. Le plus souvent notre territoire semble être une zone de transit vers d'autres pays.

Comment expliquer dans ce cas l'inquiétude du public français à ce sujet ?

La médiatisation de ce type de sujet est sans doute due à la rencontre de plusieurs paramètres anxiogènes : la santé, le vieillissement de la population, ainsi que toutes sortes de fantasmes autour du le réseau Internet et de la criminalité organisée. Cette inquiétude est d'autre part entretenue par une sur-communication de nombreux médias qui surfe sur ces angoisses plutôt que de proposer un vrai travail d'information et d'investigation. Les sources d'analyses sur le sujet sont par ailleurs très délicates à obtenir d'institutions (douanes, Interpol, Europol, associations diverses, etc.) et d'acteurs privés (multinationales notamment) qui préfèrent préserver leur pré carré plutôt que d'informer véritablement le public ou des experts indépendants avec des sources consultables.
N'oublions pas qu'il y a des enjeux d'intérêt puissants (économiques voire diplomatiques) derrière l'argument de la contrefaçon.
En résumé des acteurs entretiennent cette inquiétude par une mise en scène souvent grossière plutôt que par une information aussi rationnelle et argumentée que possible. On peut émettre l'hypothèse que cela n'est pas en soi propre à la problématique de la contrefaçon...

Si des médicaments de contrefaçons peuvent difficilement finir dans les officines, d'autres médicaments contrefaits circulent-ils ? Sur quels marchés ? Comment arrivent-ils là ?

Des médicaments contrefaits peuvent circuler via des achats sur Internet. Il peut aussi exister des réseaux liés à certaines cultures ethniques. Il y a eu par exemple un petit réseau d'officines chinoises illégales  qui distribuaient des médicaments illicites venant de Chine sur Paris qui a été démantelé il y a quelques années.


Internet représente-t-il le plus gros risque (selon l'OMS, 50% des médicaments vendus en ligne sont des contrefaçons) ? Y a-t-il un moyen d'acheter des médicaments sur Internet en toute sécurité ?

Les statistiques de l'OMS sont sur ce point à éviter. D'autre part de multiples statistiques pour le moins exotiques sont régulièrement évoquées de manière approximative ou sans aucune validation méthodologique par des organisations qui peuvent y voir un moyen percutant de faire passer un message. Notre époque est dans une obsession quantitative qui s'applique mal à de tels trafics. Les statistiques sur Internet sont à manier avec prudence tant le réseau évolue en permanence. On peut d'ailleurs supposer qu'il convient de raisonner à une échelle régionale plutôt que globale pour essayer d'obtenir des tendances crédibles sur Internet. L'Internet chinois est ainsi relativement isolé du reste du monde et constitue sans doute un noeud stratégique dans de tels trafics qu'il conviendrait de mieux cerner.

D'une manière générale il y a un grand déficit d'éducation sur la façon d'utiliser Internet. Dans l'état actuel on serait tenté d'inciter les patients français à éviter de tels achats car le principal risque est en effet sur le web avec des sites de vente qui ont parfois tous les signes apparents de la légalité mais qui peuvent en fait distribuer des médicaments contrefaits. Cela dit il ne fait aucun doute qu'Internet jouera un rôle croissant dans les problématiques de santé mais paradoxalement il n'est pas évident que la distribution de médicaments sur ce réseau soit à l'avenir un enjeu si central en Europe.

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