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Richard Ferrand : "Les gens que nous rencontrons comprennent qu'Emmanuel Macron porte autre chose que l'héritage ou la copie de ce qui a été fait par François Hollande"
©Reuters

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Pour le Secrétaire général d'En Marche, Emmanuel Macron est "conscient de la nécessité impérative de renouveler les usages, les pratiques et aussi les visages de la République."

Richard Ferrand

Richard Ferrand est député du Finistère et Secrétaire général d'En Marche.

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Atlantico : Selon une enquête Harris interactive pour la Fondapol, 80% des Français considèrent que cette campagne est décevante et 76% qu'elle est ratée. Emmanuel Macron incarnant le renouveau par sa démarche et par son positionnement politique, au regard des intentions de vote en baisse des derniers jours, comment pensez-vous convaincre les Français déçus par cette campagne de la solidité du projet d'En Marche ? Le "qu'est-ce que je risque" à essayer la personnalité la plus neuve peut-il être une justification de vote suffisante pour gagner ?

Richard Ferrand : Je suis chaque jour sur le terrain, avec nos amis marcheuses et marcheurs et je participe à de nombreuses réunions publiques.Ce que j'y ai constaté, c'est que beaucoup de Françaises et de Français sont intéressés par ce qu'on leur propose. Je ne lis donc pas les choses de la façon dont vous les exposez. Je peux comprendre que beaucoup de concitoyens puissent estimer que M. Fillon, empêtré dans ses affaires, ait pollué la campagne. Mais ce que je constate aussi, c'est que si l'on va vers nos concitoyens avec de véritables propositions, il y a un vrai intérêt à débattre, à questionner… et à s'intéresser à l'avenir de notre pays. Donc pour ce qui me concerne, je suis serein sur le fait que l'exercice démocratique a été riche pour celles et ceux qui voulaient s'y investir et s'y intéresser.Mais Il est vrai que sur le terrain nous ne voyons guère d'autres militants...

Emmanuel Macron a reçu le soutien entre les lignes de François Hollande. Les mêmes économistes qui avaient appelé à voter Hollande en 2012 appellent aujourd'hui à soutenir le candidat d'En Marche. Vous êtes vous-même socialiste. Que pouvez-vous dire à des électeurs de droite qui auraient peur de se retrouver avec un quinquennat dans le droit fil de celui qui se termine ?

Je leur dirais deux choses, les deux mêmes que je leur dit à chaque fois que je les rencontre car ils sont nombreux à venir dans nos réunions publics. D'abord, et je ne m'en réjouis pas, le drame de M. Fillon est qu'il a perdu toute autorité morale, pour être chef de l'Etat et pour porter la voix de la France. La deuxième chose est qu'Emmanuel Macron ne s'inscrit pas dans les pas du Président sortant parce qu'il porte une rupture, non seulement avec les cinq dernières années, mais aussi avec les vingt dernières années de politique française. Il est conscient de la nécessité impérative de renouveler les usages, les pratiques et aussi les visages de la République. Ceci est compris, ceci est entendu. Contrairement à ce que l'on peut croire, les gens que nous rencontrons, avec qui nous discutons sur les marchés ou dans les salles de réunion comprennent qu'Emmanuel Macron porte autre chose et surtout pas en tout cas l'héritage ou la copie de ce qui a été fait. C'est d'ailleurs pour cela que par deux fois – en juin 2014 et en août 2016 – il a rompu et dit "non" à l'actuel président de la République, dont il respecte la fonction et l'homme en tant que tel.

Seuls 31 % des Français voient clairement les mesures que prendrait Emmanuel Macron s'il était élu selon la même enquête Harris interactive pour la Fondapol. Comment ne pas décevoir les électeurs après une éventuelle élection à la présidence de la république puisque vous regroupez des électeurs venus de différents partis ou différents horizons, qui ne sont pas bien sûrs de ce que serait votre programme et que le risque de déceptions parallèles est donc élevé sur le papier ?

Nous faisons un travail de pédagogie de notre programme et continuerons à le faire jusqu'au bout. Car si on ne veut pas créer un décalage futur entre ce que l'on propose et ce que l'on fera, il faut très bien expliquer ce que l'on propose. Et c'est ce nous essayons de faire en nous démultipliant sur le terrain. Il faut être très clair : nous mettons sur la table notre projet en transparence.Il est connu. Et nous demandons à l'ensemble des citoyens d'approuver ce projet en votant pour Emmanuel Macron. Après nous ne pouvons pas penser à la place des autres, ce n'est pas notre but ! Nous nous efforçons d'être précis, afin que l'on comprenne bien que l'on ne votera pas le 23 avril que pour Emmanuel Macron mais aussi pour le projet qu'il porte. Et après, nous le mettrons en acte.

Un certain nombre d'enquêtes d'opinion et d'indicateurs sociologiques montrent qu'Emmanuel Macron est le candidat de la France qui peut se permettre d'être optimiste sur le futur –comme il l'affirme lui-même – parce qu'elle va suffisamment bien pour se satisfaire de son présent. Comment convaincre les Français qui vont moins bien ou qui se sentent dépossédés de leur capacité à décider de leur destin qu'Emmanuel Macron serait aussi un président pour eux ?

Emmanuel Macron est le candidat du travail, des classes moyennes et de ceux qui cherchent du travail.J'ai rencontré hier des personnes  en grande difficulté. Nous échangions sur le fait que trop de gens sont au chômage, alors même que des employeurs cherchent des salariés .D'où l'objectif d'Emmanuel Macron d'un investissement massif de 15 milliards dans la formation pour deux millions de Français sans qualification.Il faut jamais désespérer de soi-même et redonner à chacun un horizon et des perspectives. Et nous nous adressons aujourd'hui à ceux qui ont du mal à retrouver un emploi parce qu'ils ne correspondent pas à ce que les entreprises recherchent. Si la puissance publique apporte un espoir sérieux, les Français et les Français répondront présent. Contrairement à des légendes , il n'y a pas un Français qui est heureux de bénéficier des allocations de solidarité. Il y a surtout des Français qui veulent retrouver du travail, de la dignité et de la compétence. C'est pourquoi dans notre plan d'investissement, quand on affirme vouloir mettre 15 milliards pour la formation, chacun comprend que cela peut être une chance pour s'inscrire dans une France conquérante que nous portons pour tous.Nous ne nous adressons pas plus aux gens heureux qu'aux malheureux. Nous disons juste qu'il faut porter et accompagner la réussite, et qu'il faut accompagner ceux qui sont en difficulté et qui doivent porter la France de demain. C'est cela que nous portons et qui est  très clairement perçu. Et c'est ce qu'incarne Emmanuel Macron par son dynamisme et son optimisme : une confiance dans les autres et dans l'avenir.

Emmanuel Macron répète souvent qu'il faut aider les chômeurs à devenir soit entrepreneurs, soit à être suffisamment bien formés pour trouver un emploi et semble oublier ainsi que le contexte macroéconomique, le taux de croissance et la réalité du commerce international jouent aussi fortement sur la capacité des individus à trouver un emploi quels que soit les efforts qu'ils déploient. Que propose-t-il pour remettre la France sur les rails pas seulement à hauteur d'homme mais globalement ?

Nous souffrons aujourd'hui d'une  insuffisance d'investissement privé et public. C'est un peu comme si les acteurs économiques avaient perdu confiance dans la capacité de notre pays à créer et à développer. Lorsque nous disons qu'il nous faut baisser l'impôt sur les sociétés ou modifier l'impôt sur la fortune en défalquant de l'assiette de l'impôt sur la fortune ce qui est investi dans l'économie réelle, c'est pour stimuler l'investissement privé,c'est pour que la France redevienne un lieu où l'on a envie d'investir et d'inventer. Les salariés et ceux qui cherchent du travail savent très bien que si demain nous voulons des salariés et non plus des chômeurs, il faut des patrons et des chefs d'entreprise qui embauchent.Et l'énorme travail pédagogique qu'Emmanuel Macron a fait en ce sens a profondément convaincu nombre de Françaises et de Français. Une baisse d'impôt, ce n'est pas un cadeau, c'est simplement une possibilité accrue d'investir pour redresser notre pays. Et cette idée est comprise.Simultanément, Emmanuel Macron propose sur le quinquennat 50 milliards d'investissements publics pour la formation,la transition énergétique,l'enjeu du numérique,la santé et l'agriculture.Voilà,entre autres,ce qui va stimuler la création d'activités et d'emplois.

Cette semaine, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances a apporté son soutien à Monsieur Macron. Que vous inspire ce soutien dans la mesure où Monsieur Schäuble est aussi l'homme qui se montre le plus intraitable sur le refus allemand d'assumer la solidarité budgétaire entre Etats membres, dans son attitude vis-à-vis de la Grèce, dans son souhait que la BCE cesse de soutenir l'économie européenne afin de défendre les intérêts des épargnants et des retraités allemands ?

Je connais bien l'Allemagne et ai des amis là-bas. Et je connais bien leur façon d'aborder les choses et leur mentalité. La réalité c'est que cela fait trois quinquennats que l'on "enfume" les Allemands. C'est-à-dire que l'on qu'on leur dit qu'on va faire des choses, qu'on va se mettre en situation pour construire ensemble l'Europe et qu'on ne les fait pas.Et qu'un homme aussi rigoriste que Wolfgang Schäuble dise qu'on peut faire confiance à Emmanuel Macron montre sa crédibilité outre-Rhin.Nos compatriotes sentent bien que le nationalisme, l'illusion chaviste et l'immoralité sont trois impasses.Seul Emmanuel Macron propose un projet sérieux,une démarche fiable pour l'Europe,pour relancer le moteur franco-allemande et est une personnalité à la hauteur des enjeux de l'époque et des défis de la France et du monde.

Comprenez-vous que certains électeurs soient perturbés par l'enchaînement de déclarations contradictoires d'Emmanuel Macron ? Faut-il le croire quand il parle en off au micro de Beur FM de Mohamed Saou ou quand, par exemple, il explique à quel point il refuse une France Multiculturelle dans Causeur ? Comment convaincre les électeurs dans la dernière ligne droite de cette campagne qu'il n'est pas uniquement un séducteur donnant à entendre ce que chacun souhaite entendre mais masquant en quelle que sorte le fond réel de son jeu ?

Ce qui serait utile, c'est qu'on ne mette pas en situation de contradiction ce qui est simplement une approche un peu subtile des choses. Emmanuel Macron n'est pas favorable, et moi non plus d'ailleurs, à une France qui serait multiculturelle au sens de communautariste. Simplement ce que dit Emmanuel Macron, c'est qu'il a un cap en tant que candidat à la présidence de la République. Et que il peut dire – et il a raison de le dire – qu'un individu qui a pu prendre par le passé des positions (d'ailleurs qui sont lointaines, très antérieures, il faudrait avoir l'honnêteté intellectuelle de le souligner) est aujourd'hui quelqu'un engagé dans le combat électoral républicain et progressiste qui est le nôtre. Il n'y a là nulle contradiction.

Jean-Luc Mélenchon fait une percée remarquée dans les sondages d'intentions de vote en assumant une stratégie diamétralement opposé à celle d'Emmanuel Macron – en misant sur l'idéologie et les clivages forts. Est-ce que la dynamique générée par cette stratégie opposée à la vôtre vous pousse à envisager une fin de campagne différente ?

Absolument pas. Tout d'abord parce que les sondages ne sont pas une boussole. Depuis un an, je dis que je ne commente pas de bons sondages parce que cela me condamnerait à en commenter de moins bons, s'ils devaient survenir. Nous avons construit derrière notre candidat Emmanuel Macron une démarche novatrice. Ensuite, il se passe ce qu'il se passe, avec des sondages abondamment commentés. Je considère qu'il s'agit d'indicateurs circonstanciels à prendre en compte mais pas pour modifier le cap, car ce que nos compatriotes demandent, c'est de la clarté, du sens, et une direction, qu'ils peuvent choisir dimanche prochain d'accepter ou de refuser.

La presse a pu évoquer des tensions au sein de l'équipe Macron précisément au sujet de divergences sur la meilleure manière de boucler cette campagne. Quel est pour vous la meilleure stratégie pour amener le candidat à la victoire ?

Tout d'abord je ne commente pas les bavardages journalistiques. Ensuite, la stratégie, nous n'en avons qu'une à En marche ! Et elle est fondée sur la constance et sur deux principes fondateurs : le rassemblement et le renouvellement. Nous devrons montrer la clarté et la pertinence de notre programme ,la constance dans la capacité à expliquer ce programme et les qualités exceptionnelles d'homme d'Etat d'Emmanuel Macron. Rien d'autre que cela. Nous marchons notre chemin, et on continue ! 

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