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Emmanuel Macron s'exprime lors d'une "conversation" avec des habitants de Poissy, le 7 mars 2022.
Emmanuel Macron s'exprime lors d'une "conversation" avec des habitants de Poissy, le 7 mars 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Réformes

Emmanuel Macron souhaite repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans. S'il est réélu, le chef de l'Etat veut que le montant minimum des pensions de retraite soit fixé à 1.100 euros mensuels.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Gabriel Attal a confirmé qu'Emmanuel Macron entendait, s'il était réélu, repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Dans le projet esquissé par l'équipe du candidat, qu'est-ce qui change par rapport à ce qu’était le projet de réformes des retraites inabouti du quinquennat Macron ?

Michel Ruimy : Emmanuel Macron n’a pu appliquer sa réforme des retraites au cours de son quinquennat. Candidat à un éventuel prochain mandat, sa démarche est aujourd’hui différente du projet qu’il avait défendu durant la première moitié de son mandat.

Jusqu’à l’abandon du projet de loi de réforme des retraites en raison de la crise du Covid, en mars 2020, l’objectif était de faire converger la quarantaine de régimes existants dans un système universel, sans remettre en cause l’âge de départ à la retraite à 62 ans tout en instaurant un âge pivot « cible » de 64 ans à partir duquel les assurés auraient droit à une pension à taux plein. Il s’agissait non pas de relever l’âge légal d’ouverture des droits, mais d’inventer un « âge pivot » n’ayant pas valeur de couperet.

Le schéma qui se dessine désormais est, à la fois, plus simple et plus radical. Abandonnant son idée d’une retraite par points, il désire reporter l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 65 ans. Concernant nos concitoyens nés à partir de 1969, le relèvement sera graduel, à raison de 4 mois par année de naissance (62 ans et 4 mois pour la première génération touchée, 62 ans et 8 mois pour la deuxième…) et devrait s’étaler jusqu’en 2033 avec des dérogations dans plusieurs situations : personnes ayant commencé à travailler tôt, invalidité, inaptitude… pour lesquelles l’âge d’ouverture des droits devrait être de 62 ans contre 60 ans à l’heure actuelle et de 55 ans pour les personnes handicapées. Une pension minimum de 1 100 euros pour une carrière complète est également envisagée.

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Ces mesures ne constituent pas une surprise, le chef de l’Etat ayant déjà exprimé ses intentions dans sa lettre aux Français où il a écrit : « Il nous faudra travailler plus et poursuivre la baisse des impôts pesant sur le travail et la production ». Avec cette réforme, il entend rapprocher la France des « standards » européens : dans plusieurs pays, comme l’Italie, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, l’âge de départ à la retraite est compris entre 65 ans et 67 ans.

La réforme des retraites telle qu’actuellement envisagée par Emmanuel Macron va-t-elle dans le sens de ce qu’il faut faire ? Serait-elle véritablement efficace ? Doit-il muscler sa proposition ?

L’erreur majeure du projet initial de système universel de retraite a été de vouloir passer en force c’est-à-dire en désirant faire entrer les carrières déjà commencées dans le nouveau moule universel. Aujourd’hui, la stratégie vise à faire converger lentement les régimes. Seuls les nouveaux entrants seraient concernés par cette convergence.

Le but affiché est double. Le président de la République souhaite assurer la soutenabilité financière du système de retraite, dont le déficit a atteint 13 milliards d’euros en 2020, le retour à l’équilibre n’étant pas prévu avant la première moitié des années 2030, d’après les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites. En faisant passer l’âge d’ouverture des droits à 65 ans, il escompte dégager des économies sur les dépenses de pension, à hauteur de 15 milliards d’euros d’ici à 2030. Cette manne servirait à consolider les régimes, à financer les mesures à caractère social et à apporter un petit « bol d’air » budgétaire dans d’autres secteurs de l’Etat-providence.

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L’idéal du président sortant demeure de faire en sorte que chaque euro cotisé donne, à très long terme, les mêmes droits à retraite, quel que soit le statut du cotisant. Face au vieillissement de la population, les objectifs développés illustrent une détermination : celle d’un choix de société / modèle social visant à financer la retraite en travaillant davantage plutôt qu’en augmentant la fiscalité.

Les autres candidats ont-ils d’autres alternatives ? Le chemin du candidat-président sur ce sujet est-il consensuel ?

Le projet du candidat Macron rejoint celui de Valérie Pécresse, qui souhaite, elle aussi, reporter progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, envisager une pension de retraite d’au moins 1 SMIC net mensuel, qui devrait être revalorisé. Éric Zemmour est, quant à lui, favorable à un report progressif - d’ici à 2030 - de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Une différence majeure avec sa concurrente de la Droite extrême, Marine Le Pen qui veut rétablir la retraite à 60 ans... mais uniquement pour les personnes entrées dans la vie active avant l’âge de 20 ans - condition qui n’était pas au programme en 2012 et 2017 -, le système étant par la suite « progressif ».

A Gauche, le retour du départ à la retraite à 60 ans dès 40 annuités ainsi que l’augmentation des pensions est l’une des mesures phares de Jean-Luc Mélenchon, toute carrière complète donnant lieu à une pension minimum d’un SMIC, lequel sera alors revalorisé à 1 400 euros nets par mois. Dans les autres situations, la pension sera au-dessus du seuil de pauvreté. Anne Hidalgo veut maintenir la retraite à 62 ans – à l’instar de Yannick Jadot, Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle - en promettant de s’atteler à revaloriser les petites retraites en portant les montants nets du minimum vieillesse à 1 000 euros et le minimum contributif (soit les carrières complètes) à 1 200 euros.

Les candidats à la présidentielle critiquent, sans surprise, ce projet. Jean-Luc Mélenchon, en désaccord absolu, a réaffirmé que « la société et l’économie est au service de la personne, pas l’inverse ». fabien Roussel et Marine Le Pen estiment ces initiatives, antisociales, Yannick Jadot les trouvant injustes. Anne Hidalgo a dénoncé une « hypocrisie fondamentale » en soulignant que le taux d’emploi des seniors est un des plus faibles.

La CFDT, pourtant ouverte à la précédente réforme d'Emmanuel Macron, s’insurge cette fois contre la proposition du président, quelle juge « brutale » et « injuste ».

On le voit, cette question promet de nombreux débats.

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