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Retraites : ça coince. Santé : ça bloque. Protection sociale : ça n’avance pas. Macron n’aura aucun résultat durable s’il n’a pas le courage d’inviter le privé dans le jeu.
©Reuters

Réforme des retraites

Le sujet n’est pas de privatiser le système social, le sujet est de rendre la dépense sociale efficace...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président français et son gouvernement sont tellement embourbés dans la crise des Gilets jaunes qu’ils vont écraser dans l’œuf la mère de toutes les réformes dont la France a besoin : celle du système social, à commencer par la réforme des retraites.

Le problème n’est pas de diminuer ou d’anéantir le modèle social français, le problème est de retrouver sa qualité. Le sujet n’est donc pas de supprimer une grande partie des dépenses publiques et sociales, mais de les rendre efficaces durablement et le seul moyen est de redonner aux « clients », la liberté de choisir son système, ses prestataires et la performance globale. Mais pour que le citoyen puisse recouvrer cette liberté individuelle, il faut lui donner le choix dans le cadre d’une offre concurrentielle. Il ne s’agit pas de privatiser le système comme le prétendent beaucoup d’opposants, il s’agit simplement de l’ouvrir à la concurrence qui est forcément un facteur de progrès et d’efficacité.

Quand les gilets jaunes soutenus sur ces points par une majorité de l’opinion réclament de payer moins d’impôts pour des services publics et sociaux plus efficaces, ça n’est contradictoire que si et seulement si on raisonne dans le cadre d’un système public enfermé dans son archaïsme.

Si le système public reste réservé à la logique du service public, on ne réussira jamais à sortir de cette obsession du toujours plus.Toujours plus de services donc de moyens et par conséquent, toujours plus d’impôts.

Le modèle social est dominé par deux systèmes qui sont très budgétivores et sur lesquels les gouvernements (tous les gouvernements) n‘osent pas réformer : le système de retraite et le système de santé.

1° Sur le système de retraite, l’ensemble de la réforme en projet se prépare dans le cadre unique du système actuel de la répartition. Comme si ce système était sanctuarisé. Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire à la réforme des retraites, est sans doute habile, mais il a aussi pour mission d’éviter tout ce qui pourrait bousculer les parties prenantes. Par conséquent, il reste dans le cadre du système de la répartition, et par conséquent se retrouve obligé à bricoler un équilibrage en touchant soit au montant de la cotisation retraite, soit en minorant les pensions, soit en reculant l’âge de départ à la retraite.Le système est complètement figé entre les intérêts corporatistes de ceux qui se cramponnent aux régimes spéciaux, et ceux qui tiennent aux idéologies. La mise en place de la retraite par points a pu faire croire qu’on introduisait un levier de liberté puisqu’en théorie, l'accumulation de points donnait à l’assuré la possibilité de choisir la date de départ à la retraite et son montant. En théorie, parce qu‘en pratique, tout dépendra certes du nombre de points, mais surtout de la valeur du point et la valeur du point sera fixée par le système public et servira à trouver l'équilibre du ou des régimes.

Dans la pratique, l’assuré social n’aura pas retrouvé un pouvoir de choisir les conditions de date et de modalité de sa future retraite.

Le seul moyen serait, à partir d’un socle de prévoyance retraite de base, que l'assuré ait la possibilité de contracter des compléments de retraites qui seraient offerts et gérés par des acteurs privés du secteur de l’assurance. Ils savent faire. L’assurance-vie connaît un énorme succès au profit malheureusement de l’Etat qui trouve là les ressources pour financer ses déficits. On passerait alors à un modèle de retraite partiellement géré sous le régime de la capitalisation, ce qui permettrait d’ailleurs de drainer des fonds pour l‘entreprise.

Ces régimes de retraites complémentaires pourraient être encouragés par des avantages fiscaux (l’Etat sait faire), ils seraient gérés par des sociétés publiques ou privées en situation de concurrence. L’assuré retrouverait alors une part de liberté et de responsabilité sur le montant de sa future retraite. L’Etat se garde bien d’aborder ces rivages.

2°  Sur le système de santé, on peut évidemment faire le même raisonnement. A partir d’une couverture de base obligatoire (gérée par l’assurance maladie et les mutuelles), on pourrait très bien imaginer un élargissement de la part tenue par les mutuelles et les sociétés d’assurances privées.

Le secteurprivé ou plutôt la logique de concurrence entre différents acteurs est entré dans l’industrie de la santé. Les mutuelles complémentaires négocient avec leurs assurés, soit au niveau de l’entreprise, des syndicats ou des assurés individuels, le montant de la cotisation d’assurance santé et le montant de la couverture. Parallèlement, ces mêmes mutuelles ont leur mot à dire sur le travail et le prix des prestataires santé en les obligeant à toujours optimiser le rapport qualité-prix. On peut même ajouter que le système de bonus/malus pourrait très bien s’appliquer aux domaines de la santé pour tenir compte des efforts personnel de l’assuré qui peut adopter un comportement (activité physique et alimentation) qui aura un impact direct sur les risques santé.

On connaît l’effet du tabac ou de l’alcool sur le développement des maladies cardio vasculaires ou des cancers.La maladie est injuste, mais les assureurs sont capables de calculer les taux de risque en fonction des antécédents santé de l’assuré. Ils savent très bien le faire quand il s’agit d’assurer un individu qui fait un emprunt immobilier.

L’Etat se garde bien de rentrer dans ces logiques « de marché » pour obtenir une optimisation des dépenses de santé.

Et pourtant, sans permuter le modèle social français avec la violence du système américain, le jeu du marché revient à donner de la liberté aux individus. A partir du moment où les risques de base sont obligatoirement couverts, l’individu peut très bien choisir son régime et faire ses arbitrages entre le présent et l’avenir quand il s’agit de sa retraite, et entre le cout de la prévention du risque et le prix du traitement du risque quand il s’agit de la santé.
La jurisprudence de l’assurance automobile est très éclairante. L’assurance automobile est obligatoire certes, mais les assureurs ont mis en place des offres qui tiennent compte du comportement de l‘assuré avec un système de bonus/malus. Les offres offrent en plus quantité d‘options volontaires. L’assuré peut très facilement faire jouer la concurrence en cherchant le contrat qui correspond le mieux à son intérêt et à celui de sa famille.

Alors, les opposants à cette mise en liberté de l'assuré social viendront nous expliquer que si on fait soi-même sa retraite en toute responsabilité, beaucoup termineront leur vie dans la misère. Si on décide soi-même de sa couverture santé, ils nous expliquent que beaucoup n’auront même pas les moyens d’aller à l’hôpital.

Peut être, et c’est vrai, qu’environ un million d’automobilistes roulent sans assurance et sont à ce moment là des dangers en puissance pour les autres.

Cela dit, les pays européens ont une tradition sociale et des modèles qui empêchent les dérives que l'on connaît aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne. D’autre part, les Etats auront encore les moyens de dresser des garde-fous, même si le privé entre dans le jeu.

Le gros intérêt des acteurs privés, c’est qu’ils offrent le choix au consommateur. Qui oserait, par exemple, aujourd’hui revenir à un système public et monopolistique de service de télécommunications ?

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