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Retraite à 60 ans, fiscalité : 
"La France va bientôt s'apercevoir 
que nos voisins européens 
ne nous prennent pas au sérieux"
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Stop !

Pour marquer son désaccord avec la politique du gouvernement, l'économiste Christian Saint-Etienne a décidé de quitter le Conseil d’analyse économique. Explications.

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : Vous avez démissionné du Conseil d’analyse économique. Pourquoi ?

Christian Saint-Etienne : Les trois premières options choisies par le gouvernement – sur les retraites, la fiscalité et la TVA sociale - sont contraires à tous les travaux que j’ai mené depuis quinze ans.

Cela fait vingt ans que je suis pour l’allongement de l’âge de départ à la retraite. Cinq réformes ont été menées dans le passé par les gouvernements, ce qui marque une avancée réelle sur le sujet, notamment avec la réforme de 2010. Le gouvernement Ayrault remet donc en cause tous les travaux effectués.

J’avais publié un rapport pour le CAE (Conseil d’analyse économique) en 2005 qui condamnait la concurrence fiscale et sociale en Europe. Mais nous précisions que tant que celle-ci existe, il fallait construire notre système fiscal de sorte qu’il reste compétitif. Je me bats également depuis 10 ans pour une TVA sociale afin de réduire le coût du travail.

Sur ces trois sujets clés, le nouveau pouvoir en place prend donc des mesures inverses. Par exemple, je pense qu’il n’a pris conscience du fait que le secteur productif est exsangue et caractérisé par une rentabilité extrêmement faible. La politique de François Hollande va donc accentuer la pente sur laquelle se trouve l’économie française.

Par exemple, la taxe de 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an est en total décalage. Les derniers propos tenus par David Cameron sont d’ailleurs à proprement parler scandaleux et résument parfaitement bien ce que pense la communauté internationale.

L’ensemble de ces mesures figurait déjà dans le programme de François Hollande, alors candidat. Pourquoi avoir attendu pour démissionner ?

Je suis un expert. Je n’ai pas m’immiscer dans les débats politiques électoraux. J’ai donc attendu la fin du cycle électoral pour démissionner.

François Hollande va t-il à l’encontre des pays frontaliers ? Peut-il parvenir à imposer ses idées lors de sa rencontre avec Angela Merkel, Mario Monti et Mariano Rajoy vendredi prochain ?

François Hollande n’a rien imposé dans les débats depuis son arrivée. La France commence à être la risée des économistes et commentateurs politiques. Jamais, dans les relations franco-allemandes, nous n’avions vu depuis la seconde guerre mondiale une chancelière allemande viser la France en tenant un propos contre la « médiocrité » en Europe.

De même, jamais un Premier ministre britannique n’avait osé tenir de tels propos sur une loi fiscale française (David Cameron a déclaré que le Royaume-Uni était prêt à accueillir les entreprises françaises une fois la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an instauré, ndlr). Ce sont des événements inouïs. Je pense que nous sommes à la veille de ruptures extrêmement violentes.

Lorsque nous voyons que le taux de marge, publié mardi par l’Insee, est tombé à un niveau historiquement bas depuis 25 ans, il est stupéfiant que le gouvernement veuille maintenir l’abandon de la TVA sociale, une mesure qui permettrait de redonner un bol d’air aux entreprises.

La France est en totale opposition par rapport à l’Allemagne, mais également par rapport à l’Italie. Nous allons d’ailleurs être très surpris. La situation est telle qu’il n’est pas impossible que l’axe franco-allemand soit remplacé par un axe germano-italien. Les Allemands respectent beaucoup l’Italie qui détient une économie compétitive avec, contrairement à la France, un excédent dans les échanges de produits manufacturés.

Le débat sur la croissance n’a t-il pas avancé depuis l’arrivé de Hollande ?

Le débat autour du thème de la croissance est sur la table depuis l’automne 2011. J’avais moi-même écrit à cette période une tribune, parue dans Le Figaro, sur la nécessité d’un plan de relance de 100 milliards d’euros.

Mais comprenons bien que le terme même de « croissance » renvoie à des définitions différentes selon les pays. En France, il s’agit d’une relance keynésienne alors qu’il s’agit de réformes structurelles partout ailleurs. Nous allons découvrir dans les mois qui suivent à quel point nos voisins ne nous prennent pas au sérieux.

Allons-nous vers un remake de 1983 ? Autrement dit, le gouvernement va t-il être contraint de revoir son programme ?

Oui. Et cela se produira vraisemblablement avant Noël.

Jusqu’à présent, la seule chose qui ait été annoncée est une hausse d’impôt ce qui, en touchant la classe entrepreneuriale et les classes moyennes, aggravera la situation. Il y aura une accélération de l’exode des forces productives. De même, des entreprises retardent leurs plans d’investissement là où d’autres accélèrent leurs investissements hors de l’hexagone. La situation sera très difficile pour l’économie française cet hiver.

Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs été très lucide. Dès le mois de janvier, il a annoncé qu’il ne joindrait pas le gouvernement de François Hollande parce qu’il sera obliger de faire un changement de politique total comme les socialistes grecques à partir de l’automne 2009.

L’équilibre budgétaire en fin de mandat, tels que promis par le candidat Hollande, sera inatteignable sans réformes structurelles.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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