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Restaurer l’autorité : priorité au régalien
©FRANCK FIFE / AFP

Bonnes feuilles

Thibault de Montbrial publie "Osons l'autorité" aux éditions de L’Observatoire. Notre société est aujourd'hui minée par des fractures profondes qui compromettent sa cohésion. Thibault de Montbrial démontre dans cet essai implacable que notre sécurité intérieure ne cesse de reculer. Extrait 1/2.

Thibault de Montbrial

Thibault de Montbrial est Avocat au Barreau de Paris, Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure.

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Restaurer l’autorité, c’est donc aussi redéfinir nos priorités budgétaires. Avant toute chose, la lutte contre la fraude aux prestations sociales doit bénéficier d’un plan d’urgence pour que l’argent perdu revienne abonder les caisses de l’État, en responsabilisant les dirigeants des administrations concernées. Un audit interne des pratiques et procédures qui ont permis ce pillage en règle de la solidarité nationale doit être impérativement mené.

Ce sursaut doit s’accompagner d’une nouvelle répartition des dépenses de l’État en faveur de nos ministères régaliens : Intérieur, Justice, Défense. À trop vouloir s’occuper de tout et de tous, l’État a perdu de vue l’importance cardinale de ces missions qui fondent notre pacte social. Budgets globaux, mais surtout budgets de fonctionnement : à titre d’exemple, le dernier budget du ministère de l’Intérieur a augmenté, mais la hausse a financé primes et retraites. Le budget de fonctionnement, lui, a baissé. Or, dans la police comme la gendarmerie, il s’agit aujourd’hui moins d’abonder les effectifs que les moyens matériels. C’est notamment le cas des locaux, souvent délabrés, qui doivent bénéficier d’un véritable plan Marshall. Il en va autant de la dignité du personnel que du respect du public qui vient ici chercher de l’aide dans une situation de détresse.

Les moyens d’enquête doivent eux aussi profiter de ces nouvelles ressources. Un commandant de PJ du sud de la France m’a raconté comment le trop faible parc de voitures disponibles l’avait contraint à se rendre chez un loueur de voitures. Un autre m’a expliqué comment, sur une scène de crime, il avait reçu instruction du parquet de n’envoyer qu’une partie seulement des prélèvements recueillis à un labo spécialisé en recherche d’ADN pour faire baisser la facture de l’expertise, au risque de diminuer sensiblement les chances d’élucider l’affaire.

Un tel plan Marshall constituerait aussi une réponse au malaise policier. Défiés dans les quartiers, conspués par des associations et organisations de gauche ou d’extrême gauche, lâchés par leur propre ministre début juin  2020, les policiers sont plus que jamais à bout. En juin  2018, un rapport sénatorial soulignait, si besoin était, le « taux de suicide anormalement élevé au sein [de] la police nationale et la gendarmerie nationale ». Entre 2008 et 2018 ce taux était en moyenne de 29 suicides par an pour 100 000 habitants chez les policiers, et 25 chez les gendarmes, contre environ 14 pour l’ensemble de la population. L’année 2019 a vu ce chiffre exploser chez les fonctionnaires : 59 d’entre eux se sont donné la mort, un chiffre en hausse de 40 % par rapport à l’année précédente ! Pour eux, pas de genou à terre, pas d’émotion politico-médiatique, pas de visite du ministre chez les familles endeuillées pour leur témoigner le soutien de l’institution et la reconnaissance de la nation.

Le cas de la justice est peut-être plus criant encore. Vingt-cinq ans après ma prestation de serment d’avocat, c’est souvent un sentiment de honte qui me saisit face au délabrement de l’institution judiciaire. Honte pour les juges et leurs précieux greffiers, obligés de travailler dans des conditions parfois proches de l’insalubrité. Honte de voir des magistrats garder leur manteau parce que le chauffage ne fonctionne pas. Honte devant les bassines remplies d’eau de pluie installées dans une salle des pas perdus. Honte encore quand, chaque automne, les caisses des tribunaux se trouvent systématiquement vides, obligeant les greffiers à acheter des ramettes de papier sur leur denier personnel. Avec seulement 7,5 milliards d’euros pour 2020, c’est un doublement immédiat du budget de la Justice qu’il faut décréter. Une telle initiative nous mettrait au niveau de l’Allemagne mais encore loin derrière le Royaume-Uni !

Le manque de personnel est ici plus criant que dans la police ou la gendarmerie. Augmenter les effectifs de magistrats coûte cher, mais nous pouvons aussi avoir recours à des assistants de justice, sur le modèle des clercs américains. Outre-Atlantique, les étudiants en droit en passe d’être diplômés ou qui viennent de décrocher leur diplôme sont appelés à venir grossir les effectifs en juridiction pendant une durée limitée pour prêter main-forte aux magistrats dans la rédaction de leurs actes. Là aussi, faisons preuve d’imagination.

Bien entendu, la crise du Covid ayant grevé la marge de manœuvre budgétaire de l’État pour longtemps, financer un tel changement de braquet ne peut se faire qu’à moyens constants. C’est la raison pour laquelle, en plus de s’attaquer au gaspillage qu’elles produisent, il nous faut baisser les dépenses consacrées aux prestations sociales. D’abord en réduisant, comme je l’ai déjà suggéré, les entrées licites sur notre territoire par une politique de quotas stricts. Moins d’étrangers, c’est moins de prestations sociales à leur verser. Ensuite, en rendant plus efficiente l’organisation des caisses et autres agences chargées de leur gestion. Elles ont montré, sinon leur incompétence, au moins leurs limites malgré des effectifs pléthoriques. Plus généralement, ce sont les pesanteurs bureaucratiques de notre administration auxquelles il faut avoir le courage de s’attaquer, comme dans le domaine de la santé, en réduisant les postes de gestion au profit des tâches opérationnelles.

Extrait du livre de Thibault de Montbrial, "Osons l'autorité", publié aux éditions de L’Observatoire.

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