Résilience : oui, la crise est profonde, non l’apocalypse occidentale n’est pas en cours<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Résilience : oui, la crise est profonde, non l’apocalypse occidentale n’est pas en cours
©Luis ACOSTA / AFP

Solidité

La France fait face à une crise sanitaire profonde. Sommes-nous en train d'assister à l'effondrement du monde occidental, de son modèle économique et sociétal ? La France a-t-elle les ressources économiques, politiques et morales pour se remettre de cette crise ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »
Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »
Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

Voir la bio »

Atlantico.fr : La France, comme de nombreux pays de culture occidentale, traverse actuellement une crise sanitaire profonde. Pour autant, sommes-nous en train d'assister à l'effondrement du monde occidental, de son modèle économique et sociétal?

Christophe Bouillaud : Pour répondre à votre question, il faudrait déjà définir ce qu’on appelle le modèle économique et social du monde occidental. A ma connaissance, même si bien sûr il existe des points communs entre pays occidentaux comme le fait que ce sont tous des Etats de droit, des démocraties représentatives, avec une économie de marché, des pays capitalistes en somme, chacun fait preuve de ses particularités. Il n’existe pas un modèle, mais des modèles. Ce n’est pas d’ailleurs simplement une question de culture au sens banal du terme. En effet à un bout du continuum, la Nouvelle-Zélande, indéniablement un pays anglophone, semble être l’un des pays qui maîtrise le mieux la crise sanitaire sur son sol, et, à l’autre bout du continuum, le Royaume-Uni, si j’en crois certaines prévisions d’épidémiologistes, subirait à terme près de la moitié des morts sur le périmètre de l’Europe (60000 pour 150000 prévisibles d’ici août 2020). Dans l’Europe latine, le Portugal semble s’en sortir bien mieux que l’Italie, l’Espagne ou même la France. En fait, malheureusement dans cette crise, chaque pays occidental est renvoyé à ses caractéristiques propres en matière d’organisation de son système de santé, de réactivité et de légitimité de ses gouvernants, de capacité productive, de civisme de sa population, etc... 

De ce point de vue, parmi les pays développés, la grande inconnue à ce stade de la pandémie n’est autre que la situation américaine. Il faut rappeler que, déjà, avant cette crise sanitaire, l’espérance de vie baissait aux Etats-Unis, une première pour un pays en temps de paix ou en l’absence de changement drastique de système économique (comme pour les pays de l’ex-Union soviétique après 1991). Cette baisse contrastait avec la trajectoire toujours favorable des autres pays de l’OCDE. Elle était liée à un mode de vie particulièrement vraiment peu favorable à la santé (obésité favorisée par le type de nourriture disponible à bas coût, sédentarité, etc.), à un marché du travail extrêmement clivé entre « perdants » et « gagnants » de la mondialisation, et, conjoncturellement, à une absence de maîtrise de la crise dit des « opioïdes », ces médicaments antidouleur très addictifs promus par des firmes pharmaceutiques sans scrupules. Un auteur a parlé à ce sujet de « death by despair », mort par désespoir pour décrire la situation très particulière des classes populaires aux Etats-Unis : l’absence d’espoir de revenir sur le marché du travail pour y gagner un salaire un peu décent semble à la source de cet abus d’opioïdes et d’autres conduites destructrices pour la santé.

En plus, il est bien connu qu’une grande partie des habitants des Etats-Unis n’ont pas de couverture santé, et que, pourtant, la part de la santé est d’une importance disproportionnée dans les dépenses des Américains par rapport à tous les autres pays du monde. De même, il n’y a à ma connaissance, parmi les pays développés, qu’aux Etats-Unis où le taux de chômage augmente à la faveur de cette crise sanitaire à un rythme totalement hallucinant. On serait déjà à 10 millions de chômeurs supplémentaires…  C’est là la conséquence d’un marché du travail vraiment totalement flexible, et d’une économie dominé par les services où la serveuse de restaurant représente l’employé typique. De fait, la situation est devenue si grave en quelques jours à peine que la Réserve Fédérale, la Présidence et  le Congrès ont sorti très rapidement des mesures exceptionnelles d’un montant inégalé pour essayer de contrer ces tendances. Quel rapport avec, à l’inverse, le Danemark qui se contente de faire jouer ses mécanismes habituels de solidarité nationale en cas de crise ? Ou de l’Allemagne qui met le paquet, comme en 2008, sur le chômage partiel, mécanisme institutionnel qu’elle maîtrise bien et qui inspire désormais la France ?

En résumé, il n’y a pas d’écroulement du modèle économique et social occidental, mais des modèles qui vont passer plus ou moins bien cette épreuve inédite d’une telle crise sanitaire

Yves Michaud : Effondrement est un bien grand mot, mais la conscience de la fragilité des sociétés développées est réelle. 

Pour deux raisons au moins. 

D'abord nous commençons à mesurer les limites écologiques du sur-développement : chacun commence à comprendre, même confusément, que « ça ne peut pas continuer comme ça », même s'il n'a aucune idée de comment on pourrait arrêter ou seulement ralentir. Moyennant quoi, on met des batteries électriques partout pour se donner au moins bonne conscience et on continue à acheter des croquettes pour nourrir des hordes de bestioles domestiques inutiles.

D'autre part, nous avons une telle habitude du « tout organisé », « tout contrôlé », « tout maîtrisé » et aussi une ignorance tellement abyssale de l'histoire, même récente, que la moindre anomalie passe pour une catastrophe – avant qu'on oublie et passe à la suite. A ce jour la canicule de 2003 a fait plus de victimes que le Coronavirus sans que ça ait gâché les vacances des Français de l'époque. Le XXème siècle a connu deux guerres mondiales, de très nombreux et atroces génocides, des famines et des épidémies, parfois organisées, mais on ne le sait plus et ça paraît avoir eu lieu dans un autre monde.

Cela dit, s'il n'y pas d'effondrement, le coup d'arrêt est énorme et va avoir un coût économique et social stupéfiant. Pour une raison simple : dans un monde gouverné par la croissance et la fuite en avant, tout arrêt est extraordinairement coûteux. Je pense à tous les commerces et PME qui vont faire faillite, aux secteurs comme le tourisme ou la culture qui vont être dévastés, aux taux de chômage qui vont exploser – et aux fractures sociales aussi énormes que multiples qui vont s'approfondir. Bref, il n'y aura pas d'effondrement à proprement parler car on va faire marcher la planche à billets comme en 2008, mais la décroissance, la déflation et la récession vont faire très mal partout. Y compris chez les très riches qui heureusement auront encore trop d'argent.

Michel Ruimy : Bien qu’il ressorte des différentes études comparant les systèmes de santé qu’aucun pays ne peut prétendre que son système de santé est le meilleur d’entre tous, les Français se montrent globalement satisfaits du leur. Mais, il ne faut pas oublier que, contrairement à l’adage, on préfère, en France, souvent guérir… que prévenir. Pour cela, notre pays consacre près de 12% de son Produit intérieur brut (PIB) à la santé.
Certains résultats sont là. Même si la plupart de nos concitoyens l’ignorent, la France est le pays de l’OCDE où le « reste à charge » (part de la facture effectivement payée par chacun après remboursement par le système d'assurance) est le plus faible et où l’espérance de vie à 65 ans est relativement élevée. Il n’en demeure pas moins que notre système sanitaire, comme ceux de la plupart des pays développés, voit perdurer les inégalités de santé selon le niveau d’éducation ou l’origine sociale. Concernant la question de l’accès aux soins, aujourd’hui, des personnes renoncent à consulter, notamment pour leurs dents ou leur vue, pour des raisons financières. D’autres ne parviennent pas à trouver de praticien exerçant en libéral au tarif remboursé par la Sécurité sociale. Enfin, les habitants de certaines zones manquent de médecins à proximité (« déserts médicaux »). Ainsi, si l’on veut éviter que, tôt ou tard, la machine ne s’engorge, il faut actionner le seul levier susceptible d’agir à une échelle suffisamment large : la prévention des maladies et la promotion de la santé auprès des Français. À l’heure où 1 adolescent sur 3 fume quotidiennement, faisant de la France un des pays européens les plus touchés par l’addiction au tabac chez les jeunes, le défi est de taille.

Par ailleurs, l’approche intégrée de la santé (« parcours de soins ») reste à consolider. Cela passe par une réflexion sur le mode de financement des établissements de santé, sur la rémunération du personnel soignant et des professionnels hors hôpital. 

La crise sanitaire a montré une certaine résilience des systèmes de santé. L’épisode que nous vivons actuellement doit être l’occasion pour l’ensemble des pays d’engager une réflexion sur leur système de santé, sur leur modèle économique et sociétal.

Les discours alarmistes sur la fragilité de notre système se justifient-ils selon vous dans la crise actuelle ?

Christophe Bouillaud : En dehors de cette diversité de modèles, il reste bien sûr que tout le monde découvre tout de même des fragilités communes, ne serait-ce que parce que tout le monde dépend de tout le monde pour sa croissance. 

Pour prendre un exemple, le plus évident,  toute une partie de nos économies repose sur le tourisme, et accessoirement sur les voyages dits d’affaires. Cela structure l’activité de régions entières. Le développement massif du tourisme est l’un des aspects de la mondialisation des dernières décennies, avec justement des classes moyennes  des pays nouvellement développés qui peuvent désormais voyager et des classes moyennes des pays anciennement développés qui continuent à le faire. Or, typiquement, avec une telle crise sanitaire, force est de se rendre compte de l’immense fragilité de cet arrangement bénéfique pour les différents pays concernés. Pour être concret, on peut se demander quand les touristes chinois reviendront en Europe… peut-être quand le dernier cas de Covid-19 aura disparu du continent européen ? C’est-à-dire dans un délai plutôt imprévisible à ce stade. 

Plus encore, on s’aperçoit, partout dans le monde, à l’occasion de cette crise que l’on a trop compté sur l’Asie comme unique source pour un certain nombre de biens essentiels comme les médicaments ou ces fameux masques que le monde entier s’arrache désormais. C’est une faiblesse annoncée, en tout cas pour les médicaments, mais elle s’avère bien plus prononcé qu’on ne le pensait. Elle est sans doute soluble à terme en réfléchissant plus à une redondance des mécanismes d’approvisionnement.  

Par contre, il me semble que les discours alarmistes se justifient plus sur deux points. 

Tout d’abord, à moins de croire que cette pandémie résulte d’un virus développé à fins militaires par la Chine qui aurait échappé à ses concepteurs, il faut bien admettre que nos sociétés développées sont désormais menacées par leur incapacité à ménager l’environnement. La pandémie était, en fait, largement probable. Je ne sais pas si le pangolin sera finalement déclaré le vecteur ou si un autre être vivant sera identifié dans ce rôle de passeur, mais il reste que les scientifiques nous avertissent depuis un moment déjà qu’un tel passage d’un réservoir naturel vers l’être humain d’un agent pathogène aussi mortel peut se produire. Il semble aussi que la pandémie fasse plus de victimes là où la pollution atmosphérique s’avère la plus marquée. La négligence des effets de l’activité humaine sur l’environnement est vraiment mortifère, et notre système sait très mal répondre à ce défi, surtout quand, en plus, il est vraiment global – une négligence en Chine finit par tuer des milliers de gens à New York ou à Milan. 

Par ailleurs, toute cette crise met en porte à faux l’ensemble de la légitimité de la répartition des revenus dans les pays occidentaux. Avec le confinement, méthode choisie dans de très nombreux pays,  qui ne laisse travailler et prendre des risques que certains travailleurs, et l’importance prise par les soignants, tout le monde est en droit de se demander pourquoi tel métier est moins ou mieux payé que tel autre. On peut vivre un temps sans publicitaire ou serveur de bar par exemple, mais pas sans éboueur, aide-soignant, infirmière, agriculteur, postier,  plombier, médecin, caissière, réparateur d’ascenseur, etc. Cette crise sanitaire est un vaste rappel aux dures contraintes de la vie matérielle de la société industrialisée. Il va bien falloir, pour que les gens aient le sentiment de vivre dans une société juste, corriger les injustices les plus flagrantes de ce point de vue : les métiers utiles à tous en tout temps ne peuvent pas être si mal payés et si peu reconnus. C’est d’ailleurs un effet classique des guerres : à leur suite, il faut bien que les groupes dirigeants reconnaissent que la piétaille lui a été fort utile pour vaincre et qu’ils la payent mieux. 

Yves Michaud : Oui, nos organisations sont fragiles. Elles reposent sur des réseaux d'échange de prestations. On le voit crûment avec notre dépendance à l'égard de la Chine devenue « atelier du monde » qui a succédé à notre dépendance énergétique, pour ne rien dire de notre dépendance alimentaire ou technologique. 

Si des prestataires viennent à faire défaut, il y a un trou immédiat d'approvisionnement mais, qui plus est, le système est compliqué et fragile. On se frotte les yeux de devoir constater que deux mois après la prise de conscience de la pandémie, on en est encore à manquer de masques, de gants et de solutions hydro-alcooliques. Passe encore qu'on n'ait pas encore de traitements efficaces ou de vaccin contre le virus, mais des masques !

Dans un monde où on fabrique des milliards de soutien-gorges....

Maintenant, il ne faut rien exagérer, dans le même temps, on parvient à ré-organiser les services hospitaliers, les approvisionnements et on est même capable d'inventer des nouvelles amendes au nom de règlements soigneusement élaborés par des bureaucrates toujours sur la brèche.

La tâche de reconstruction sera titanesque et c'est sur ce point qu'on peut se faire des cheveux blancs.

Michel Ruimy : Outre celles du secteur de la santé, nous voyons que certaines entreprises ont pivoté en « mode start-up » en modifiant leur plan de travail, en offrant, par exemple, la possibilité de fabriquer certains masques... De leur côté, certains travailleurs ont proposé leur force / temps de travail aux agriculteurs… Ainsi, de manière individuelle ou collective, certains acteurs sont « entrés en résistance » face à cette crise sanitaire en tentant de réduire au maximum les impacts. 

Certains observateurs sont surpris que cette résilience. En effet, combien de fois, avons-nous entendu que cette crise révélait notre fragilité ! Et si, au contraire, loin malgré tout de nous cacher les yeux, cette crise révélait notre force, la capacité incroyable de notre système socio-industriel moderne de répondre à un défi de taille et de le résoudre.

Plutôt que de regarder ce qui ne va pas, on peut utilement regarder les entreprises qui font preuve de résilience et en tirer des leçons.

Classée 12ème par l'Index de Résilience 2019, la France a-t-elle les ressources économiques, politiques et morales pour se remettre de cette crise ?

Christophe Bouillaud : Je ferai ici une réponse dite de « normand ». 

D’une part, beaucoup d’éléments plaident en faveur de la résilience, ne serait-ce que parce que notre appareil productif est loin d’être touché.  Un secteur comme l’agriculture pourrait même à terme profiter d’une préférence renouvelée pour les produits locaux. Et puis, il y a pour l’instant de nombreuses initiatives locales, privées ou publiques, pour passer l’épreuve. Les atouts des Français dans la mondialisation ne vont pas changer du tout au tout en l’espace d’une épidémie. Notre niveau d’éducation, qui est ce qui garantit au final notre niveau de vie, ne va pas s’écrouler subitement.

D’autre part, les maillons faibles de notre société apparaissent de plus en plus nettement : notre vie politique et notre système politico-administratif. La France n’était déjà pas bien classée en matière de confiance des citoyens envers leur classe politique. Je crains que la gestion de la crise à travers des mensonges répétés de la part du gouvernement actuel ne fasse encore plus de dégâts. Il est possible que les Français sortent de la crise fiers d’eux-mêmes et de leurs proches,  de leur ville, de leur entreprise, mais totalement exaspérés face à leurs gouvernants. Cela vaudra aussi bien pour le chef d’entreprise mis en difficulté par le confinement que pour le fonctionnaire qui aura assuré la continuité du service public sans avoir de masque ou de gel hydro-alcoolique. Nous sortons de la crise des Gilets jaunes, il ne faudrait pas que nous ayons ensuite la même chose, mais avec des Gilets de toutes les couleurs, correspondants à toutes les catégories sociales. La crise politique risque d’être d’autant plus forte que la comparaison avec l’Allemagne risque en plus de faire très mal. Notre voisin risque de s’en sortir avec moins de morts et moins de restrictions aux libertés de toute nature : comment allons-nous encaisser cette humiliation ? 

Il reste à espérer que le pouvoir politique saura calmer les exaspérations, mais en est-il capable ? Il ne suffira pas en tout cas de beaux discours ampoulés et interminables sur la refondation de la République. Je les crois même très dangereux. Il vaudrait mieux agir pour corriger ses erreurs, et se taire. 

Yves Michaud : Je ne sais pas trop ce que veut dire un indice de résilience. J'ai eu l'expérience dans le temps, quand je m'occupais de violence, des indices que les sociologues américains concoctaient pour les pays d'Amérique latine en prédisant que le Nicaragua ou le Venezuela seraient des paradis de stabilité démocratique (sic). 

Si on redevient sérieux, il faut évaluer les capacités de résistance chapitre par chapitre.

Du point de vue économique et financier, nous sommes mal « barrés »parce qu'aucune réforme de fond de la dépense publique et de la superstructure bureaucratique n'a été faite. Sarkozy a parlé. Hollande a tout bloqué et Macron n'a aucune idée du poids de l’État (une illustration désopilante, quand il découvre que les aides sociales coûtent un « pognon dingue »). Nous sommes donc bien placés pour  rester en Europe un pays du Club Med, tributaire des emprunts pour couvrir une dette astronomique. Une consolation : à ce niveau d'endettement, aucune dette ne sera jamais remboursée.

Du point de vue moral, j'ai hélas peur que la situation ne soit guère meilleure : la France est divisée et aucun appel politique fort face à l'adversité n'a remobilisé ce pays. Macron se prend pour Clemenceau mais, calculateur hollandiste à la petite semaine, il est incapable de parler vrai aux gens et de les appeler à la mobilisation.C'est assez curieux c qu'on nous radote que nous sommes en guerre sans appel à la mobilisation...

Rappelons qu'on a malheureusement déjà connu ça – ça s'est appelé la « drôle de guerre » en 1939-1940...

Du point de vue politique, nos institutions qui favorisent les plans tactiques et pas les grands engagements, n'inspirent rien de bon. Quant à notre classe politique, à droite comme à gauche, elle vient du passé, défend ou combat la mondialisation sans avoir aucune idée de rechange et pense surtout à ses places. L'épisode du maintien du premier tour des municipales est confondant : tout le monde, de Macron à Larcher, se foutait du Coronavirus parce que ce qui comptait c'étaient les élections sénatoriales de l'automne et le  nombre de pantoufles de sénateurs pour chaque parti. Je ne vois vraiment pas comment du jour au lendemain Macron inventerait un programme de résurrection contraire à tout ce sur quoi il a voulu être élu. Je sais bien qu'il y a dans l'histoire des Saint Paul qui tournent casaque sur le chemin de Damas, mais je ne vois pas ce qu'ils apportent sinon de l'intolérance.

Bref, je suis assez pessimiste. 

Michel Ruimy : Face à l’incertitude de la pandémie de Covid-19, les pays ont mis en œuvre des stratégies de distanciation sociale de grande envergure et tentent, via des interventions budgétaires, de « geler » l’économie. Mais si des scenarii de sortie de crise reprise sont déjà élaborés, l’issue sera vraisemblablement différenciée selon la faculté de rebond de la vie nationale des affaires et selon la manière dont le reste du monde s’adaptera au nouvel environnement et maintiendra la continuité des échanges.

Selon le classement de cette étude, au vu des premières mesures prises face à la crise sanitaire, certaines qualités se doivent d’être mobilisées pour une reprise réussie. Le Danemark (2ème) et Singapour (21ème) ont pu, grâce à une totale transparence du gouvernement sur ses initiatives, s’appuyer sur la totale confiance de leur population et sur un fort élan de solidarité pour une cause commune (santé publique). Ceci a contribué à l’efficacité des mesures prises. 

Par ailleurs, l’économie des Etats-Unis a montré, par le passé, sa capacité à se remettre de chocs importants et de changements potentiels de plus long terme que la plupart des autres pays développés. La population est, en moyenne, plus jeune qu’une grande partie du reste du monde, plus mobile aux plans géographique et professionnel, et les restrictions du marché du travail sont, en général, plus légères, ce qui facilite une plus grande réallocation du travail. En outre, la Reserve Federal a plus de marge de manœuvre en matière de taux que les autres banques centrales (Banque centrale européenne, Banque du Japon…). Par ailleurs, l’administration présidentielle a proposé de diviser le pays en zones plus ou moins atteintes et de permettre une activité économique normale pour renforcer davantage la reprise. 

Dans ce concert, il faut y voir, outre une certaine solidarité, la capacité de la population à pouvoir s’adapter à un environnement en mutation. Une France plus forte pourra émerger une fois le virus maîtrisé. Mais tout dépend des leçons que nous apprenons. Nous allons devoir investir dans de nouvelles formes de santé publique, créer des formes durables de protection sociale et de résilience institutionnelle si nous voulons revenir à des sociétés commercialement denses, interconnectées et très en réseau, ce qui était la norme il y a seulement un mois.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !