Réouverture des terrasses : voilà pourquoi les jauges & recommandations fixées par Bercy n’ont pas de fondement scientifique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des gens prennent un verre à la terrasse d'un café à Paris en juillet 2020 en respectant la distanciation sociale liée à la pandémie de Covid-19.
Des gens prennent un verre à la terrasse d'un café à Paris en juillet 2020 en respectant la distanciation sociale liée à la pandémie de Covid-19.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Bercy c’est plus fort que toi (mais pas plus fort que le Covid)

Alors que l'ouverture des terrasses des bars et des restaurants est programmée pour ce mercredi 19 mai en France, le protocole sanitaire a été réadapté par le gouvernement. Certaines de ces nouvelles mesures semblent déconnectées des réalités scientifiques.

Christophe Daunique

Christophe Daunique

Christophe Daunique est consultant en management, spécialisé dans le secteur public. Il publie régulièrement des articles sur son blog personnel (https://christophe-daunique.medium.com/).

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Atlantico : Selon les préconisations du gouvernement, les restaurateurs peuvent « organiser leur terrasse en installant une séparation visant à prévenir les projections entre les tables, au moyen par exemple d'une paroi, d'un panneau ou d'une jardinière ». Est-ce une méconnaissance de l’aérosolisation, pourtant connu comme vecteur principal de la transmission du Covid-19 ?

Christophe Daunique : A l’heure où j’écris, le débat scientifique se poursuit quand au mode principal de transmission du Covid 19 entre les gouttelettes et les aérosols. Je ne vais pas revenir dessus mais à titre personnel, je suis convaincu que les aérosols sont le mode principal de contamination aujourd’hui.

Concernant les terrasses, dans la mesure où l’air circule librement, les aérosols contaminants émis sont dilués ce qui rend a priori le risque de transmission extrêmement faible. Il y a d’ailleurs également un débat au sein de la communauté scientifique concernant l’importance de la contamination en extérieur comme l’illustre cet article du New York Times. Encore une fois, à titre personnel, je considère que le risque est effectivement minime mais pas nul même si les chiffres de contamination ne le montrent pas. En effet, le contact tracing à l’occidentale est beaucoup trop lacunaire pour remonter une chaine de contamination à l’extérieur, donc si cela survient, cela n’est tout simplement pas détecté.

Comme le décrit ce thread de l’AFP, je pense que le risque de contamination en extérieur est lié à l’effet sillage ou encore le « cône de dispersion » dont la pointe est la bouche de la personne infectée, comme décrit par ces étudiants en physique expérimentale de l'Université de Paris. Pour le visualiser, le mieux est encore de se représenter un nuage de fumée émis par une personne à côté de soi et qui peut, dans certaines conditions comme l’absence de vent, persister un certain temps. Au passage, le seul moyen d’en avoir le cœur net et de mesurer ce risque serait selon moi, d’organiser des expérimentations en plaçant volontairement une personne porteuse du virus en terrasse et vérifier s’il y a ou non des contaminations parmi les autres personnes.

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Par conséquent, en extérieur, le principal risque concerne les aérosols et non les projections ce qui rend complètement inutile les séparations de type paroi. Au contraire, il semblerait même qu’elles soient contreproductives comme l’explique le physicien Bruno Andreotti sur Twitter. Comme il le dit lui-même, ces parois empêchent la ventilation car elles créent des vortex qui bloquent les aérosols ce qui finit par les concentrer dans une zone, augmentant ainsi le risque de contamination !

Quelle organisation des terrasses pourrait permettre un risque minimum ?

Christophe Daunique : Pour vraiment sécuriser les terrasses, il y a deux facteurs à prendre en compte. Le premier est la proximité entre les personnes ce qui pose la question de la jauge que je vais aborder dans la question suivante. Le second est la circulation naturelle de l’air qui doit être renforcée avec des moyens adaptés. Quel est le problème ? La non-dilution des aérosols en cas d’absence de vent. Quelle est donc la solution ? Recréer du vent lorsque c’est nécessaire. On peut envisager de le faire de deux manières. Une première manière simple est de placer des ventilateurs sur les terrasses de manière à renforcer la circulation de l’air, en les plaçant pour qu’ils redirigent l’air en-dehors de la terrasse. L’inconvénient toutefois est que cela peut revenir à renvoyer les aérosols vers les passants si la terrasse est en ville. Une seconde manière plus sophistiquée serait d’ajouter aux terrasses un système de ventilation vers le haut, à l’image des grilles d’aération du métro. Le flux nécessaire n’aurait probablement pas besoin d’être très puissant, seulement suffisant pour rediriger en hauteur les aérosols.

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Le gouvernement a-t-il eu tort de céder aux restaurateurs ayant des petites terrasses qui ont demandé la levée de la jauge ?

Christophe Daunique : Malheureusement, je pense que le gouvernement a eu tort. Plus qu’une jauge, c’est un espacement minimal entre les tables qui est nécessaire. Je ne suis pas capable de dire s’il faut 1 ou 2 mètres entre les tables mais cela doit pouvoir être calculé avec des méthodes scientifiques. De même, il vaut probablement mieux réduire la taille des tables pour minimiser les risques, même si là encore je ne sais pas s’il faut viser 4 ou 8 personnes. Dans tous les cas, les terrasses des restaurants ne doivent surtout pas être des terrasses de bars bondées, avec des clients littéralement les uns sur les autres.

En revanche, il n’y a absolument aucune raison logique de faire évoluer la jauge en extérieur et de la faire passer de 50 à 100 % de capacité entre le 19 mai et le 9 juin. Le risque de contamination en extérieur lié à l’organisation des terrasses sera toujours le même donc autant organiser les terrasses une bonne fois pour toutes dans la configuration sanitaire optimale, et surtout faire en sorte que les autorités contrôlent que les règles sont bien appliquées. J’ai beaucoup de compassion pour les restaurateurs qui ont subi une année catastrophique mais cela ne justifie pas qu’ils ne jouent pas le jeu et cherchent à s’arranger avec les règles. Il en va de la sécurisation de la réouverture et donc de l’évolution positive de l’épidémie.

Dernier point que je souhaite aborder, je déplore encore une fois le fait que le protocole sanitaire pour les bars, les restaurants et restaurants d’hôtel ait été apparemment rédigé par des fonctionnaires des Finances qui ne semblent avoir que de faibles connaissances scientifiques. Comme je l’ai déjà écrit dans un autre article, toute règle sanitaire durant cette épidémie devrait être écrite en collaboration avec des scientifiques capables de la justifier avec les éléments rationnels correspondants. Ceci permettrait de justifier par exemple la distance entre les tables ou le nombre maximal de personnes. De plus, idéalement ce protocole ne devrait pas être une note littérale écrite mais devrait comporter bien plus de schémas et même des exemples de configuration type de terrasse pour que les professionnels concernés comprennent bien ce qui est attendu de leur part.

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