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Reines d'Afrique : Dominique Ouattara, femme d’affaires un jour, femme d’affaires toujours
©REUTERS/Benoit Tessier

Bonnes feuilles

Nourrie de témoignages exclusifs et d’anecdotes éloquentes, cette galerie de portraits dessine aussi, en creux, la métamorphose de l'image de la femme sur un continent qui comptera au mitan du siècle près de deux milliards d'âmes. Extrait de "Reines d'Afrique - le roman vrai des premières dames", de Vincent Hugeux, publié chez Perrin (1/2).

Vincent Hugeux

Vincent Hugeux

Grand reporter au sein du service Monde de l'Express, Vincent Hugeux est l'un des meillleurs connaisseurs de l'Afrique d'aujourd'hui. Un continent dont il dépeint d'une plume percutante, volontiers caustique, les élans et les tourments, tant au fil de ses reportages que dans ses essais comme "Les Sorciers Blancs", Fayard 2007 ou "L'Afrique en face", Armand Collin 2010.

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Il serait inique, bien sûr, de réduire le dispositif de Children of Africa à ces sauteries pour happy few, ou aux Arbres de Noël fort peu africains – avec magiciens, clowns et distribution de jouets – que chérit tant la Première Dame. Logée dans le quartier du Plateau, la Case des enfants, sa vitrine abidjanaise, héberge et éduque une cinquantaine de mineurs, garçons et filles à parité, orphelins, abandonnés ou maltraités. Attentive et dévouée, l’équipe d’encadrement n’est pas peu fière de raconter l’aventure de cet ancien pensionnaire devenu prof d’ébénisterie, ou celle de la lente renaissance de ce naufragé de la jungle urbaine, échoué ici sans nom ni mémoire. Pour le reste, l’action de COA repose sur un arsenal caritatif classique, de la consultation ophtalmologique au bus de vaccination, via le don de kits scolaires aux écoliers démunis. Son rayon d’action porte au-delà des frontières ivoiriennes : dotée d’un bureau parisien, la fondation a essaimé dans onze pays, dont le Cameroun, le Mali, le Burkina Faso, la République centrafricaine et Madagascar. A l’échelle continentale, Dominique Ouattara s’est également engagée, au côté de son amie ivoiro-burkinabé Chantal Compaoré et au sein de Synergies africaines, dans le combat contre le labeur des mineurs, phénomène répandu dans les industries extractives comme sur la planète café-cacao. « Un enjeu transfrontalier », insistait-elle en mai 2013. Le mois suivant, la présidente du Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants lancera d’ailleurs un « Système d’observation et de suivi », baptisé Sosteci.

« A mon sens, souligne Dominique Ouattara, la mission dont j’ai hérité est avant tout humanitaire, puis sociale. Mais non politique. La politique, je ne sais pas faire et je ne veux pas faire. » Est-ce si simple ? Certes,la Première Dame prend soin de minimiser son rôle en la matière. « Comme n’importe quel couple, précise-t-elle, mon mari et moi discutons de tout à table. Je peux attirer son attention sur le sort des laissés-pour-compte ou le devenir d’un hôpital. Reste que lui seul décide. Il me serait facile de promouvoir Untel, mais je m’en abstiens. Tout comme je veille, s’agissant du champ d’action de ma fondation, à ne pas marcher sur les plates-bandes des ministres. Lors de la campagne électorale de 2010, j’étais disposée à m’effacer, du fait des relents francophobes du discours de Gbagbo. Alassane a refusé. » Excès de modestie de la part d’une femme plus attachée qu’elle l’avoue aux égards protocolaires. « Quand ça chauffe, résume Venance Konan, le directeur général du groupe Fraternité-Matin, celui qui redoute une disgrâce se précipite chez elle. » Il arrive d’ailleurs que la First Lady accueille le plaideur par cette formule : « Alors, toi aussi tu viens pleurer chez Maman… » A en croire les vigies des jeux de pouvoir abidjanais, rien de tel qu’un contentieux avec « Fanta Gbé » – le surnom dioula de la femme du chef – pour vous plomber une carrière. A l’inverse, plusieurs poids lourds peuvent se prévaloir de sa bienveillance, à commencer par l’ex-chef rebelle Guillaume Soro, aujourd’hui titulaire du perchoir de l’Assemblée nationale, le secrétaire général de la présidence Amadou Gon Coulibaly ou le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, dit « Hambak », qui fut son partenaire au sein de Nostalgie. De même, l’homme d’affaires Adama Bictogo devrait en partie à Dominique son accession au portefeuille de l’Intégration africaine. Reste que le statut, mérité ou pas, de protégé de Madame ne saurait valoir indulgence plénière : incriminé dans le scandale du Probo Koala – une affaire de déchets toxiques meurtriers datant de 2006 –, le même Bictogo sera limogé en mai 2012. Le constat vaut pour la sphère économique. Mieux vaut, là encore, passer pour proche de « Domi ». Tel est le cas du businessman ivoiro-libanais Hassan Hijazi, bienfaiteur de la fondation COA et propriétaire en titre de la résidence de Cocody, élevé le 7 août 2013 au grade d’officier de l’Ordre national du mérite. Autre vieil ami du couple, déjà cité, Martin Bouygues, héritier de la dynastie fondée par son père Francis. A l’évidence, sa complicité avec les Ouattara, auxquels il présenta Nicolas et Cécilia Sarkozy – devenue Attias depuis lors –, n’aura pas nui aux intérêts de l’actionnaire majoritaire de TF1 : à lui le marché du troisième pont sur la lagune ; à lui aussi, via la filiale hydrocarbure Foxtrot, l’exploitation du champ gazier Manta. Lorsque, en mai 2013, L’Intelligent d’Abidjan consacre un cahier à la « renaissance ivoirienne », ses concepteurs jugent opportun de faire figurer à la une cet appel : « Relance économique, la partition de la Première Dame. » La partition ? Il faut, pour en écrire une, connaître la musique.

Extrait de "Reines d'Afrique - le roman vrai des premières dames", de Vincent Hugeux, publié chez Perrin, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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