35 heurts et plus
Régionales : Martine Aubry a-t-elle encore un tel pouvoir (de nuisance) que ses amis du PS doivent dépenser autant d’énergie à lui nuire ?
Après ses deux violentes passes d'armes avec Emmanuel Macron sur les 35 heures et sur le statut des hauts fonctionnaires, Martine Aubry est maintenant aux prises avec Manuel Valls. La volonté de ce dernier de la voir s'engager dans les élections régionales du Nord - à haut risque pour les socialistes - pourrait être un vrai piège politique.
Atlantico : Quel est donc l'actuel potentiel de nuisance de Martine Aubry pour que certains mettent tant d'énergie à la couler politiquement ?
Hervé Favre : Je ne sais pas si ce sont des manœuvres destinées à la couler politiquement. On peut dire qu'elle a peut-être effectivement dans la tête l'idée d'être un recours en 2017 au cas, très improbable, où François Hollande ne se représenterait pas. A ce moment-là, oui elle pourrait effectivement songer à concourir à des primaires (peut-être face à Valls d'ailleurs) et prendre une revanche sur 2012. Mais personnellement j'y crois très peu. Y-a-t-il vraiment une volonté de Valls ou d'autres de la mettre en difficulté ? C'est possible. Ce qui est sûr c'est que Manuel Valls est le dernier à qui elle pourrait donner satisfaction, quand on connaît l'état de leurs relations...
Yves-Marie Cann : Bien qu'éloignée des responsabilités nationales, Martine Aubry reste un poids lourd politique à gauche et une figure respectée par de nombreux militants, élus et sympathisants. Alors que l'exécutif est accusé par certains de mener une politique pas assez à gauche voire social-libérale pour certains, Martine Aubry reste auréolée par la réforme des 35h qu'elle a mise en place comme ministre du travail et des affaires sociales de Lionel Jospin à la fin des années 1990. Pour le dire autrement, son ancrage à gauche ne fait aucun doute pour les critiques de l'exécutif national, lorsque ce dernier est au contraire accusé d'avoir oublié voire renié ses origines politiques. Le potentiel de nuisance de Martine Aubry, c'est donc ce qu'elle incarne face à un exécutif rejeté par les Français (22% de confiance pour François Hollande dans le baromètre Elabe / Les Echos en octobre), plutôt que ce qu'elle fait. J'ajoute enfin que je ne crois pas tant que cela à ce que des ténors du PS cherchent à la couler politiquement. Compte-tenu de ses attributs politiques et de son expérience, une candidature de Martine Aubry aux élections régionales dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie aurait fait grand sens et aurait sans doute permis de limiter les divisions à gauche. Telles que nous mesurerons les choses aujourd'hui dans cette région, il faudrait un miracle pour que la gauche l'emporte. Or si la gauche perd cette région emblématique, Martine Aubry ne pourra se dédouaner de toute responsabilité.
Quel est son poids et son influence auprès de la base électorale et auprès des militants du PS ?
Hervé Favre : Dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, son influence peut être remise en question. On a vu au moment de l'élection du nouveau premier secrétaire de la fédération du Nord, que son candidat et premier secrétaire sortant Gilles Pargneaux a été battu par Martine Filleul qui, elle, défendait plutôt les couleurs du courant traditionnel mauroyistes. Son influence est donc bien en recul. Elle a également perdu la communauté urbaine. Et elle n'a jamais été non plus très populaire dans le Pas-de-Calais.
Elle n'est pas seulement attaquée, on remarque qu'elle n'hésite pas exprimer vivement son désaccord avec le gouvernement dans la presse, est-ce que révèle quelque chose sur ses ambitions ?
Hervé Favre : Martine Aubry a quand même soixante-cinq ans maintenant, elle dit elle-même qu'elle n'a jamais été obsédée par la Présidence de la République, par le poste de Premier ministre. Elle n'était pas non plus obsédée par le poste de premier secrétaire du PS et pourtant elle a fini par le devenir... Mais elle reste très mystérieuse sur ses intentions. Je crois que le test pour savoir si elle a quelque chose derrière la tête, si elle va remonter au front contre le gouvernement, ça va être la discussion budgétaire. Au congrès du parti socialiste elle s'est ralliée à la motion majoritaire portée par Cambadélis, mais cela supposait quand même une réorientation notamment de la politique du gouvernement à destination des entreprises. Elle demandait d'avantage de redistribution, ça a été redis par son fidèle lieutenant Jean-Marc Germain. Donc on va voir comment ces gens se comportent pendant la discussion budgétaire, est-ce qu'ils vont remonter au front, est-ce qu'ils vont ranimer la fronde ? A ce moment on pourra peut-être penser à une nouvelle guerre ouverte Valls-Aubry.
Yves-Marie Cann : Effectivement, Martine Aubry n'hésite pas à exprimer publiquement ses doutes voire ses désaccords avec l'exécutif national ou, comme ce fut le cas récemment, suite aux propos d'Emmanuel Macron sur le temps de travail et le statut des fonctionnaires. Difficile toutefois de comprendre quelles sont aujourd'hui l'ambition et la stratégie de Martine Aubry. Certes, il y a les coups de griffe épisodiques au gouvernement et au Président de la République mais je rappelle qu'elle a refusé de prendre la tête des opposants à leur ligne politique lors du dernier congrès du Parti socialiste. Mis à part un éventuel rôle d'aiguillon ou de mauvaise conscience de gauche vis-à-vis de l'exécutif, difficile à ce jour de prêter d'autres ambitions à Martine Aubry.
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