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Oui, le refoulement de la colère peut conduire à l'auto-destruction et à la dépression
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" Il y a des colères qui sont saines"

Ne jamais exprimer sa désapprobation par peur de déplaire, perdre son sang-froid et le regretter aussitôt, trouver chaque jour cent raisons de râler... sont autant de modes d'expression inadaptés de la colère. Ron et Pat Potter-Efron ont fait le tour de cet état affectif aussi sain que malsain, selon les situations. Extraits de "Que dit votre colère ? " (2/2).

Ron et Pat  Potter-Efron

Ron et Pat Potter-Efron

Ron et Pat Potter-Efron sont psychothérapeutes dans le  Wisconsin. Ils se sont spécialisés dans la gestion de la colère et des addictions et sont les auteurs de nombreux livres publiés aux Etats-Unis sur ces problématiques.

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Ignorer votre colère vous coûte cher. C’est comme si vous aviez omis de boucher un gros trou dans le toit de votre maison. Vous l’aviez vu, mais vous étiez trop occupé pour le réparer. Or, même si vous évitez momentanément les intempéries, tôt ou tard il finira par pleuvoir, et vous aurez à payer les dégâts à l’intérieur de la maison.

De plus, la fuite sera toujours là quand éclatera le prochain orage.

La rançon du refoulement de la colère est élevée : vous n’obtenez pas ce que vous voulez, et vous risquez la maladie ou la dépression.[...]

Vous vous amputez d’une part de vous-même

La personne qui refoule sa colère a trouvé la solution idéale pour ne pas brandir le poing. Malheureusement, cette solution consiste à s’amputer les mains. Pour éviter de provoquer des remous, elle ne revendique rien. Elle ne peut rien changer à son avantage, puisqu’elle a renoncé à une grande part de son pouvoir. Résultat, elle n’a plus le choix qu’entre dépendre des autres et prendre la fuite.

Tout le monde éprouve de la colère. Nul n’est humain à part entière s’il n’en ressent pas. Lorsque vous évitez la colère, vous détruisez une part de vous-même. Vous n’êtes plus un être complet.

Mais une personne de ce type sait en général que quelque chose ne va pas. Elle n’est pas fière d’elle et se considère comme un « paillasson », une « chiffe molle », une « imbécile », un individu « codépendant » qui a perdu tout respect de lui-même. Mais elle voit rarement où le bât blesse. Si elle se résout à prendre des mesures, elle essaiera d’être encore plus gentille, toujours moins en colère.

C’est son style, c’est ainsi qu’elle règle ses problèmes dans la vie. S’il faut qu’elle s’ampute des deux mains pour éviter de montrer le poing, eh bien soit ! Et si cela ne suffit pas, il faudra peut-être en venir à se couper aussi les pieds pour s’empêcher de ruer dans les brancards.

Vous retournez votre colère contre vous

Thérèse était tellement furieuse contre Martin qu’elle était prête à lui sauter à la gorge. Au lieu de quoi, elle se gratta le bras jusqu’au sang.

Jeff ne s’en prend jamais à autrui. Mais pas un jour ne passe sans qu’il ne s’insulte à voix haute. « Je suis tellement bête ! », affirme-t-il à la cantonade, « Je suis un vrai raté ! » Et il en est sincèrement convaincu.

Ces deux personnes ont retourné contre elles-mêmes leur colère naturelle. Chaque fois qu’elles éprouvent de la colère envers quelqu’un, justement ou injustement, elles la redirigent contre elles, tel un boomerang qui revient frapper le lanceur.

Pourquoi se comportent-elles ainsi ? Parce qu’elles pensent qu’il est moins risqué de se blesser elles-mêmes que de blesser les autres. Elles préfèrent se taper dessus plutôt que de dire : « Je t’en veux. » Elles aiment mieux sacrifier leur dignité plutôt que de s’aliéner les autres.

À force d’éviter la colère, elles risquent de devenir masochistes, de se punir avec la colère qui était en fait destinée à quelqu’un d’autre.

Les risques physiques ou psychiques

Le refoulement systématique de la colère engendre chez certains des maladies physiques ou psychiques. La dépression les guette, non seulement parce que c’est une « colère retournée contre soi » (en fait, nous pensons que l’expression haine de soi résume mieux ce type de colère), mais surtout parce qu’ils sont envahis par le désespoir et l’impuissance.

En se privant des manifestations de colère, ils s’empêchent d’obtenir ce qu’ils veulent, ou de faire ce qu’ils doivent faire. Ce sont là des situations propices à la dépression : elle menace pratiquement tous ceux qui ont trop peur de la colère pour bien s’en servir.

Le refoulement de la colère crée aussi des maux de têtes, des ulcères, des désordres nerveux, des réactions allergiques et une foule d’autres maux, en partie psychosomatiques. Il pousse également à la boulimie, pour tenter d’étouffer les tumultes intérieurs ; à la boisson, pour essayer de les oublier ; ou aux dépenses excessives, dans l’espoir de s’acheter un peu de bonheur.

Vous explosez

La personne qui évite la colère fait tout ce qui est en son pouvoir pour échapper à cette émotion. Mais celle-ci la talonne, comme un gros chat qui la suivrait silencieusement, prêt à bondir.

Pour finir, le chat bondit, souvent sans prévenir. À un moment, la personne est tranquille dans son coin, ignorant sa colère comme d’habitude. L’instant d’après, c’est un tigre enragé qui se met à lancer des hurlements de dément : « Je n’en peux plus ! J’en ai par-dessus la tête, j’ai une telle rage que je pourrais tuer. » La colère finit par rompre les digues, et il faut payer pour toutes ces heures, ces jours, ces semaines et ces mois où elle a été refoulée au plus profond de l’être. Cette colère explose comme une furie : irrationnelle, excessive et dangereuse.

Après coup, c’est la culpabilité qui l’emporte : « Comment ai-je pu faire une scène pareille ? », se demande cette femme, elle si douce et si gentille. Comment a-t-elle pu jurer comme un charretier contre son mari et ses enfants ? Balancer les spaghettis contre le mur et le caniche par la fenêtre ? Annoncer qu’elle allait sur-le-champ faire sa valise et ne jamais revenir ? Et leur regard ! Elle se demande s’ils pourront un jour lui pardonner. Elle doute de pouvoir même se pardonner à elle-même.

Enfin, elle jure que cela ne se reproduira pas. Jamais. Elle ne remarque pas le chat, tapi à l’arrière-plan, prêt à bondir sur elle avec toute sa fureur contenue.

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Extrait de Que dit votre colère ? : Mésestime de soi, culpabilité, jalousie, besoin de contrôle...Eyrolles (8 mars 2012)

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