Réforme des retraites : LR face à deux mauvaises solutions, mais quelle issue de secours ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un montage de portraits du président des Républicains, Eric Ciotti, et de la Première ministre, Elisabeth Borne. La position du parti LR sur la réforme des retraites suscite des divisions.
Un montage de portraits du président des Républicains, Eric Ciotti, et de la Première ministre, Elisabeth Borne. La position du parti LR sur la réforme des retraites suscite des divisions.
©THOMAS COEX / AFP - EMMANUEL DUNAND / AFP

Division de la droite

Les élus Les Républicains sont divisés entre le soutien à un recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans et le refus d'apporter leur voix à un texte défendu par Emmanuel Macron.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Alors que la réforme des retraites ne fait que gagner en impopularité dans l’opinion, LR continue de se diviser sur l’attitude à tenir vis-à-vis de la réforme.  Dans la situation actuelle, continuer à soutenir cette réforme comme renoncer à le faire ne sont-elles pas deux solutions perdantes ?

Maxime Tandonnet : En effet, la droite LR est tombée dans un piège dont elle a beaucoup de mal à sortir. Elle a choisi une posture de sérieux et d’intérêt général pour soutenir le projet de réforme des retraites. Hélas, l’intérêt général n’a pas grand rapport avec tout cela.Lors de son précédent projet de réforme pendant l’hiver 2019-2020, le chef de l’Etat qualifiait « d’hypocrite » l’idée de relèvement de l’âge du départ à la retraite. La droite LR aurait pu au moins l’interroger sur ce revirement. La vérité est que cette réforme est politique et LR est tombé à deux reprises dans la chausse-trappe : M. Macron avait contribué à déstabiliser la candidature de Valérie Pécresse en s’appropriant le report de l’âge du départ à la retraite à 65 ans. Aujourd’hui en plaçant LR en porte-à-faux, il poursuit son œuvre de destruction de la droite LR. L’objectif final est de réduire la vie politique à un affrontement entre la macronie et le RN et la Nupes pour assurer le maintien au pouvoir de l’équipe actuelle au-delà de 2027. Ce pari est en passe d’être gagné, au moins sur le premier point.

Quels sont les risques dans l’une ou l’autre des situations ?

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Retraites : LR pris au piège d’un réduit sociologique ?

La droite LR est en situation délicate : en changeant de cap aujourd’hui elle s’exposerait au reproche de versatilité. Mais en maintenant son soutien au projet de réforme, elle commet un suicide politique.Du point de vue de la démocratie, il est inconcevable d’imposer au pays une réforme rejetée par 70 à 80% de l’opinion. A travers ce projet se joue l’affrontement entre la caste dirigeante qui se prétend détentrice de la vérité et l’immense majorité de la population. La droite LR a fait le choix de s’allier avec la majorité présidentielle contre le pays. Sa faute est d’autant plus évidente que la réforme proposée est manifestement bancale. Les économies qui en sont espérées sont une goutte d’eau au regard des déficits engendrés par la distribution de chèques sans provision du gouvernement (560 milliards d’aggravation de la dette publique en deux ans). La question des retraites ne peut être isolée du contexte économique général. En outre la règle des 64 ans (point le plus contesté du projet) est d’un intérêt financier contestable. L’âge moyen du premier emploi est à 22 ans et 5 mois selon l’INSEE. Dès lors que le nombre d’annuités exigible est de 43, les 64 ans sont largement atteints de fait sans qu’il soit besoin d’agiter le chiffon rouge. D’ailleurs, l’objectif qui consiste à faire cotiser au-delà des 43 années ceux qui ont travaillé avant 21 ans (les milieux populaires et professions manuelles), est de fait profondément injuste.

Face à ces deux mauvaises options, existe-t-il une troisième voie, ou une issue de secours pour éviter de se retrouver pris au piège ? Laquelle ?

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S’afficher en parti de gouvernement est-il encore un pari gagnant pour LR?

Dans l’immédiat, la moins mauvaise des solutions serait de refuser ce voter une réforme mal préparée et mal expliquée au pays. La France et les Français ne cessent de subir des crises dramatiques provoquées par leurs dirigeants politiques. Elle a enduré le séisme des Gilets Jaunes en 2018, puis le mouvement social de l’hiver 2019 et 2020 qui a paralysé le pays pendant deux mois – sans le moindre résultat. A cela s’ajoutent les traumatismes de la vague terroriste depuis 2012 et de la guerre d’Ukraine. Et ce sont toujours les mêmes qui sont victimes de l’instabilité sociale, les petits commerçants, artisans, les personnes en situation de précarité. Le pouvoir macroniste s’apprête à plonger la France dans une nouvelle catastrophe sociale. La droite LR pourrait s’en tirer en invitant le gouvernement à revoir sa copie. Elle pourrait s’appuyer sur les tribulations du pouvoir (déclarations sidérantes de tel ministre sur le fait que les femmes seront « un peu pénalisées ») pour changer sa position et déjouer le piège.Le pire n’est jamais certain…

Comment expliquer que LR se soit laissé enfermer dans cette situation ?

Cela s’explique par les ravages de la déconnexion. L’image des trois leaders de LR sortant de Matignon après avoir rencontré la première ministre fut accablante. Sans doute avaient-ils le sentiment de donner au pays un exemple de sens des responsabilités. Or, la démarche fut bien davantage perçue comme relevant de l’arrangement politicien. Et puis il faut dire que la droite LR a perdu ses repères. Elle ne sait plus vraiment qui elle est, ni ce qu’elle pense. Elle est hantée par le complexe du macronisme: il est celui qui a gagné deux fois les présidentielles pendant que LR faisait naufrage. Depuis 2017, l’histoire de LR, de défections en félonies et en reniements, est avant tout celle d’une glissade permanente vers la majorité présidentielle. L’actuelle réforme des retraites doit servir de trophée pour permettre au macronisme de se targuer de la qualité de réformiste ou « transformiste ». A l’heure du bilan, ce sera l’arbre qui cache la forêt de l’impuissance et du déclin dans tous les domaines. En apportant son soutien à ce projet emblématique, la droite LR poursuit son ralliement de fait.

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La droite LR peut-elle encore s’en sortir ?

La question est de savoir s’il est possible d’éviter que la vie politique française se réduise à la grande comédie stérile et sans issue d’une bataille entre une force centrale macroniste et deux courants protestataires, la Nupes à gauche et le RN à droite. Il faut espérer que dans les quatre années qui viennent, la droite se reconstitue sous la forme d’un nouveau mouvement, porté par des personnalités extérieures aux combinaisons actuelles. Elle devrait alors tenir un discours alliant l’audace et le respect intangible de la Nation, un discours populaire qui tendrait la main aux 56% d’abstentionnistes. Se placer à l’écoute de la population sur tous les plans pour réconcilier le pays avec la démocratie…c’est-à-dire, exactement le contraire de son attitude actuelle.

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