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Réforme des retraites : qui veut vraiment quoi au gouvernement et dans la majorité
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Désaccord

Réformer le système des retraites est historiquement un point d'achoppement dans le débat politique français. Tiraillé entre ses ailes gauche et social-démocrate, François Hollande va devoir composer avec une majorité et un gouvernement divisés sur la question.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : Alors que le gouvernement entre dans la dernière phase de l'élaboration de sa réforme des retraites, les avis ministériels restent partagés. Marisol Touraine, la ministre de la Santé, continue ainsi d'affirmer qu'une hausse de la CSG est "une option qui a sa cohérence", et ce en dépit de l'opposition de députés socialistes comme Jean-Marie Le Guen. Pensez vous que cette option soit préférable dans le contexte politique actuel ?

Thomas Guénolé : Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise mesure en soi. Lorsque vous choisissez entre des réformes possibles, vous choisissez en fait entre des combinaisons différentes d’avantages et d’inconvénients, et surtout, vous ne braquez pas les mêmes clientèles électorales. Une hausse de la CSG, à cet égard, provoquerait un mécontentement minime dans toute la population. Par comparaison, supprimer le rabais de 10% de l’impôt sur le revenu pour les retraités, cela provoquerait un mécontentement énorme uniquement chez les seniors. Bref, sur ce sujet comme sur les autres, réformer, c’est choisir quelles catégories seront mécontentes, et à quel point.

Michel Sapin considère de son côté que l'option CSG est à écarter en faveur d'un prolongement "de la durée de cotisation". Que faut-il en penser ?

Michel Sapin préfère donc mécontenter les 25-55 ans ayant un emploi, et davantage épargner les seniors. C’est surprenant, car une réforme au profit des personnes âgées et au détriment des plus jeunes est d’ordinaire plus cohérente pour un gouvernement de droite, dont le cœur électoral est du côté des plus de soixante ans.

Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, se veut plus prudent en plaidant pour des prélèvements obligatoires "aussi faibles que possible" pour éviter une surcharge fiscale. Une réforme a minima, qui permettrait de soulager l'économie, vous semble-t-elle plausible ?

Visiblement, le gouvernement va faire une réforme a minima, en cela qu’il va utiliser légèrement tous les leviers d’action disponibles, plutôt qu’utiliser massivement très peu de leviers. Il va donc mélanger un peu de hausse d’impôts, un peu d’allongement de la durée de cotisation, un peu de baisse des prestations, un peu de convergence public-privé, et ainsi de suite. C’est à se demander si le gouvernement a lu le sociologue Mancur Olson. Selon le paradoxe d’Olson, plus un groupe d’intérêts est minoritaire, plus il se mobilise facilement pour défendre ses intérêts. Mieux vaut donc, lors d’une réforme, cibler un mécontentement minime dans toute la population, plutôt qu’un mécontentement énorme dans certaines catégories qui risqueraient d’aller manifester.

Michèle Delaunay, en charge des personnes âgées, évoquait pour sa part un "rapprochement" (Le Point 10/06) des systèmes public et privé. Qu’en pensez-vous ?

Il faudrait que quelqu’un prévienne les communicants de Élysée : à un moment donné, la distribution des ballons d’essai aux différents ministres pour les tester dans les médias, cela finit par se voir.

Au-delà du gouvernement, plusieurs députés socialistes semblent désapprouver le projet dans son ensemble. Ainsi Christophe Caresche, député de Paris, regrettait un texte "mauvais" et "sans ambitions" (Le Monde 11/07). Il préconiserait de moins charger les entreprises et de s'intéresser aux avantages fiscaux dont bénéficient les retraités. Quel intérêt présente cette option ?

D’un strict point de vue factuel, sachant que le niveau de revenu des retraités et des actifs est aujourd’hui le même, il n’y a plus aucune justification à la « niche fiscale » de 10% dont les retraités bénéficient pour leur impôt sur le revenu. Le gouvernement n’a pas grand-chose à perdre à privilégier ce levier de réforme : les seniors votent déjà très majoritairement à droite, et les seniors qui votent à gauche, le plus souvent, ne payent pas l’impôt sur le revenu.

A lire, du même auteur :  "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?", Thomas Guénolé, (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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