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Récit d'un épileptique : "Aucune crise d’épilepsie ne ressemble à une autre"
©Pixabay

Bonnes feuilles

Alexandre Lafont est un super-héros du quotidien, un jeune homme toujours joyeux, décomplexé, youtubeur de talent, passionné de science et… épileptique. Sur YouTube, il se transforme en Epilepticman, un personnage qu’il a inventé, et qui part à la rencontre du public pour raconter avec beaucoup de tonus et de gaîté la vie quotidienne d’un épileptique. Extrait de "Je suis Epilepticman" d'Alexandre Lafont, publié chez Plon. (2/2)

Alexandre Lafont

Alexandre Lafont

Alexandre Lafont est un super-héros du quotidien, un jeune homme toujours joyeux, décomplexé, youtubeur de talent, passionné de science et... épileptique.

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Sur le chemin du retour, un vertige m’incline vers un mur, sur lequel je me râpe le haut du crâne. Je sens du bout des doigts une écorchure juste au-dessus de mon sourcil.

Du sang coule dans mon œil. Ma vision se brouille. Je fais encore quelques pas avant de tomber à quatre pattes. Je me relève péniblement et m’adosse au mur. Il est environ 22  h  30, je suis seul dans un coin isolé et malfamé, la tête en sang, déboussolé et à demi-conscient de ce qu’il se passe quand, d’un seul coup, mon corps entier se raidit. Je lève les yeux. La dernière chose dont je me souvienne, c’est le spectacle des étoiles sur la voûte du ciel.

Aucune crise d’épilepsie ne ressemble à une autre. Chacune constitue un événement unique et irréplicable. Je ne le sais pas encore, mais ce soir-là, je vais exécuter le double salto, la suite en si mineur, le feu d’artifice des épileptiques  : une double crise avec complications !

Gisant au sol, face contre la terre imbibée de sang, je me réveille. En voulant respirer, j’avale un peu de boue rougie. Pour éviter de me noyer dans mon sang, je dois passer mon bras gauche au-dessus de mon torse et rouler sur le sol, mais une immense douleur dans l’épaule m’en empêche. Je n’arrive à me déplacer que de quelques millimètres au prix d’un effort surhumain. Me voilà bien barré… Je reste ainsi quelques minutes, au terme desquelles je me retourne d’un seul coup. La souffrance me fait pous‑ ser un hurlement qui, à cette heure et en ce lieu, se perd dans le vide.

Trois heures plus tard, je suis toujours immobile sous la voie lactée. Je tente de me convaincre que si je ne trouve pas la force de me redresser et de mar‑ cher jusqu’à chez moi, c’est parce que ma volonté a abdiqué. Inconsciemment, je veux peut-être en finir ainsi, en compagnie des étoiles, plutôt qu’affronter une fois de plus les côtes fracturées, la mâchoire dis‑ loquée, la solitude et l’attente de la prochaine crise. Pour la première fois, j’ai l’impression de me trou‑ ver là où je dois être. Entre le sol et le ciel, je me sens miraculeusement en équilibre. Sous mon dos, le moelleux de la terre amollie. Au-dessus de moi, le vide et l’éternité.

Je regarde sur le côté. Un corbeau gît par terre. Peut-être un autre corbeau l’a-t‑il attaqué, peut-être un chat, peu importe pour lui, le courage de s’envo‑ ler ne lui est plus nécessaire. Il dort paisiblement. Il doit être minuit passé. L’horloge d’une église sonne. Un seul coup. La transpiration qui imbibe mes vête‑ ments me frigorifie.

Quelque chose de chaud se faufile sous mon dos. Le frottement serait presque agréable si je savais d’où il vient. Je lève un peu mon bras. Je glisse ma main sous mon dos, ce qui contribue à tendre mon épaule. Celle-ci craque. La douleur qui s’ensuit me fait presque perdre conscience. Ma vue se trouble. Ma tête heurte le sol. Ma blessure sur le front se remet à saigner, abondamment Génial ! Me voilà à présent le bras bloqué sous le dos, l’épaule disloquée, la tête ensanglantée. La source de chaleur que je cherchais à identifier est toujours là, et toujours mystérieuse.

Pour retrouver l’usage de mon bras, je tire d’un coup sec. De nouveau, un bruit de branche cassée. Et de nouveau, un hurlement à faire trembler la terre. Je me mets à pleurer. Mes mains tremblent comme si j’étais atteint de la maladie de Parkinson, ce qui complique mes mouvements.

En ramenant ma main de mon ventre vers mes yeux, je la découvre couverte de sang. Je suis donc aussi blessé à l’abdomen. Pourtant, je ne sens rien. Je dois avoir trop d’adrénaline dans le corps. Je suis seul comme un chien abandonné. Je tombe dans les pommes.

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"Je suis Epilepticman" d'Alexandre Lafont

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