Recensement : qui sont les Français qui choisissent où ils habitent et ceux qui le subissent ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants, dont 20% dans l’aire urbaine de Paris.
Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants, dont 20% dans l’aire urbaine de Paris.
©Reuters

La France qui boome, celle qui décline

Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants et quasiment toutes les grandes métropoles ont gagné en population. Focus sur ce qui se cache derrière la vitalité ou le déclin de certaines villes françaises.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants, dont 20% dans l’aire urbaine de Paris et 30% dans les 13 plus grandes aires urbaines de province. Comment expliquer concrètement l'attrait des métropoles et de la capitale auprès des populations et, notamment, des jeunes adultes ?

Laurent Chalard :Si quasiment toutes les grandes métropoles gagnent des habitants, par contre, cela ne signifie aucunement qu'elles sont toutes attractives. En effet, un certain nombre d'entre elles, à commencer par Paris, voient leur population progresser uniquement du fait d'un solde naturel très positif, c'est-à-dire d'un fort excédent des naissances sur les décès, qui fait plus que compenser le déficit migratoire conséquent. Il y a donc plus de personnes qui quittent ces métropoles que de personnes qui arrivent.

Elles sont attractives uniquement pour les étudiants (présence des universités) et les jeunes actifs (grâce à leur marché de l'emploi plus diversifié et plus dynamique), mais pas pour les autres classes d'âges. Cependant, se dégagent des métropoles disposant d'un solde migratoire positif comme Toulouse, Montpellier ou Bordeaux. Elles combinent développement économique (high-tech : aéronautique, aérospatiale, informatique, biotechnologies...) et cadre de vie jugé attractif. Ce sont les seules à mériter le terme "attractive".

Dans toutes ces grandes aires, les communes de la couronne périurbaine sont toujours plus dynamiques que l’agglomération elle-même. Cette tendance s'explique-t-elle uniquement par des raisons pécuniaires ? Peut-on dire que le centre-ville souffre de défauts inhérents à la centralité ?

Non, la périurbanisation est avant tout le produit de la recherche par les classes moyennes de la maison individuelle et de son jardin s'inscrivant dans l'optique d'un "retour vers la nature". C'est donc un choix qu'ont effectué ces populations, fuyant les villes-centres et leurs inconvénients (densité, promiscuité, pollution, logements exigus...).

Par contre, au fur-et-à-mesure du temps, les prix se sont envolés dans les périphéries proches et recherchées des grandes métropoles et donc les populations moins argentées ont dû s'éloigner de plus en plus de la ville-centre, ce qui fait que leur choix de localisation est devenu "subi", c'est que l'on appelle l'espace périurbain subi.

Des villes comme Rouen ou Lille ont une démographie moins dynamique que la moyenne nationale. A quoi ce phénomène est-il dû ?

Ces agglomérations sont moins dynamiques du fait de leur héritage industriel, type d'activité qui a fortement périclité en France depuis 30 ans. En conséquence, les destructions d'emplois ont été beaucoup plus fortes que dans les autres métropoles, entraînant des départs de population beaucoup plus importants, d'autant que la diversification de leur économie n'était pas assez importante au départ. Elles pâtissent aussi de l'image négative de leur région, respectivement la Haute-Normandie et le Nord-Pas-de-Calais, qui les rend peu attractives pour les autres Français et donc aussi pour les investisseurs.

Certaines grandes agglomérations du nord de la France ont eu tendance à perdre des habitants sur trente ans. C'est le cas de Valenciennes, Le Havre, Dunkerque ou encore Saint-Étienne. Ces villes pâtissent-elles des restructurations industrielles ? Et d'autre chose ?

Effectivement, ce sont les villes qui ont le plus souffert des restructurations industrielles, en particulier dans l'industrie lourde (sidérurgie, métallurgie, chantiers navals...), grande pourvoyeuse d'emplois.

Cependant, on notera la divergence de leurs trajectoires récentes : Valenciennes voit sa population se stabiliser depuis 1999 grâce à une politique de redressement économique particulièrement réussie (automobile, secteur ferroviaire avec le siège de l'agence ferroviaire européenne, logistique, mais aussi numérique avec projet d'un technopôle), alors que les autres continuent de décliner. C'était la plus mal partie dans les années 1980 et c'est aujourd'hui celle qui s'en sort le mieux parmi les villes déclinantes.

En quoi les répartitions géographiques déstabilisent les équilibres sociaux préexistants ? Comment se manifestent les tensions sociales qui découlent de ces nouvelles répartitions  géographiques ? Et politiques ?

La population bougeant, cela a bien évidemment des conséquences électorales. L'arrivée massive de retraités dans les zones balnéaires et dans certains espaces ruraux attractifs renforce leur ancrage à droite, puisque les retraités votent plus à droite que la moyenne. Parallèlement, le départ des "classes moyennes basses" des quartiers populaires des grandes métropoles vers "l'espace périurbain subi" conduit à un transfert d'électeurs frontistes vers ce dernier.

A l'opposé, la concentration des catégories intellectuelles, traditionnellement orientées à gauche, dans le centre des grandes métropoles, ainsi que des minorités au sens large (sexuelles, ethniques...) qui votent elles aussi plus à gauche, explique leur basculement progressif à gauche (Paris ou Lyon par exemple).

Propos recueillis par Marianne Murat

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