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Radioscopie des 36 entreprises 
en difficulté identifiées 
par Jean-Marc Ayrault
©

Audit

Le Premier ministre a annoncé avoir établi, avec le Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, la « liste des entreprises les plus en danger » qui seraient « environ 36 », partout en France. Des « personnes très compétentes » seront nommées pour « aider à trouver des solutions ».

Cyril Robin

Cyril Robin

Cyril Robin est économiste d’entreprise HES, employé par l’Etat de Vaud (Suisse) pour le financement des hôpitaux.

Il a travaillé jusqu’à récemment dans le domaine bancaire, où il a entre autres conseillé des entreprises internationales.

Il anime le blog www.economiste.ch/blog/.

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Premier cas, cité par le Premier ministre, le groupe Doux, leader européen de la volaille, 3400 employés, principalement situés en Bretagne. Diagnostic : « un problème de financement sérieux », une caractéristique qui, à en croire les propos de Jean-Marc Ayrault, serait commune à plusieurs entreprises listées. La stratégie proposée : faire pression sur les banques pour qu’elles rallongent les lignes de crédit et éviter le dépôt de bilan.

Une tentation aussi forte que classique. Mais peut-on s’attendre à ce que cette mesure soit efficace ? Dans les cas où l’entreprise n’a qu’un problème de trésorerie, oui. Dans ce cas, il est probable qu’elle trouve du financement sans avoir besoin d’un soutien étatique, car l’opération serait alors dans l’intérêt de la banque. Dans le cas du groupe Doux, faire pression sur les banques est inutile. Il s’agit d’un groupe surendetté qui a déposé le bilan cette semaine, apparemment sans consulter les parties prenantes qui travaillaient au sauvetage de l’entreprise. La banque Barclays, en première ligne, s’est dite déçue de l’abandon des discussions par le groupe. Ici, le sauvetage consistera probablement à convaincre les patrons de se défaire de certains pans de la société, notamment de sa filiale brésilienne.

En d’autre termes, le Premier ministre a peut-être trouvé ici un cas intéressant, dans l’optique des législatives en cours. Le gouvernement a en effet tout intérêt à multiplier les effets d’annonce pour donner l’impression qu’ils sont plus efficaces que l’équipe précédente, même si ce n’est pas réellement mesurable en si peu de temps.

Outre le groupe Doux, les entreprises figurant sur la liste des 36 ne sont pas connues. Cette dernière serait cependant reprise d’une version initiale de la CGT de 46 entreprises, représentant 45 000 emplois menacés, remise au Premier ministre par le syndicat.

Les cas présentés sont très variables, tant par le type d’entreprise que de la nature des difficultés. Cependant, comme le rôle de la CGT n’est pas d’œuvrer pour les entreprises, nombre de cas présentés ne concernent pas des difficultés de l’entreprise, mais celles des employés. Ainsi, y figurent nombre de restructurations, fermetures de sites et suppressions d’emplois qui, du point de vue de l’entreprise, ne sont pas la source du problème, mais une solution pour les résoudre. Il arrive de devoir sacrifier 100 emplois pour en sauver 1000.

Parmi les secteurs représentés, des banques. Premières victimes de la crise financière, elles doivent restructurer dans le cadre de l’évolution du cadre réglementaire. Hausse des fonds propres nécessaires à l’activité, séparation en discussion entre banques commerciales et banques d’investissement, positions dans des pays ou des secteurs économiques gravement touchés par la crise. Pourvues de la garantie dite « too big too fail », elles ne risquent rien. Elles n’ont donc certainement pas été reprises dans la liste gouvernementale.

Autres secteurs très touchés, le tourisme et les transports. On y retrouve ainsi la compagnie de ferries SNCM et Air France, dont 5 000 emplois seraient menacés. Ou la filiale de la SNCF spécialisée dans le ferroutage Novatrans. A noter que l’Etat détient – directement ou indirectement – une part de chacune de ces entreprises. TUI France (Nouvelles Frontières) est également citée pour un plan social de 484 salariés. Ces secteurs sont certes tributaires de la conjoncture, car tant les besoins en transports que les voyages d’agrément diminuent en temps de crise. Néanmoins, la stratégie d’entreprise devrait peut-être être revue, afin de devenir plus attractive pour ses clients tout en diminuant ses couts.

Le secteur automobile, dont la France est le berceau est naturellement très touché par la crise, avec beaucoup d’emplois en jeu. On y retrouve les principaux noms français et internationaux, tels que Renault et PSA ou IVECO, Goodyear et Honeywell, mais aussi nombre d’entreprises et sous-traitants moins connus.Les motifs des difficultés sont très variés : mise en vente, recherche de repreneur, délocalisation, fermeture de site ou mise en liquidation judiciaire. Les deux premiers cas ne relèvent pas de l’Etat qui doit se contenter de mettre en place des conditions cadres adéquates pour que la transmission se fasse dans de bonnes conditions. Les délocalisations ou fermetures de sites relèvent de la liberté d’entreprendre. Là, le gouvernement pourrait proposer des allégements fiscaux ou autres mesures d’accompagnement. Lorsque la fermeture est inéluctable ou dans les cas de faillite, l’action de l’Etat pourrait être de soutenir la reprise de l’usine par les employés. Ou une solution du type de l’usine de lingerie Lejaby à Yssingeaux qui a été reconvertie dans la production de maroquinerie pour Louis Vuitton.

Outre Honeywell, plusieurs multinationales figurent sur la liste, comme HP, Siemens, Rio Tinto ou Merck Serono. Ces entités n’ont pas de frontières. Elles s’établissent ainsi à l’endroit qu’elles jugent le plus attractif et regroupent parfois plusieurs sites sur une première implantation. Au niveau de ces entreprises, tout est en place : constructions, modernisation, déménagements, plans sociaux. Le rôle de l’Etat est là de leur proposer des conditions attractives, en termes de travailleurs qualifiés, conditions fiscales, etc. Ceci afin d’éviter de les voir choisir une région concurrente.

Pour résumer, chaque cas est différent et suscitera une stratégie propre, comme l’a souligné le Premier ministre. Dans certains cas, la seule action possible sera de ralentir la chute de l’entreprise, car la mort fait aussi partie de leur cycle de vie. Mais il s’agit là – heureusement – d’une minorité.

Liste CGT des entreprises menacées :

http://www.cgt.fr/La-CGT-publie-la-liste-des-emplois.html

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