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Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections législatives le 30 juin et le 7 juillet prochain
Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections législatives le 30 juin et le 7 juillet prochain
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Dissolution

Alors que Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections législatives le 30 juin et le 7 juillet prochain, à quelle dynamique électorale faut-il s'attendre ?

Stewart Chau

Stewart Chau

Stewart Chau est Directeur d’études chez Verian.

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Atlantico : Quels sont les principaux comportements électoraux observés parmi les différentes catégories démographiques et comment ces comportements pourraient-ils évoluer dans le contexte des élections législatives à venir ?

Stewart Chau : Pour analyser les comportements électoraux parmi les différentes catégories démographiques et comment ces comportements pourraient évoluer pour les prochaines élections législatives, on peut observer plusieurs tendances.

Premièrement, l'abstention reste un facteur clé. Bien que le taux de participation ait augmenté entre 2019 et 2024, avec une participation plus élevée aux élections européennes qu'aux législatives de 2022, près de la moitié des électeurs se sont abstenus, soit 48,5 %. Cette abstention concerne des profils très diversifiés, incluant des jeunes (moins d'un sur deux a voté), des personnes moins âgées, des diplômés et des habitants des grandes villes. Cela montre une diversification des abstentionnistes au-delà des classes moins favorisées.

Deuxièmement, le vote pour le Rassemblement National (RN) montre une évolution significative. Le RN capte des voix de manière plus large et diversifiée, englobant toutes les classes sociales et démographiques. Les jeunes, les générations intermédiaires (35-55 ans) et même les électeurs plus âgés, traditionnellement moins enclins à voter pour le RN, montrent un soutien croissant pour ce parti. Cela indique que l'électorat du RN devient de plus en plus composite et étendu.

Ces observations suggèrent que pour les prochaines législatives, il sera crucial de surveiller l'évolution de la participation électorale et la manière dont les divers segments de la population se mobilisent ou s'abstiennent. Le comportement électoral pourrait continuer à se diversifier, affectant potentiellement les résultats électoraux de manière significative.

Quels facteurs ont contribué à la forte performance du RN aux dernières élections, et comment cette dynamique peut-elle influencer les prochaines élections législatives, notamment en ce qui concerne les régions où le parti est en tête ?

Sur le plan territorial, plus de 90 % des communes ont placé le Rassemblement National (RN) en tête. Ce résultat montre que le clivage traditionnel entre les grands centres urbains et les zones périphériques et rurales s'atténue dans le vote pour le RN. Le contraste est particulièrement marqué entre Paris et le reste de la France, où les résultats sont différents. À Paris et dans son agglomération, les scores de Renaissance, du PS et des écologistes sont plus élevés que dans le reste du pays. Toutefois, dans les grandes villes, le RN a également recueilli un soutien massif, ce qui est inédit.

Un autre facteur de la performance du RN est sa capacité à lier les enjeux nationaux aux élections européennes. Jordan Bardella a réussi à faire comprendre que les préoccupations quotidiennes des Français, telles que le pouvoir d'achat, la sécurité et l'immigration, avaient une dimension européenne. Cela a permis à l'élection de devenir une caisse de résonance pour un mécontentement général. Cependant, M.Bardella a peu proposé de solutions européennes, se concentrant plutôt sur les manquements perçus de l'Union européenne concernant ces enjeux.

Qu'est-ce que ces résultats annoncent pour les législatives et à quoi s'attendre par rapport à ces comportements et ce qui pourrait évoluer ? 

Pour les législatives, plusieurs points sont à considérer.

Tout d'abord, il y a eu une forte mobilisation de l'électorat national, propulsant le RN en tête. Cependant, il serait prématuré de conclure que les résultats des législatives sont déjà joués pour plusieurs raisons.

- Premièrement, les enquêtes de Vérian montrent une acceptation croissante des idées du RN, et une majorité de Français estime que le RN pourrait participer au gouvernement sans représenter un danger pour la démocratie. Cependant, seule une minorité pense que le RN ferait mieux que le gouvernement actuel, ce qui tempère les attentes d'un succès massif pour le RN. Il n’y a peut-être pas non plus une forte désirabilité et aspiration de la part d’une majorité de l’opinion publique qui souhaite arrivé au sommet de l’Etat le RN.

- Deuxièmement, les élections européennes diffèrent des législatives en termes de mode de scrutin et de conséquences perçues. Les législatives, avec leur scrutin à deux tours, impliquent une prise de décision plus directe pour l'Assemblée nationale, ce qui pourrait influencer le vote différemment.

- Troisièmement, l'abstention reste élevée, avec une large part de l'électorat modéré (du centre-gauche au centre-droit) qui ne s'est pas mobilisée. Une grande partie des électeurs de Marine Le Pen s'est mobilisée, plus de 80% d’eux ont voté Jordan Bardella, mais ce n'est pas le cas pour ceux d'Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse. La participation de cet électorat modéré pourrait être déterminante pour les résultats des législatives.

Il y a également une augmentation légèrement plus élevé pour les électeurs de Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, la réserve de voix réside principalement chez cet électorat modéré qui ne s'est pas encore exprimé et qui, je l'espère, participera également au débat.

Comment l'abstention a-t-elle affecté les résultats électoraux du RN, et quelles stratégies les autres partis pourraient-ils adopter pour mobiliser les électeurs abstentionnistes et contrer l'influence croissante du RN ?

Tout d’abord, l'abstention a effectivement affecté le résultat du RN, peut-être parce qu'elle a finalement permis, encore une fois, que le vote se fasse et se calcule en pourcentage sur les suffrages exprimés, et non sur le nombre d'inscrits.

La mobilisation de votre électorat est évidemment primordiale surtout pour les partis "modérés". Une assiette électorale réduite avec moins de votants favorise les partis extrêms dont le RN. 

Mais comment les différents partis peuvent-ils se mobiliser ? Cela a affecté le RN car la mobilisation du corps électoral de certains partis n'a pas vraiment eu lieu. Pour la gauche, il est nécessaire de démontrer, dans les trois semaines à venir, un discours prouvant une alternative crédible au gouvernement actuel et à l'extrême droite du RN.

Ce qui manque à la gauche, ce n'est pas tant l'électorat que l'alternative légitime. L'hégémonie de LFI sur la gauche durant le début du 2nd quinquennat Macron n'a pas suffi et a même été contre-productive pour la mobilisation de l'électorat de gauche. Il s'agit donc de proposer un projet alternatif crédible et de former des coalitions efficaces. Certaines factions de la gauche ne sont pas réconciliables sur des sujets majeurs comme la géopolitique ou la politique sociale et économique, nécessitant des accords entre les partis de la coalition.

Pour la majorité présidentielle, il est crucial de démontrer la diversité des choix disponibles, et d'inciter les électeurs à faire le bon. Il faudra voir si la perspective d'une cohabitation avec le RN séduit une majorité de Français.

Pour les Républicains (LR), la difficulté réside dans la définition de leur place dans un paysage politique morcelé. Avec seulement 7 % aux élections européennes et peu de succès aux législatives, ils doivent prôner l'autonomie et l'indépendance tout en cherchant à peser intelligemment. Une coalition avec l'extrême droite semble improbable, et il leur faut réinventer une nouvelle raison d'être. Trois semaines, c'est court, mais c'est peut-être le moment de travailler à cela.

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