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L'Europe serait-elle prête à laisser mourir sa monnaie ?
L'Europe serait-elle prête à laisser mourir sa monnaie ?
©Reuters

Maladie de langueur

L’Euro ne serait-il pas menacé par un tout autre danger que des tentatives de meurtres ou d’attentats ? Serait-il malade ? Une dépression ? Pire encore, ne serait-il pas victime d’une panne de la volonté européenne. Deuxième et dernière partie de notre série consacrée aux responsables de la crise de l’Euro.

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau est l'ancien patron du marketing chez Citibank, ancien Directeur général des groupes Crédit Lyonnais et HSBC.

Il a notamment publié La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance, paru aux éditions Jacques Flament en 2011.  Il publie également "Au pays de l'eau et des dieux"

Il tient également un blog évoquant les questions économiques et financières.

 

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L’Euro est une monnaie, mais c’est aussi, et surtout, un acte politique. Il n’est pas né de quelques amours clandestines, fruit détesté d’un accouplement sans lendemain. Comment peut-on passer du désir le plus opiniâtre, car il en a fallu des discussions pour que l’Euro émerge enfin, à la contemption dédaigneuse. Quels ressorts pour cet éclatement de l’Europe ?

Tuer l'Euro ou le laisser mourir ?

Psychologiquement, on pourrait imaginer qu’une partie de l’Allemagne n’est plus du tout sensible aux charmes de l’Europe : les Allemands de l’Est n’ont-ils pas payé de leurs jobs, de leurs « avantages » socialistes tous les charmes qu’ils prêtaient à la réunification ? Sont-ils, eux, vraiment motivés par le sauvetage de tous ces Grecs, Portugais et autres qui ont passé leur temps à rigoler ?

La Finlande ne peut pas oublier qu’elle a dû racheter son indépendance aux soviétiques : se serrer la ceinture, c’est une seconde nature si on veut survivre. Ce ressort-là, s’apparente à celui du « localisme » version mineure de la tentation antimondialisation.  Les riches, qui, c’est bien connu, ont toujours souffert pour le devenir, se retirent des circuits de financement : ils n’ont plus envie de payer pour tout le monde. Les cris, « Catalogne aux catalans », « Ligue du nord contre Mezzogiorno », « dehors les Wallons », répondent aux imprécations des Finlandais contre les gens du sud, des Néerlandais contre les paresseux de Grèce et d’autres lieux.

Tuer l’Euro ? Même par intérêt, ce n’est pas sans danger… Mais le laisser mourir ?

La bataille de l’Euro dure. Ce qui dure fatigue, ennuie et use. Ne dit-on pas « céder de guerre lasse ». On la sent venir cette érosion de l’enthousiasme ! Un peu partout dans tous les partis. L’idée… En fait, il n’y a pas d’idée. Il y a seulement « si personne n’en veut.. », il y a simplement que la course en avant pour défendre les grandes idées devient vite risible, si, quand on se retourne, on s’aperçoit qu’on est tout seul à caracoler. C’est vrai en Europe, et cela le devient en France.

Y-a-t-il encore des hérauts pour l'Euro ? 

Ce sont les oppositions qui doivent avoir des idées novatrices sur la question de l’Euro… la droite, ses élus, en tout cas, se demandent par instant si ce combat est vraiment le leur et si, à la longue, on ne finira pas par lui rire au nez, par lui dire que « les gens qui nettoient les écuries sentent toujours mauvais », et que « ce n’est pas parce que les écuries sont grecques que cela change quelque chose ». Il n’y aurait pour elle que des coups à prendre et pas beaucoup d’initiatives possibles ?

Mais on perçoit aussi que cette histoire d’Euro, de dettes souveraines, de "triple A" ne donne pas des ailes à l’imagination des partis de gauche. Bien sûr, il y a quelques effets de manche : « non à la règle d’or », version réflexe de l’« anti-bling bling » anti « grosse gourmette et montre à complication ». Dire « non à l’or » et surtout à ses « règles », cela paye toujours vis-à-vis du peuple de gauche. La « règle » en question ressemble plutôt à une paire de menottes qu’on se passe. Des menottes dorées, c’est encore pire. Cela revient à dire qu’on ne pourra plus rien faire pendant des décennies. Ou alors qu’il faudra augmenter les impôts… Et pas seulement ceux des riches. Ou alors qu’il faudra couper dans le vaste système de redistribution à la française… Celui auquel les Grecs font appel en en exhortant à la conscience européenne. Celui dont les Finlandais, les Néerlandais et quelques Allemands ne veulent pas entendre parler.

Justement ! N’est-il pas là le problème de l’Euro, vu des partis politiques français ? L’Euro, qui devait être un ciment et porter haut les réalisations de l’Europe, est devenu un chewing-gum qui colle à leurs chaussures. L’Euro n’est-il pas un frein à la créativité budgétaire, une atteinte à la souveraineté nationale et donc à la volonté politique libre et indépendante de conduire les Français vers le bonheur ? N’est-il pas comme l’expliquent de nombreux économistes « localistes », Jean-Jacques Rosa en tête, un pur produit des machinations du grand capital industriel et pire encore, du grand capital financier ? Une expropriation des pouvoirs français, sans indemnisation. 

C’est que l’Euro, c’est de l’inflation qu’on ne peut plus injecter pour alléger les dettes et tondre les rentiers ; c’est de la dévaluation qu’on ne peut plus pratiquer pour tondre les importateurs et alléger le fardeau des coûts sociaux vis-à-vis de l’extérieur ; c’est une exception dont on ne peut plus se vanter, et qui permettait à la France de dire à tout le monde qu’il valait mieux faire comme elle fait, parce qu’elle fait tout bien…

La France dit-on, c’est une chanson ? « Je suis faite comme ça… est-ce ma faute à moi »,  proclame Martine Aubry : "Si la zone euro n'est pas capable de défendre un pays comme la Grèce, qui pourtant fait des efforts, il n'y a plus de solidarité. Si trois, quatre pays dont l'Italie se trouvent attaqués, c'est l'euro qui n'existe plus". Qu’on ne vienne pas accuser les socialistes ! Ce ne sera pas de leur faute si l’Euro chute. Qu’on ne compte pas sur les socialistes pour faire subir aux Français le sort que le FMI et la BCE ont infligé aux Grecs… Alors, si l’austérité paraît trop dure aux socialistes et aux Français… qu’en sera-t-il de la défense française de l’Euro en cas de victoire socialiste aux élections présidentielles ?

Les grandes idées sont-elles devenues trop lourdes ?

La « monnaie commune » passe de plus en plus pour un moyen de mutualisation des richesses de pays membres. Certains n’hésitent pas à laisser penser qu’entre l’Euro et le Rouble, le sujet est le même : intégrer de force et laisser un communisme des États s’installer au bénéfice des feignants et des nonchalants.

Dans les pays riches, les donneurs de leçon en panne démographique arrivent au pouvoir rentiers et retraités. Ceux-là voudraient bien se retirer sur un "Aventin" financier, et comme ils ne peuvent quand même pas tous émigrer en Suisse, ils s’en prennent à l’Euro qui leur parait beaucoup trop universel et trop peu efficace pour défendre la valeur des leurs actifs.

Les socialistes français, s’ils étaient au pouvoir, ne prendront pas les Européens en traître : François Hollande ira voir Angela Merkel, pour lui parler… Ce ne sera pas une rencontre comme à Canossa, ni pour aller poser une supplique comme les "Bourgeois de Calais". S'il va voir Angela, ce sera pour lui faire comprendre qu’il est préférable de voler de concert, et que la France veut bien défendre l’Euro… Mais que pour autant, avec l’Euro qui se dissout dans la nature, il n’y a pas « mort d’hommes… ». Ce ne serait qu’une grande idée qu’on essaierait de ranger sous le tapis ! Une idée qui dérange !

L’Euro n'est pas un effet, c'est une action politique

Dans cet instant, où tous les couteaux se lèvent, où tous les bûchers sont mis en feu, ne faut-il pas répéter que l’Euro n’est pas simplement un instrument monétaire. Il est devenu un symbole et un instrument de la politique pure au service d’une idée : la construction d’une Union Européenne forte au service d’une idée de l’ "Homme et de son Bonheur".

Les sociétés « n'arrivent pas par hasard ». Elles sont le produit de la volonté humaine. La déliquescence et la dissolution des grandes ambitions ne sont que des refus de vouloir... La question de l’Euro est là toute entière : c’est un point critique d’une grande volonté politique. La construction d’un ensemble politique exceptionnel par des moyens pacifiques et démocratiques.

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