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Le combat de Mario Draghi continue.
Le combat de Mario Draghi continue.
©Reuters

Tensions

Rien ne va plus. Une semaine avant la réunion de la Banque centrale européenne, et la probable mise en place d’un plan de relance européen, les différents acteurs sont en train de s’écharper. Entre une Allemagne de plus en plus intransigeante et un Mario Draghi déterminé, la tension devient chaque jour un peu plus forte.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 22 janvier prochain, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne se réunira dans une ambiance de haute tension. Puisque la zone euro est techniquement en situation de déflation en ce début d’année 2015, alors que le mandat de l’autorité monétaire consiste à afficher un niveau d’inflation inférieur mais proche de 2%, il apparaît que la BCE, elle aussi, ne respecte pas les sacro saintes règles européennes. Il va donc falloir réagir, et vite.

C’est ici que la notion de "QE" prend tout son sens. Cet acronyme signifie "quantitative easing", ou , en français, assouplissement quantitatif. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de la planche à billets. Et pour être plus précis : afin de lutter contre la déflation la Banque centrale européenne projette tout simplement de "créer" des euros. Mais pour que ces euros soient mis en circulation au sein de l’économie européenne, il faut bien acheter quelque chose. On ne peut pas "donner" cet argent nouvellement créé, la BCE va donc procéder à l’achat de de dette souveraine afin de mettre cet argent en circulation. Aussi simple que cela puisse paraître, l’augmentation de la quantité de monnaie au sein de l’économie européenne permettra une progression de la demande au sein du continent, c’est-à-dire une plus forte croissance ainsi qu’une plus forte inflation.

Mais cette perspective est une forte source de tension. Entre une Allemagne qui freine des quatre fers en raison de sa tradition économique et d’autres pays, notamment ceux du sud, qui sont proches de l’explosion économique, les intérêts sont fortement divergents. C’est ainsi que Mario Draghi déclarait au journal allemand Die Zeit, dans une interview publiée ce jeudi 15 janvier, que "L’Allemagne doit comprendre que mon mandat concerne 19 pays". En d’autres termes, le président de la BCE met clairement les pieds dans le plat concernant l’égoïsme allemand, qui, au cours des derniers jours, était devenu caricatural.

En effet, Hans Werner Sinn, économiste le plus influent du pays, déclarait quelques jours auparavant que la déflation n’était qu’un prétexte pour aider les pays du sud. En filigrane, pour Sinn, Mario Draghi n’intervient que pour soutenir les fainéants du sud de l’Europe, ce qui est moralement condamnable via à vis de «l’honnête travailleur allemand ». Mais en réalité, ce que propose de réaliser le Président de la BCE n’est rien d’autre qu’une politique monétaire équilibréeau sein de la zone euro. Une politique monétaire dont le bénéficiaire exclusif ne serait plus l’Allemagne. Ce qui est,  en réalité, une véritable nouveauté au sein de la zone euro.

Comme cela n’était pas suffisant du point de vue des déclarations politiques, les juristes sont venus mettre leur grain de sel dans la discussion qui oppose l’Allemagne et la BCE. En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne se doit de répondre aux interrogations du juge constitutionnel allemand concernant le plan appelé OMT (Outrightmonetary transactions) mis en place le 6 septembre 2012 par la BCE. (Plan qui avait d’ailleurs permis le sauvetage de la zone euro puisqu’il indiquait que la BCE pouvait intervenir massivement pour sauver un pays en difficulté). En guise d’apéritif à la décision finale, l’avocat général auprès de la CJUE a donc pu, en ce mercredi 14 janvier, validé le dit plan, et laisse ainsi la porte ouverte au plan d’assouplissement quantitatif prévu pour le 22 janvier prochain. En effet, si le plan OMT avait été invalidé, l’avenir du plan d’assouplissement quantitatif aurait été largement compromis. Et cette décision a pu rassurer les marchés financiers.

Mais les juges allemands n’en ont pas encore fini avec la BCE, car ces derniers pourraient prendre la Cour de Justice de l’Union Européenne au mot, et considérer que la loi fondamentale allemande est violée, et ainsi interdire la Bundesbank de participer au programme. Ce qui, très clairement, signifierait le début de la fin de la monnaie unique.

La dureté du combat entre un Mario Draghi qui ne lâche rien, et une Allemagne intransigeante sur les questions monétaires est inédite au sein de la zone euro. Jamais les tensions sur ces questions monétaires n’auront été aussi vives. Et pourtant, le comportement allemand est devenu si dogmatique que la moindre concession semble être un exploit.

La problématique réelle est que pour que la zone euro puisse réellement repartir sur de saines bases économiques, ces petites concessions ne seront pas suffisantes. Pour être efficace, la politique monétaire européenne se devra de violer totalement la pensée conservatrice allemande sur ce sujet. Ceci pour imiter le grand voisin américain, qui a pu faire preuve de pragmatisme avant d’en arriver à un niveau de chômage de 5.6% et une croissance de 5% au troisième trimestre 2014. Des résultats qui ont été rendus possibles par la mise en place d’un plan d’assouplissement quantitatif de très grande ampleur. Plan que l’Europe se doit d’imiter, aussi bien dans son fonctionnement que de par son ampleur. Le combat de Mario Draghi continue, il le fait aujourd’hui avec panache. Mais il n’est pas du tout acquis que la bataille soit gagnée.

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