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Quand des scientifiques piratent leur propre ADN pour accélérer la recherche
©wikipédia

Création de l'homme bionique

Afin d'accélérer les recherches sur l'ADN - difficiles à mener - , le professeur Brian Hanley n'a pas hésité à s'injecter un fragment d'ADN, souhaitant ainsi ouvrir de nouvelles pistes aux scientifiques.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Les contraintes d'expérience sur l'ADN sont nombreuses (coûts, personnel qualifié, équipements spécifiques, etc.). C'est pour cela que Brian Hanley, un microbiologiste américain qui travaille sur l'ADN, a choisi de faire un essai de thérapie de gènes. Il s'est fait inoculer des cellules d'ADN dans la cuisse. Quelles sont les finalités de cette expérimentation ? A quoi pourrait servir cette injection de fragments d'ADN sur des êtres humains ?  

Laurent Alexandre :Brian Hanley est le fondateur de Buterfly Sciences, une société qui veut démocratiser les thérapies géniques. Il pense que les contraintes réglementaires sont trop lourdes, ce qui freine la science biomédicale.

Il promeut donc le bricolage génétique sans contrôle bioéthique, ni règlementaire. C’est le DIY (Do-it-yourself) appliqué à la génétique. Cette revendication consistant à contourner les lourdeurs bureaucratiques monte aux Etats-Unis : l’administration Trump est en train de nommer des anti-règlementations à la tête de la FDA, qui est l’organe de contrôle des médicaments aux Etats-Unis.

Hanley veut prouver qu’il est possible facilement de faire rentrer de l’ADN dans des cellules adultes. Chez lui, l’ADN a été injecté dans les muscles de la cuisse en association avec des courants destinés à favoriser la pénétration de l’ADN dans les cellules. La modification génétique vise à faire produire de nouvelles protéines aux cellules musculaires.

Le chercheur a déclaré qu'en faisant cela, il a voulu donner un coup d'accélérateur à la recherche sur les cellules et l'ADN. Mais quel pourrait être le champ d'application de ces travaux ? Quelles seraient les maladies qui pourraient être traitées ? Dans un article de la MIT Technology Review, il est évoqué la possibilité de repousser les effets de la vieillesse des cellules sur le corps et de vivre plus longtemps. Cet objectif est-il réalisable à l'avenir ? 

Si cette technique marchait, cela permettrait de modifier l’ADN des cellules pour, par exemple, corriger des maladies génétiques comme la myopathie. Mais attention, cela fait des années qu’on essaie et je doute que de telles solutions amateures marchent.

Quand à augmenter son espérance de vie avec de telles techniques, on est plus proche de Rika Zarai que de la médecine moderne. Il y a encore besoin d’énormément de recherche fondamentale avant de comprendre le vieillissement humain et de mettre au point des thérapeutiques le combattant.

Quels sont les dangers d'une telle expérience pour la santé ? Pourra-t-elle se généraliser dans un futur plus ou moins proche, de telle sorte que nous pourrions nous faire administrer des cellules nouvelles ou ayant appartenu à quelqu'un d'autre  ? 

On nage en plein délire. La thérapie génique sauvage sans validation éthique, ni médicale, est débile et pourrait être médicalement catastrophique. Toute modification génétique peut entrainer un cancer !

On ne peut oas accepter la responsabilité d’une "épidémie de cancer" due à une diffusion trop précoce de telles thérapeutiques. Les effets d’annonce doivent plus que jamais être évités : une technique prometteuse ne devient réalité qu’après un long processus de validation.

Par ailleurs, il faut pouvoir garantir qu’elles ne généreront pas de cancer pendant de nombreuses décennies. La diffusion de ce type de thérapeutiques exigera une ingénierie des génomes extrêmement subtile, bien loin des bricolages de Hanley.

La plupart des acteurs de ce marché ne survivront pas à l’inévitable renforcement des exigences de sécurité. Ce secteur s’éloigne ainsi du monde des start-ups, mal armées pour financer des développements plus complexes que prévu. Les sommes en jeu, les complexités réglementaires sont plus à la portée de géants que de PME.

La tension entre les exigences de sécurité et les attentes des patients va être énorme. Les parents d’enfants atteints de rétinopathie, de myopathie, de neuropathie dégénérative ne comprendront pas les retards de diffusion de la médecine régénérative, fût-ce au nom de légitimes exigences de sécurité. Déjà, un marché noir de cellules souches et de thérapies géniques se développe sur Internet.

Il va devenir essentiel de protéger les familles contre les charlatans qui vont pulluler, en faisant admettre aux patients que la révolution génomique est pour 2030, et non pour 2017.

Un conseil aux geeks : ne jouez pas aux cons en expérimentant des thérapeutiques potentiellement très dangereuses. Attendez que la science officielle valide !

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