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Quand Najat Vallaud-Belkacem utilise l'accusation de fake news comme un écran de fumée pour masquer la philosophie de son action à l'Education nationale
©Reuters

Sur un plateau

L'escarmouche entre Vanessa Burgraff et Najat Vallaud-Belkacem sur le plateau d'ONPC a été l'occasion pour la journaliste d'offrir à la Ministre une façon inespérée de défendre son bilan. Elle peut maintenant jouer à la victime alors qu'on aurait pu lui reprocher bien des choses dans son action ministérielle...

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : La réforme de l'orthographe a été décidée en 1990 mais le ministère de l'Education nationale aurait pu choisir de ne pas la mettre en œuvre ou de revenir dessus, cela n'a pas été le cas. Au-delà de l'évidente faute de la chroniqueuse, n'y a-t-il pas aussi eu une certaine mauvaise foi de la part de Mme Vallaud-Belkacem ?

Jean-Paul Brighelli Les manuels scolaires répandant la bonne parole de la réforme générale (premier et second cycles) de Mme Vallaud-Belkacem ont été menacés de boycott par le ministère s'ils n'appliquaient pas à la lettre cette réforme — ce qu'ils ont fait avec un zèle exemplaire… Bien sûr que le ministre a appuyé la mise en place de la réforme orthographique, qui participait de la même veine que sa réforme globale : obliger les enseignants à des changements définitifs, avec impossibilité de revenir en arrière. Oui, le ministre (et non "la" ministre comme disent les lèche-bottes et les ignorants) a souhaité laisser une trace indélébile de son passage rue de Grenelle !

Quant à Mme Burgraff… J'aurais aimé que les journalistes fussent tous aussi insolents — avec plus de perspicacité, toutefois — à l'époque où Mme Vallaud-Belkacem était ministre. Ils tirent à présent sur une ambulance en panne — c'est très courageux. Et tant qu'à faire, ils pourraient bosser un peu avant de se lancer dans une interview agressive. Mme Vallaud-Belkacem n'a jamais accepté, trois ans durant, d'être confrontée à un vrai spécialiste des questions scolaires, et a exigé systématiquement d'être seule interviewée. Elle n'a plus le pouvoir d'y prétendre, mais on ne l'a pas encore confrontée à quelqu'un capable d'autopsier en détail son action. Dommage, il est trop tard, et quand elle aura été battu à Villeurbanne, elle ne sera plus qu'une note de bas de page dans l'histoire des cataclysmes qui ont frappé l'Education depuis trente ans.

La philosophie développée par Najat Vallaud-Belkacem en tant que ministre de l'Education nationale n'est-elle pas la continuité logique de cette réforme ?

Le maître-mot des réformes de Mme Vallaud-Belkacem, c'est à la fois l'égalitarisme (descendons le niveau, tout le monde sera content) et les économies budgétaires. La réforme de l'orthographe correspondait au premier champ. Mais la réforme du collège, globalement, correspond au second. Les deux sont en interaction. Moins on en donne aux élèves, moins on est en mesure de leur en réclamer. Non seulement l'orthographe d'usage a été réformée, mais on a appris par diverses instructions sur le terrain qu'il était désormais possible aux élèves de négocier l'orthographe grammaticale, et qu'écrire "il les plantes" portait la marque du sentiment du pluriel…

Jean-Michel Blanquer succède à Mme Vallaud-Belkacem au ministère de l'Education nationale. Quels sont selon vous les grands chantiers sur lesquels le ministre doit s'affairer de toute urgence ?

Franchement, je crois qu'il est pour lui urgent d'attendre — le résultat des législatives, par exemple. Puis de se lancer dans un toilettage des dernières réformes — les enseignants en ont par dessus la tête des programmes qui changent du tout au tout tous les quatre matins. On peut par exemple modifier en souplesse les programmes d'Histoire en revenant en douceur à ceux de 2008, qui n'étaient pas mauvais. Et améliorer les cours de français en remettant l'accent sur la bonne méthode d'apprentissage de la lecture — l'alpha-syllabique que Mr de Robien, avec qui a travaillé Jean-Michel Blanquer, avait tenté d'imposer à des pédagos convaincus que les méthodes qui ne marchaient pas avaient un avenir. La promesse de diviser par deux les effectifs de CP dans les milieux les plus déshérités est une bonne idée dont je m'étais fait moi-même le propagandiste, mais cela demande des ajustements techniques complexes, qui ne se feront pas d'un claquement de doigt. La réforme du bac est plus simple à réaliser — et puis on a un an pour le faire.

Plus profondément, il faut rééquilibrer savoirs et compétences. Les enseignants sont là pour transmettre des savoirs, et pour évaluer des compétences à travers la maîtrise des savoirs — et tous ceux qui s'opposent à cette idée le font parce qu'ils n'ont guère de savoirs disponibles.

Enfin, il faut absolument repenser la formation des maîtres, en réorientant l'action des ESPE, aujourd'hui bastions du pédagogisme le plus abscons, et en rééquilibrant dans les concours de recrutement le poids de la pure pédagogie — un peu anecdotique, convenons-en, c'est sur le terrain qu'on apprend à enseignenr — au profit des savoirs disciplinaires.

Enfin, je serais personnellement favorable à l'extension de l'expérience des "internats d'excellence", lancée par Mr Blanquer (et pilotés par son actuel directeur de cabinet, Christophe Kerrero) lorsqu'il dirigeait la DGESCO, sous le ministère Chatel. Les réultats peuvent y être remarquables — et ce n'est peut-être pas "égalitariste", mais c'est de l'égallité réelle.

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