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Quand les sentiments exprimés à l'écran nous enveloppent et nous imprègnent
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Gilles Tourman pour Culture-Tops

Gilles Tourman pour Culture-Tops

Gilles Tourman est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Manchester by the sea

USA. Couleur. Chronique dramatique de Kenneth Lohergan. Avec Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler, Gretchen Mol, Lucas Hedges.

Le réalisateur

Scénariste protée, né le 16 octobre 1962 à New York, révélé au cinéma en 1999 pour avoir écrit la comédie  Mafia Blues, avec Robert de Niro en mafieux dépressif psychanalysé par l’hilarant  Billy Crystal, Kenneth Lonergan passe derrière la camera en 2000 avec Tu peux compter sur moi dont il est aussi l’auteur. Interprétée par Laura Linney, Mark Ruffalo et Matthew Broderick, cette histoire de deux orphelins qui, devenus grands, voit la sœur tenter de sauver son frère devenu délinquant alors même qu’il se lie d’amitié avec son fils, est citée à l’Oscar et au Golden Globe du meilleur scénario, remporte le grand prix du jury au festival de Sundance, l’Independant Spirit Award du meilleur film et du meilleur scénario, ainsi que les prix des Film Critics Circles de New York et Los Angeles.

Son deuxième film,  Margaret (2011), suit une adolescente qui, témoin d’un accident, décide d’aider les enquêteurs à comprendre ce qui s’est réellement passé. Interprété par Anna Paquin, Matt Damon et Mark Ruffalo, le film remporte, entre autres, le prix de la critique internationale (Fipresci) au festival du cinéma de Vienne.

Kenneth Lonergan co-signe également les scénarios de  Mafia Blues 2 – la rechute ! réalisé par Harold Ramis (2002) et du crépusculaire et sublime Gangs of New York, tourné par Martin Scorsese (2002), et avec lequel il est cité au prix de la Writers Guild of America et à l’Oscar.

Parallèlement, dramaturge reconnu, il signe les pièces This Is Our Youth (1996), The Waverly Gallery (2000), Lobby Hero (2001), The Starry Messenger (2009) et Medieval Play (2012).

Manchester by the Sea est donc son 3ème film comme réalisateur..

Thème

A Boston, Lee effectue les travaux de maintenance de quatre immeubles. Bourru, il vit seul, boit beaucoup, se bagarre, est fan de sport… avachi devant sa TV. Un jour, on lui annonce la mort par arrêt cardiaque de son frère, Joe, 45 ans, marin pêcheur à Manchester, Massachusetts, la ville côtière de leur enfance. Se rendant sur place, il est accueilli par George, l’employé et ami de Joe. Il retrouve aussi son neveu Patrick, fils de son défunt frère, dont la mère, alcoolique, semble avoir disparu, et son ex-femme, Randi, à qui le lie un terrible drame. Au fil des formalités à remplir et du temps que la terre, gelée par l’hiver, permette l’inhumation, Lee replonge dans son douloureux passé…

Points forts

- Traitant de la culpabilité et de la responsabilité, Manchester by the Sea est un film d’atmosphère qui se déroule au rythme faussement paisible d’un paysage aux allures immuables et intemporelles avec ses maisons du XVIIème siècle, son hiver paraissant tout engourdir, ses habitants ancrés dans une vie apparemment tranquille. Mais se baigner dans le fleuve unique de sa vie n’empêche en rien de s’immerger simultanément dans une succession de violentes fulgurances sentimentales et de drames insoutenables.

Car c’est d’abord de cela qu’il s’agit : sur fond de deuil, nous allons découvrir pourquoi Lee se laisse aller. Ce qu’il cache, dont il ne parvient pas à se remettre, l’empêche de rester sur place… et le pousse à boire et se battre comme s’il voulait se punir.

- C’est ensuite un film d’une subtilité psychologique rare, qui rappellera aux cinéphiles Un été 42 (1971), de Robert Mulligan, mettant en scène les premiers émois adolescents ou Next Stop Greenwich Village (1976), de Paul Mazursky, avec son héros décidé à devenir comédien. Attention ! Il ne s’agit pas d’une comparaison (leur dramaturgie n’a rien de comparable avec celle du présent film) mais d’une proximité de sensibilité.

- Si tous les comédiens sont irréprochables et le casting homogène… Casey Affleck est l’atout suprême de la distribution, avec son visage alternant inexpressivité et souffrance intérieure, puissance de suggestion, qu’il se murât dans un silence observateur ou s’exprimât à coups de phrases réduites à l’essentiel.

On ajoutera à toutes ces qualités la beauté des décors et la luminosité des images enchaînant, au long de ces neuf mois, les tonalités bleutées d’un hiver interminable,  puis multicolores des beaux jours revenus.

Enfin, si la description du microcosme local est passionnante à suivre, la musique est à l’aune de cette quasi chronique, proposant, avec a propos, airs classiques (Bach, Albinoni, Hændel) et jazz groovy et bluesy.

Points faibles

Sa langueur même, par ailleurs inhérente à son ambiance et à sa force de pénétration.

 En deux mots

“Ce que je préfère dans la fabrication d’un film, c’est le processus par lequel une histoire initialement née dans votre imagination personnelle pénètre et s’installe dans l’affectif d’autres personnes. (…). Elle devient une sorte de fantasme partagé, appartenant à tous, jusqu’à ce qu’elle soit enfin transmise à des spectateurs dans leur vie intérieure où, on l’espère, elle trouvera une place, de la même façon que les films que j’aime font partie de moi.”.  Kenneth Lonergan.

Cette profession de foi du réalisateur illustre parfaitement ce que nous avons tenté de décrire supra : un désir de faire partager des sentiments (plus que des émotions) non en les imposant mais en prenant le temps qu’ils nous enveloppent et nous imprègnent.

Une phrase

“Il a l’air mort, pas endormi. Mais c’est pas dégoûtant”. (George, l’ami de la famille, à Lee à propos du corps de son frère)

 Recommandation : Excellent

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