Quand le Covid long devient une maladie chronique et plombe carrières et revenus <!-- --> | Atlantico.fr
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Un docteur mesure la tension artérielle d'un patient infecté par la Covid-19, à côté de son épouse lors d'une consultation à domicile dans l'est de la France.
Un docteur mesure la tension artérielle d'un patient infecté par la Covid-19, à côté de son épouse lors d'une consultation à domicile dans l'est de la France.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Conséquences de la pandémie

Aux Etats-Unis, les personnes touchées par le Covid long abandonnent leur carrière et accumulent d'énormes dettes. Quelle est l'ampleur des difficultés sociales et économiques provoquées par le Covid long en France ?

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy est médecin généraliste. Il s'intéresse particulièrement au Covid-19 chez les enfants. Il est membre du Collectif Du Côté de la Science et cofondateur du collectif Stop postillons.

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Atlantico : Dans toute l'Amérique, quelque 50 millions de personnes infectées par le coronavirus continuent de souffrir de symptômes persistants, et un plus petit sous-ensemble éprouve une fatigue si insupportable qu'il ne peut pas travailler, ce qui le contraint à quitter la vie active, à abandonner leur carrière et à accumuler d'énormes dettes. Quelles sont les difficultés sociales et économiques que peuvent éprouver des malades du Covid long en France ? Est-ce un problème qui prend de l’ampleur ?

Michaël Rochoy : Nous n'avons pas énormément de données actuellement, les recommandations de la Haute Autorité de santé ainsi que de nombreuses sociétés savantes nous renseignent sur les communiqués de février à propos des symptômes suite à un Covid-19 prolongé chez l'adulte, diagnostic ainsi que prise en charge. Nous sommes sur des symptômes qui sont présents initialement et qui se prolongent au-delà de 4 semaines, et qui peuvent durer de quelques mois à une année parfois. Évidemment, l'impact n'est pas le même si les symptômes en restent à une perte d'odorat qui dure 6 semaines ou si le patient endure une fatigue chronique sur un an.

Nous n'avons pas de retours particuliers pour le moment, cette recommandation a seulement 9 mois, et la plupart des symptômes disparaissent dans le temps.

Les Etats-Unis constituent un cas à part, c'est un vaste pays, avec une grosse population. Ils ont été particulièrement touchés par la pandémie. 

Le Covid long est assez fréquent : il touche environ 10 % des contaminés, sachant que 20 % de la population française l’a été. Ainsi, le Covid long a touché 2 % de la population environ, à cette date. La vaccination diminue ces taux, car elle protège partiellement de ces formes prolongées également. 

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Néanmoins, si les symptômes persistants plus de 4 semaines après Covid-19 sont fréquents, il y a un tout un spectre entre les symptômes bénins qui évoluent vers la guérison et les symptômes très invalidants qui persistent 1 an après… 
Les symptômes très invalidants comme une fatigue intense sont eux plus rares, probablement de l’ordre de celle des maladies rares actuellement (1 personne sur 2000). Mais comme pour les maladies rares, il faut néanmoins savoir les identifier, les étudier et les prendre en charge, si besoin avec des centres de référence pour pouvoir monter des cohortes et faire avancer la recherche également en France. Et bien sûr, dans un pays comme les Etats-Unis, il sera plus simple d’avoir des cohortes importantes de patients ayant ces problèmes.

Le Covid long détruit des carrières, laissant dans son sillage une détresse économique et des difficultés pour réintégrer le marché du travail. Avons-nous des chiffres pour quantifier la perte brute que cela représente, ainsi que les coûts pour les soins et les assurances ?

Il est difficile de prédire les chiffres, actuellement, on estime l'occurrence de symptômes prolongés après Covid à 8 %, mais on mélange tous les symptômes qui perdurent après 4 semaines. U une personne qui perd le goût pendant 6 semaines, c’est un Covid long, mais pour la société l’impact est faible… pour l’individu, ça dépendra notamment de sa profession et de ses loisirs - pour un créateur de parfum par exemple, ça impliquerait des semaines d’arrêt de travail et probablement beaucoup d’anxiété quant à l’avenir... Mais on trouve bien des symptômes très invalidants, comme des difficultés respiratoires, qui pourraient rendre le travail et les loisirs impossibles. L'impact économique pour la société semble difficile à chiffrer, et tend probablement vers zéro, dans le cadre de cette pandémie où il y a eu des arrêts de travail, du chômage partiel, des tests PCR remboursés, la vaccination, et la montagne de dépenses qui s'en est accompagnée. Par contre, si l’impact au niveau de la société est sans doute assez négligeable dans la période actuelle, l’impact économique à l’échelle individuelle peut évidemment être désastreux, chez des patients qui par leur essoufflement ou leur fatigue notamment n’arrivent plus à travailler à 100 % de leur capacité, et peuvent se trouver en arrêt prolongé, avec la perte de salaire que ça implique... 

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Plusieurs spécialistes médicaux ont déclaré que 750 000 à 1,3 millions de patients restent malades pendant de longues périodes, ce préjudice est tel qu'ils ne peuvent pas réintégrer le marché du travail à temps plein. Pouvons-nous voir une nouvelle vague de malades arriver en latence des premières vagues, sachant que les malades du Covid long ont un système immunitaire affaibli ?

Initialement, c'était la crainte que l'on avait, mais aujourd'hui, on sait qu'il n'y aura pas de nouvelle vague à cause des symptômes après Covid. Certains peuvent garder des symptômes pendant quelques mois, impliquant un suivi médical, mais ce n'est pas de nature à surcharger les hôpitaux, d'autant plus maintenant que les gens sont vaccinés. Le vaccin protège aussi partiellement contre les symptômes prolongés après Covid-19. 

Le Covid long met à l'épreuve non seulement le système médical, mais aussi les filets de sécurité gouvernementaux qui ne sont pas bien adaptés à l'identification et au soutien des personnes atteintes d'une nouvelle maladie chronique sans diagnostic ni plan de traitement établis. Qu’en est-il de la reconnaissance de cette maladie actuellement en France ? Les personnes qui en souffrent peuvent-elles bénéficier des aides de l’État ?

Il y a certaines associations comme ApresJ20 qui militent pour la reconnaissance et l'obtention d'aides de l'Etat pendant un Covid long. C'est difficile à faire reconnaître, étant donné que les symptômes sont très peu spécifiques. Au sein des soignants, le Covid long a été reconnu en tant que maladie professionnelle, mais nous sommes sur des cas très particuliers. La plupart du temps, en dehors d'un cadre professionnel, c'est très peu reconnu, et il n'y a pas d'affection longue durée au Covid. On peut avoir des affections longue durée polypathologiques, avec des séquelles pulmonaires, et un retentissement important au niveau respiratoire, qui pourrait être repris sur l'affection longue durée des maladies respiratoires, ou une polypathologie. 

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Si une personne a une fatigue importante, une gêne respiratoire objectivée par des évaluations en pneumologie, il peut y avoir une demande d’invalidité auprès de la caisse primaire d’assurance maladie, une demande de congé longue durée au titre de l’article 2 pour la fonction publique, ou des demandes de carte mobilité inclusion et reconnaissance qualité travailleur handicapé par exemple auprès de la MDPH. Ces demandes seront toutes liées à la gêne occasionnée mais pas spécifiquement liée à la dénomination Covid long ; d’ailleurs pour estimer le taux d’incapacité et les droits, on pourra s’aider du site mdphclic, qui permet de chiffrer en fonction de la gravité de l'insuffisance respiratoire, des troubles de l’olfaction, des acouphènes, des vertiges, etc. Dans la prise en charge des patients, il ne faut surtout pas oublier de les accompagner ou les orienter dans cette dimension sociale, complexe pour ceux qui n’y sont pas habitués.

Comment reconnaît-on le Covid long ? Y a-t-il des symptômes spécifiques ?

Les symptômes prolongés après Covid sont : fatigue, essoufflements, douleurs thoraciques, désadaptation à l'effort, perte du goût et de l'odorat, et plus rarement, des troubles cognitifs (concentration, mémorisation). Parmi les problèmes respiratoires, il peut aussi y avoir un syndrome d’hyperventilation, où la prise en charge sera presque opposée à celle de la désadaptation à l’effort. C’est un bon exemple de ce pourquoi il faut savoir identifier et diagnostiquer avant la prise en charge, et c’est l’objet des recommandations de la HAS de février 2021. D’ailleurs, on peut regretter que les sociétés savantes de pédiatrie n’aient pas participé aux recommandations, et qu’il n’existe donc aucune fiche de la HAS concernant le Covid long pédiatrique qui apparait donc comme une entité malheureusement non reconnue en France. 

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A-t-on des données scientifiques à propos du Covid long ?

Il existe une liste d'articles scientifiques qui nous renseignent à propos du Covid long, tant chez l'adulte que chez l'enfant. Aussi, le chiffre de 8 % de Covid longs a tendance à diminuer dans le temps. Certains articles montrent des implications au niveau cérébral, à la fois chez les adultes et les enfants. Il existe une dichotomie entre les gens qui pensent qu'il n'existe que des Covid longs, et d'autres qui pensent que le Covid long n'existe pas.

Aujourd'hui, on sait que le Covid long existe, ça a été authentifié, il faut savoir reconnaître les symptômes et être rassurant à propos de ces derniers, ils disparaissent souvent spontanément au bout de 3 à 6 mois. On commence à avoir un recul sur la question.

La plupart du temps, la prise en charge du Covid long passe par de la rééducation et de la réadaptation. Si le patient a perdu l'odorat, il aura une rééducation pour qu'il puisse le retrouver, toujours avec des examens préalables.

Certaines personnes pensent que le Covid long n'existe pas, et qu'il n'est qu'une forme de crise d'angoisse, qu'en pensez-vous ?

Le Covid long existe bel et bien. Le cas typique est au niveau respiratoire, où les gens vont être essoufflés, et le scanner montrera une atteinte pulmonaire, avec un syndrome interstitiel. Les tests confirment une pathologie liée au Covid.

Forcément, la situation actuelle est angoissante, et certains symptômes vont s'y mêler, et pour certains, on retrouvera même des symptômes de stress post-traumatique, notamment les gens hospitalisés en réanimation. Que ces angoisses soient directement ou indirectement liées au Covid, cela ne change rien pour les médecins, qui devront le prendre en charge.

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