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Quand Facebook s'étouffe au moindre poil en vue mais se fiche éperdument de la protection des mineurs
©Weibo

Cynisme 2.0

Facebook a changé mercredi les conditions de confidentialité adressées aux mineurs. Désormais les 13-17 ans pourront publier leurs écrits et être lus par la totalité des internautes. Une modification qui anime le débat quant à la protection des mineurs sur le net, surtout quand on sait que le site avait refusé de fermer des pages servant à l'échange d'enfants adoptés.

Jacques Henno

Jacques Henno

Jacques Henno est journaliste et spécialiste des nouvelles technologies de l'information.

Il est l'auteur de « Facebook et vos enfants » aux éditions Telemaque.

Il donne très règulièrement des conférences sur des thèmes comme l'impact des réseaux sociaux, des jeux vidéos, des téléphones et de la télévision sur nos enfants, ou encore l'impact de ces outils sur notre vie privée.

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Atlantico : Les adolescents inscrits sur Facebook peuvent désormais publier leurs écrits et être lus par tous les internautes. Officiellement, Facebook change sa politique de confidentialité pour donner aux 13-17 ans un lieu d’échange et de diffusion de l’esprit citoyen. Mais que recherche réellement Facebook avec ce changement de politique de confidentialité ? Quelle vision le groupe a-t-il de la protection des mineurs ?

Jacques Henno : Le problème est toujours le même, Facebook est une entreprise commerciale qui a besoin de gagner de l’argent, d’autant plus qu’elle est aujourd’hui cotée en bourse. 84% de leurs revenus proviennent de la publicité, il faut donc inciter un maximum de monde à venir sur Facebook et rendre plus d’informations accessibles à tous. La publicité peut ainsi cibler les consommateurs. Ce changement dans la politique de confidentialité des mineurs entre donc dans la logique de l’entreprise. Ils peuvent cocher aujourd’hui amis au lieu d’« amis d’amis », mais cette mesure n’empêche aucunement la propagation des informations, les jeunes cochent la seconde option. Et il n’est pas normal que les mineurs publient quelque chose qui soit visible par tout le monde ! C’est une régression, bien qu’il y ait des mesures pédagogiques, d’avertissement. Lorsque Facebook clame vouloir protéger les enfants, nous sommes dans une hypocrisie la plus totale. Pour les adultes, 80% des contenus publiés par défaut est accessible par défaut, ce sera la même chose pour les enfants. Au fond, Facebook n’a pas de vision de la protection des mineurs, au contraire. L’entreprise voudrait s’affranchir de la contrainte de ne pas pouvoir accueillir les moins de 13 ans.Mark Zuckerberg réfléchit d’ailleurs à un Facebook pour eux.

En abaissant sa politique de confidentialité, le groupe montre une vision assez laxiste de la protection des mineurs. Certes, ce changement s’accompagne de gardes-fou puisque l'enfant s'il sélectionne l'option publication publique verra s'afficher plusieurs messages préventifs très clairs. Que risquent les adolescents face à ce changement ? Quelles conséquences sur leur image ?

L'enfant a un esprit de contradiction. Si justement on lui propose deux options, il sera attiré par la plus transgressive, et automatiquement ces mesures préventives proposées par Facebook ne marcheront pas. Les jeunes ont envie de partager avec leurs amis des commentaires ou des photographies. Celles, par exemple, concernant des soirées arrosées seront diffusées, les futurs employeurs de ses jeunes tomberont ensuite dessus, on imagine les conséquences. Pour sa défense Facebook affirme que les jeunes sont aujourd’hui plus prudents mais les traces qu’ils laisseront sur la toile restent indélébiles. Les adolescents croient souvent qu’ils peuvent effacer leurs traces, qu’il existe une poubelle magique sur internet, mais c’est faux, rien ne disparaît. Les gens ne doivent pas oublier que Facebook est une société commerciale qui s’appuie sur le voyeurisme.

On se souvient de l'épisode des enfants adoptés échangés grâce à Internet via notamment des pages Facebook et des groupes Yahoo. Quand l'affaire a été révélée, Facebook a maintenu ouvertes les pages concernées arguant qu'"internet est le reflet de la société". Comment justifier un tel positionnement ?

Facebook ne fait que refléter l’univers et l’usage que l’on peut en faire. On peut échanger des enfants mais aussi en sauver. Mais comment voulez-vous que dans une société de transparence où des d’hommes politiques, des peoples confessent leurs infidélités, leurs vies personnelles à la télé, les enfants comprennent par eux-même l'ampleur de leurs actes ? Comment empêcher les enfants de se confesser sur Facebook ? L'entreprise a mis en place des services pour filtrer tout cela, mais il n'y a pas assez de moyens. Facebook n'emploie que 5 300 personnes pour gérer 1,15 milliard de clients. Il existe bien sûr des systèmes automatiques, des algorithmes qui sont censés découvrir les abus, mais ils ne marchent pas entièrement. A l'avenir, il faudrait perfectionner les outils informatiques malgré contraintes financières.

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