QI en berne : comment le niveau baisse en Occident et varie chez chacun d’entre nous avec le temps (et pourquoi ça n’a pas d’importance) <!-- --> | Atlantico.fr
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Le QI baisse d'une génération à l'autre.
Le QI baisse d'une génération à l'autre.
©Pixabay

Quotient Inutile

Plusieurs études menées dans certains pays occidentaux ont révélé une baisse du quotient intellectuel d'une génération à l'autre, qui s'expliquerait, selon certains, par le fait que nous aurions atteint notre seuil maximal d'intelligence. Or, le QI et l'intelligence sont deux réalités différentes qu'il convient de bien distinguer.

Lilianne Manning

Lilianne Manning

Lilianne Manning est professeur de neuropsychologie à l'université de Strasbourg.

Elle travaille également au Laboratoire d'Imagerie et Neurosciences cognitives du CNRS.

 

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Deviendrions-nous de plus en plus stupides ?

C’est en tout cas ce que semblent constater plusieurs études menées en Australie, au Danemark, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Par exemple, en comparant les résultats d’un test de QI donné aux militaires danois en devenir en 1998 à ceux des Danois d’aujourd’hui, une étude menée par l'Université de Copenhague aurait remarqué une baisse de 1,5 point.

Une des raisons possibles serait que l’on aurait atteint notre seuil maximal d’intelligence. Entre les années 1930 et 1980 aux Etats-Unis, l’humanité aurait connu ce que l’on appelle le "Flynn effect" - du nom du chercheur qui l’a mis en lumière, à savoir l’augmentation constante du Quotient intellectuel au sein des populations en raison d’une amélioration des modes de vie. Plusieurs autres raisons ont été évoquées par les chercheurs : le déclin de l’éducation, la possibilité que les gens intelligents se reproduisent de moins en moins, l’augmentation du nombre d’immigrés et – raison la plus rationnelle peut-être – une accentuation de la rapidité des modes de vie.

Richard Lynn, psychologue à l’Université d’Ulster au Royaume-Uni, a par ailleurs confirmé cette théorie en calculant le déclin du potentiel génétique humain. Pour cela, il a comparé l’intelligence collective des années 1950 à celle des années 2000 et a constaté une baisse de 1 point, qui ne pourrait que s’accentuer.

Une autre étude encore a confirmé cette tendance au déclin : celle de Michael Woodley de l’Université libre de Bruxelles. Selon lui, les temps de réactions seraient bien supérieurs à ceux observés à l’époque victorienne.

Pour la plupart des chercheurs, l’avenir de l’intelligence humaine ne sera qu’un déclin graduel. Cependant, selon le Dr. Flynn, les progrès de la médecine et de la technologie limiteront le nombre de naissances, permettant au problème de se régler seul.

On est cependant en droit de se demander ce que sont précisément l’intelligence et le quotient intellectuel, ce que mesure ce dernier réellement et comment. Eléments de réponses avec Lilianne Manning, neuropsychologue.

Atlantico : Selon de nombreuses études, le quotient intellectuel serait une donnée intrinsèque à un individu, c'est-à-dire que celle-ci serait immuable au fil du temps et caractériserait l'intelligence dudit individu. Pourtant, à l'instar d'une étude réalisée par l'Université d'Oslo en 2009 qui a révélé que chaque année d'études augmentait de 3.7 points le QI d'un individu, de récentes études ont montré que le quotient intellectuel évoluait tout au long de notre vie. Finalement, le quotient intellectuel est-il réellement révélateur de notre intelligence ? Comment pourrait-on définir l'intelligence ? Comment se mesure-t-elle ?

Lilianne Manning : L’idée d’une intelligence mesurable, et donc définissable, a ses origines en 1690 lorsque John Locke écrit  Essai sur l’entendement  humain . On peut ensuite citer l’anglais Francis Galton (1822-1911) qui invente la psychométrie et fait des tentatives répétées de définir l’intelligence en étudiant le génie. Puis, l’Américain Mc Keen Cattell, en 1890, emploie pour la première fois le terme " test mental ". L’Anglais Charles Spearman, quant à lui, découvre en 1904 un " facteur général g " qu’il nomme Intelligence générale. Enfin, le Français Alfred Binet, en 1905, met sur pieds avec Théodore Simon, le premier test utilisable, l'Échelle métrique de l'intelligence : le premier concept utilisable du QI actuel.

L’Américain David Wechsler, en 1939, développe et fait connaître dans le monde entier le Quotient intellectuel. L’intelligence est alors définie de manière tautologique, à savoir, le poisson qui se mord la queue, puisque " l’intelligence est ce que mesurent les tests et… les tests mesurent l’intelligence ".

Mais, la même année, l'Américain Louis Léon Thurstone remet en cause la thèse de Spearman en soulevant 7 facteurs principaux qui font partie d'une multitude de facteurs :

  • Facteur Spatial (représentation des configurations) ;
  • Facteur Perception (saisie de détails dans une configuration) ;
  • Facteur Verbal (compréhension des données) ;
  • Facteur Lexical (mobilisation du vocabulaire) ;
  • Facteur Mémoire (Faculté de mémorisation) ;
  • Facteur Numérique (réalisation de calculs) ;
  • Facteur Raisonnement (définir et trouver des liens entre des éléments). 

En reprenant les analyses de Spearman, Thurstone conclut que ces sept facteurs sont orthogonaux, c'est-à-dire qu'ils représentent autant de types d’intelligence et n'ont pas de lien entre eux. Le général de Spearman serait donc inexistant. Les conclusions de Thurstone sont que l’existence même de l'intelligence, comme entité mesurable, ne reposerait sur aucune base empirique réelle, ni ne pourrait être quantifiée de manière rigoureuse et logique – sauf évidemment dans le cas particulier de deux individus dont l'un surpasserait l'autre dans tous les types mentionnés.

Il existe donc une multitude de types d’intelligence :

  • L’intelligence logico-mathématique, qui détermine la vitesse à laquelle on peut résoudre un problème numérique ou logique. Surexploitée par les mathématiciens, joueurs d’échecs, informaticiens…;
  • L’intelligence linguistique (ou verbale), fréquente chez les politiciens, écrivains, poètes grâce à laquelle on peut construire des phrases, avoir le sens de la rime, convaincre et persuader les autres…;
  • L’intelligence intrapersonnelle, qui désigne la capacité qu’on a à avoir un regard critique sur soi-même, juger de ses limites, comprendre ses réactions…;
  • L’intelligence interpersonnelle, grâce à laquelle on peut deviner les réactions de son entourage, évaluer les interactions, communiquer… fréquente chez les politiciens ;
  • L’intelligence visuo-spatiale, qui permet de manipuler des objets tri-dimensionnels dans sa tête. Elle est exploitée notamment par les architectes, géographes, artistes…;
  • L’intelligence naturaliste, qui permet de classer les objets, et de les différencier en catégories. Elle est très sollicitée chez les zoologistes, botanistes, archéologues…;
  • L’intelligence musicale, qui juge la hauteur, la tonalité des sons, le rythme et la mélodie d’une musique. Celle-ci est exploitée surtout par les musiciens, compositeurs…;
  • L’intelligence kinesthésique, qui est responsable de tout ce qui a trait aux travaux gestuels… développée chez les sportifs, mimes, mais aussi ceux qui pratiquent un travail de minutie (chirurgiens, …); 
  • L’intelligence existentialiste; 
  • L’intelligence collective; 
  • L’intelligence spirituelle
  • L’intelligence sociale; 
  • L’intelligence émotionnelle; 
  • L’intelligence manuelle; 
  • L’intelligence culturelle. 

Qu'est-ce que le QI ? Que mesure-t-il réellement et comment évolue-t-il au fil du temps ?

Le QI est le terme inventé par Wechsler en 1939 (voir plus haut), dans une tentative de donner suite aux facteurs de Spearman. Il est donc un moyen artificiel de mesurer des talents ou des intelligences.

Le QI verbal reste bien plus longtemps que le QI de performance. La raison est que les tâches verbales sont moins affectées par le temps et l’âge. Les capacités verbales sont des capacités dites " cristallisées " car elles sont acquises.

Le QI de performance peut être plus sensible à l’âge dans la mesure où toutes les tâches qui le composent sont strictement chronométrées et que le temps de réaction est extrêmement sensible à l’âge.

Comment expliquer alors ce besoin de mesurer l'intelligence, notamment par le QI ? 

Il est possible que ce besoin, aussi américain soit-il, soit un reflet d’une société de compétition. En effet, pouvoir mesurer que je suis plus intelligent que mon voisin est très gratifiant pour mon ego.

La meilleure manière de qualifier l’intelligence est de dire qu’il s’agit d’une habileté mentale associée à des opérations non seulement cognitives et qui permet de comprendre l’information, d'apprendre de celle-ci et de l’utiliser de manière efficace.

Aucun test ne mesure cette capacité. C’est la vie de tous les jours et les différents contextes que nous avons à vivre, ainsi que les divers problèmes que nous avons à résoudre qui sont nos seuls tests fiables. Le reste est commercial.

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