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Le protectionnisme
doit-il rester tabou ?
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Mondialisation

Nouvelle réunion ce vendredi à l'OMC, où les tentatives de Pascal Lamy de faire reculer les droits de douane piétinent. Un échec du cycle de Doha ne serait pas pour déplaire à ceux qui, en Europe, réclament un protectionnisme nouveau pour préserver l'économie du Vieux Continent...

Julien Winock

Julien Winock

Après avoir travaillé dans l'édition et dans l'internet culturel, Julien Winock a fait partie de plusieurs cabinets ministériels.

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Considérées comme un remède pire que le mal lors de la crise des années 1930, les barrières douanières ont longtemps symbolisé le repli frileux d'un pays incapable de faire face à la concurrence étrangère. Et lorsqu'un économiste se hasarde à évoquer son retour, même à un faible niveau (songeons notamment à l’économiste Jean-Luc Gréau), nombre de ses confrères ont vite fait de l'ostraciser.

Quand la Chine protège son marché

Beaucoup de pays pourtant ne se privent pas de recourir de façon plus ou moins permanente à une forme de régulation de leurs échanges. Contrairement à l'Union européenne qui voit le libre-échangisme comme la condition sine qua non du "doux commerce", la Chine protège jalousement son marché intérieur par des moyens directs ou détournés : l'armure épaisse de sa réglementation tatillonne et ses lourdeurs administratives ont vite fait de dissuader les exportateurs les plus opiniâtres. A contrario, la pénétration du marché européen est un jeu d'enfant dont profitent allègrement les firmes chinoises.

Face à cette omniprésence du "made in China" la réponse de nos dirigeants et des capitaines d'industrie est toujours la même : "nous devons innover et être plus compétitifs ! Regardez ce que font les Allemands !". Le constat, il est vrai, est imparable. Depuis quinze ans, nos parts de marché dans le commerce mondial ne cessent de fondre et nous sommes incapables de faire naître de nouveaux champions dans les secteurs les plus innovants. Mais cette innovation dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles peut-elle suffire à enrayer notre déclin industriel ?

Les limites de notre compétitivité

Ce n'est évidemment pas en dressant à nos frontières des barrières tarifaires franches et massives que nous pourrons résoudre notre problème. Personne ne songe sérieusement à renouer avec les pratiques protectionnistes de Jules Méline, ancien ministre français de l’Agriculture qui, dans les années 1890, s'était mis en tête de repousser la concurrence étrangère sur les produits agricoles avec un résultat des plus médiocres : manque d'innovation, repli sur un marché intérieur, persistance dans une agriculture peu productive, retard à l'industrialisation…

Mais combien de temps pourrons-nous tenir en laissant notre marché ouvert tous azimuts à des produits fabriqués par des ouvriers gagnants trente ou quarante fois moins qu'un smicard ? Pour un ouvrier de 50 ans se retrouvant sur le carreau après que son employeur a délocalisé la production, le mot d'ordre de l'innovation est une chimère pour ne pas dire une foutaise.

L’exemple des quotas sur les voitures japonaises

Quelle forme de régulation commerciale envisager ? Souvenons-nous des quotas d'importation sur les voitures japonaises. Entre 1985 et 2000, seuls 3 % des immatriculations de voitures neuves étaient accessibles aux véhicules nippons. Pourquoi cette restriction ? Tout simplement parce qu’à l'époque notre industrie automobile souffrait d'un manque criant de compétitivité face aux Toyota, Nissan et autres Mitsubishi dont le rapport qualité-prix était imbattable.

Grâce à cette mesure provisoire et dont l'échéance était connue de tous, les constructeurs européens, français tout particulièrement, sont parvenus à produire des voitures de bien meilleure qualité pour un prix aussi compétitif que leurs concurrents japonais. De telles formes de régulation n'auraient rien d'aberrant pour permettre à notre industrie de rattraper son retard dans la course à l'innovation ou de procéder à la reconversion de ses secteurs les plus fragiles. Pour l'instant la gauche est la seule à envisager de lever le tabou en évoquant un "juste échange", qui implique de facto des mesures anciennement baptisées “protectionnistes”. Lui en laisser le monopole pourrait être une lourde erreur politique et économique.

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