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Projet de loi sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme : premiers indices d’un retour à un minimum de fermeté en prison… pour ceux qui y sont déjà
©Reuters

Et l’application des peines ?

Alors que la loi sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme entre ce mercredi en commission mixte paritaire au Parlement, certaines dispositions prévues semblent aller dans le bon sens. Mais le vrai problème est ailleurs.

Jean-Claude  Magendie

Jean-Claude Magendie

Jean-Claude Magendie est premier président honoraire de la Cour d’appel de Paris et expert associé de l'Institut pour la Justice.

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Atlantico : Ce mercredi, une commission mixte paritaire se réunit au Parlement pour discuter de la loi visant à renforcer la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, avec notamment un amendement prévoyant un retour des fouilles intégrales, collectives et aléatoires en prison. Quel impact aurait cette mesure ? Dans quelle mesure représente-t-elle un premier pas en arrière dans la logique qui présidait ces dernières années à la politique pénale du gouvernement ? 

Jean-Claude Magendie : La réponse à votre question doit se placer sur un plan juridique, celui de la proportionnalité. Les atteintes aux libertés, en l’espèce les fouilles de détenus, sont-elles justifiées par la nécessité de se prémunir d’agissements liés au terrorisme ? La question de droit rejoint la raison : comment se priver de mesures de nature à éviter la perpétration d’agissements criminels au nom d’une conception éthérée des libertés, comme si le premier devoir de la société n’était pas de protéger l’existence des citoyens et de défendre ses valeurs ? L’angélisme le dispute à l’irresponsabilité lorsque la dignité appréhendée dans l’absolu des principes abstraits l’emporte sur des considérations dont dépend la survie même de notre nation.

Par ce projet, il semble que l’onabandonne les considérations fondées sur des préjugés idéologiques de bonne conscience à bon prix pour la recherche pragmatique de l’efficacité qui sert la défense sociale.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

En avril dernier, Jean-Jacques Urvoas déplorait le fait que le ministère de la Justice était aujourd'hui asphyxié. Comment en est-on arrivé à cette situation ? Cette nouvelle loi peut-elle réellement changer les choses si l'on ne redonne pas d'abord à la justice les moyens de son fonctionnement ?

Constater que la justice est asphyxiée est une évidence ; chacun le sait depuis fort longtemps et il n’est pas nécessaire de devenir ministre de la Justice pour faire cette découverte.

Comment faire en sorte de remédier à cette situation ? C’est de la responsabilité du gouvernement. Force est de constater que l’ancienne garde des Sceaux ne s'était guère attelée à cette tâche ingrate et insusceptible d’intéresser les médias. Remédier à cette situation de faillite nécessiterait une réflexion en profondeur sur le rôle du juge, les outils dont il dispose, les structures judiciaires, les procédures. Vaste chantier qui aurait dû être entrepris lorsque le temps permettait la réforme. Ce temps est passé, de sorte que l’on ne pourra que se lamenter sans pouvoir espérer dans l’immédiat.

Alors qu'aujourd'hui de nombreux justiciables condamnés ne sont pas incarcérés, ne serait-il pas plus urgent et ambitieux d'envisager une réforme qui vise à faire appliquer les peines prononcées par les tribunaux ?

Une justice pénale démocratique doit être transparente en ce que la peine prononcée par un tribunal doit être exécutée ; c’est en cela que la justice est comprise et controlée par le corps social. Or, par l'effet de textes votés depuis plus de 10 ans, la peine prononcée est rarement la peine exécutée ; le système répressif devient incompréhensible, opaque et perd sa valeur d’intimidation. Sans compter qu’au débat contradictoire qui conduit à la sanction succède un débat occulte dans l’arrière-cabinet d’un juge d’application des peines qui détricote subrepticement ce que les juges correctionnels ont fait.

Selon vous, quelles devraient être les priorités du gouvernement sur cette question pénitentiaire ?

La priorité consisterait à remettre l’administration pénitentiaire dans le giron du ministère de l’Intérieur à l’instar de ce qu'il se passe dans de nombreuses démocraties.

Le ministère de la Justice cesserait ainsi de voir l’essentiel de ses crédits consacrés aux prisons, au détriment de ceux affectés aux juridictions. En outre, la justice et l’administration pénitentiaire ont des cultures fort différentes, ce qui ne facilite pas l’épanouissement fonctionnel de cette dernière. Le travail en synergie entre l’administration pénitentiaire et l’Intérieur serait enfin particulièrement utile pour lutter contre la radicalisation en prison à travers une meilleure circulation de l’information.

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