Prohibition du "gaz de schiste" : une position réactionnaire <!-- --> | Atlantico.fr
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Une expérimentation limitée et contrôlée du gaz de schiste pourrait avoir de nombreux avantages.
Une expérimentation limitée et contrôlée du gaz de schiste pourrait avoir de nombreux avantages.
©Reuters

Pour l'écologie progressiste

François Hollande a fermé la porte non seulement à l’exploitation mais aussi à l’exploration du gaz de schiste français. Une position qui satisfait les plus ultras des écologistes, mais qui empêche de débattre de manière informée des potentiels bienfaits de cette ressource.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Ce billet a été publié initialement dans le blog Trop Libre

Dans son interview du 14 juillet, le Président de la République François Hollande a fermé la porte non seulement à l’exploitation mais aussi à l’exploration du gaz de schiste français. Or, dans un débat dominé par la désinformation et non exempt de contradictions, le tabou sur le gaz de schiste imposé par les écologistes « ultras » apparaît réactionnaire pour au moins cinq raisons. Face à une écologie anti-libérale et hantée par la décroissance, une autre voie est possible : l’écologie progressiste.

L’on commençait à espérer ces derniers temps l’ouverture d’un vrai débat, sinon serein du moins enfin rationnel, sur le dossier du « gaz de schiste » dans notre pays pour lequel ce blog et la Fondapol plaident depuis de longs mois. Des signes positifs au Parlement avec le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, les prises de position plus ouvertes d’opposants historiques, la montée de voix dissonantes au sein même du parti socialiste et du gouvernement, et même dans la presse anti-libérale, allaient dans le sens d’une levée du tabou. Le principe de prudence semblait enfin se substituer au principe de précaution.

Las ! Dans son interview du 14 juillet dernier, le président de la République fermait brutalement la porte non seulement à l’exploitation mais aussi à la simple exploration des ressources nationales. Les commentaires sont allés bon train : confusion entre les deux termes ? Peu probable chez un homme qui pèse toujours ses mots au trébuchet et dont on connaît la virtuosité rhétorique, saluée dans ce blog (ici et ) et qui ne date pas de son élection. « Cadeau » délibéré aux alliés d’EELV en compensation de l’éviction de Delphine Batho et des nombreuses couleuvres qu’ils sont contraints d’avaler ? Peu importe : dans le deux cas, le mot est dit et l’autorité présidentielle engagée pour le quinquennat, sinon davantage chez un chef d’Etat qui place désormais toute son action dans un horizon de dix ans.

On ne reprendra pas ici les différents éléments de l’argumentaire qui joue en faveur, non pas d’une exploitation forcenée – comme elle l’est aux Etats-Unis – des hydrocarbures non conventionnels mais de leur exploration et d’une expérimentation limitée – et pour parler comme Arnaud Montebourg – « écologiste » de ces ressources. Personne ne propose de transformer la Seine et Marne en Dakota du Nord !

L’on soulignera en revanche deux faits qui ne cessent de « polluer », pour le coup, le débat…

Désinformation et contradictions

La désinformation et la contradiction continuent de dominer l’argumentaire « anti ».

Désinformation lorsque l’on attribue les cas bien réels de pollution (de l’air comme de l’eau) à la technique de fracturation hydraulique, alors que les études mettent en cause l’étanchéité des puits et l’anarchie de l’exploitation américaine (Etude de ER.Jackson et alii dans les  Proceedings of the National Academy of Sciences, 9/07/13 analysée dans le dossier de Libération.du 12 juillet) ; désinformation lorsque l’on soutient contre l’évidence élémentaire qu’un puits de forage ne crée qu’un seul emploi. Contradiction, lorsque l’on énumère les problèmes survenus aux Etats-Unis en matière environnementale et que l’on écarte d’emblée la comparaison avec les mêmes Etats-Unis, lorsque l’on aborde les retombées économiques… Contradiction lorsque l’on invoque le rôle de ces « lobbies industriels» qui « faussent le débat », « sacrifient l’environnement » ou « obtiennent la tête de Delphine Batho » et que l’on n’évoque jamais les lobbies adverses, au moins aussi puissants, des grands céréaliers aux chasseurs, importants soutiens de la loi Jacob ; de Gazprom aux Qataris, dont les intérêts exportateurs bien compris ont soudainement suscité la fibre écologiste…

Désinformation et contradiction se conjuguent lorsque l’on « oublie » de dire que la fracturation hydraulique est d’ores et déjà utilisée en France notamment pour la géothermie profonde et qu’on l’interdit simultanément à l’industrie des hydrocarbures. Contradiction qui a des lourdes conséquences juridiques puisque la société Schuepbach a soulevé une Question Préalable de Constitutionnalité (QPC) contre la loi Jacob, pour violation de l’égalité devant la loi : requête dont le « caractère sérieux » vient d’être reconnu par le Conseil d’Etat qui a transmis la QPC au Conseil constitutionnel….

Pourquoi « réactionnaire » ?

Plus fondamentalement le refus a priori de toute exploration et de toute exploitation de ces ressources est une position littéralement réactionnaire, c’est-à-dire viscéralement hostile à l’idée même de progrès, et ce pour cinq raisons :

- Elle est anti-scientifique : ne pas vouloir savoir, ne pas vouloir expérimenter contredit les fondements même de la démarche scientifique : et cela au pays de Descartes et des Lumières.

- Elle est anti-économique : les effets positifs d’une exploitation même limitée des gaz de schiste sont évidents en termes d’emploi, de balance commerciale, de compétitivité industrielle etc. Il est vrai que la France ne connaît aucune difficulté dans ces domaines…

- Elle est anti-sociale : dans un pays où pour la première fois depuis 30 ans le pouvoir d’achat vient de reculer, la hausse continue des tarifs de l’énergie est plus que préoccupante notamment pour les plus pauvres : hausse récente du gaz (dont le prix s’effondre aux USA !), et hausse cumulée de l’électricité de 17% de 2013 à 2015. Jusqu’à quel niveau de prix et jusque à quand les consommateurs français devront-ils payer la « transition énergétique » telle que la conçoivent les Verts ?

- Elle est anti-démocratique : le refus de discuter, l’interdiction du débat, notamment par les attaques ad hominem, les « théories du complot » et autres menaces et invectives sont à l’opposé du principe de délibération sans lequel la vérité collective ne peut se dégager comme l’a démontré John Stuart Mill. Quant au sacrifice d’un enjeu d’intérêt national à un courant politique ultra-minoritaire (pour ne pas dire plus), on en appréciera toute la vertu démocratique…

- Elle est enfin anti-écologique : eh oui ! L’on est frappé de voir qu’un fait est rarement mentionné : la baisse des émissions de CO2 aux Etats-Unis depuis 2 ans (-8%), et ce, malgré la reprise économique et grâce essentiellement à la substitution du gaz de schiste au charbon : ce dernier a en effet une empreinte carbone 2 fois plus élevée que les hydrocarbures. Or, tandis que nous sacrifions nos propres ressources énergétiques sur l’autel de notre écologisme intransigeant, la consommation de charbon pour l’électricité a bondi de 79 % entre septembre 2011 et 2012. Avant d’importer massivement d’ici quelques années, soyons en sûr, des gaz de schiste produits ailleurs…

« Gaz de schisme » ?

L’on entend déjà les commentaires provoqué par ce mot de « réactionnaire » dans le contexte dogmatique et quasi-religieux du « débat » actuel, où tous les ingrédients de la pensée magique sont à l’œuvre. Le propos de cet article en faveur d’une expérimentation limitée et contrôlée, dont la France a tous les moyens avec son cadre législatif et administratif bien plus rigoureux que celui des Etats-Unis, sera-t-il même considéré ? L’idée que justement le gaz –et le pétrole !- de schiste pourrait faciliter à tous égards, notamment en permettant de la financer, cette « transition énergétique » que tous appellent de leurs vœux, fera-t-elle un jour son chemin ?

Pour une écologie progressiste

Au fond ce sont trois conceptions de « l’écologie politique » qui s’affrontent dans ce dossier :

- la première, très influente dans l’appareil d’EELV, est anti-capitaliste et anti-libérale, hantée par le rêve de décroissance, le retour à une pureté préindustrielle et une austérité vertueuse. Aura-t-on la malice de rappeler ici que cette écologie politique là est historiquement née à l’extrême droite au XIXème siècle, dans le sillage du romantisme ultra, avant de migrer à la fin du XXème siècle à l’extrême gauche ?

- la deuxième, dominante au PS, croit à la convergence possible de l’impératif industriel et de l’impératif écologique mais, en dehors des lois du marché et des avancées scientifiques, sous la seule houlette de l’Etat omniscient et omnipotent : la contrainte règlementaire, le monopole et la fiscalité sont ses instruments de prédilection ; et la facture de la « transition énergétique » s’envole tant pour les producteurs que pour les consommateurs. C’était très exactement la position de Delphine Batho.

La dernière conception – la nôtre, mais aussi celle d’une partie archi-minoritaire d’EELV et minoritaire du PS – est celle de la compatibilité entre écologie, économie de marché régulée et bien-être matériel de la population, à travers une politique énergétique à la fois pragmatique et imaginative.

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