Procès des attentats du 13 Novembre 2015 : le grand paradoxe<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Terrorisme
Une vue de la salle d'audience au Palais de Justice de Paris, avant le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui doit débuter le 8 septembre 2021.
Une vue de la salle d'audience au Palais de Justice de Paris, avant le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui doit débuter le 8 septembre 2021.
©THOMAS SAMSON / AFP

Dans la tête des Français

Alors que les attentats du 13 novembre constituent l’exemple le plus abouti d’un projet pensé et organisé à l’étranger par l’Etat islamique, les Français y voient en premier lieu le produit de tensions religieuses et culturelles au sein de la société française. De quoi éclairer l’héritage entre résilience et résignation du traumatisme légué par les terroristes à la société française.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

Voir la bio »
Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Voir la bio »

Atlantico : Le procès des attentats du 13 novembre va s’ouvrir cette semaine. Que sait-on de l’état d’esprit dans lequel ils ont laissé non seulement les victimes rescapées mais le peuple français tout entier ?

Vincent Tournier : Concernant les victimes, une étude a été lancée par Santé publique France sous le titre ESPA 13 Novembre (Enquête de Santé publique Post-Attentats de novembre 2015). Cette étude a commencé en 2016 et doit durer jusqu’en 2027. Elle cherche à suivre les effets des attentats sur les victimes et sur les divers intervenants (pompiers, secouristes, etc.). Deux vagues ont déjà été réalisées en 2016 et 2020, et les premiers résultats montrent que, comme on pouvait s’y attendre, les traumatismes sont d’une grande ampleur, ce qui laisse présumer que le procès va être très pénible et douloureux pour les victimes.

L’enquête ESPA présente un grand intérêt pour les scientifiques, qui vont notamment pouvoir explorer les raisons qui font que certains individus, et pas d’autres, développent un stress post-traumatique. Elle a cependant une limite : elle est conçue uniquement sous un angle médical et elle ne questionne donc pas les victimes sur leurs opinions concernant les attentats. On ne sait rien, en particulier, sur leurs opinions à l’égard de l’islam et de l’islamisme, sur leurs souhaits pour l’avenir, sur les causes des attentats et les réponses qu’il faudrait y apporter, bref sur les enjeux politiques de cet événement du point de vue des personnes qui l’ont vécu. C’est dommage car il y a là une vraie question : ce type d’événement produit-il un changement de mentalités, et si oui dans quel sens ? Conduit-il à la colère ou au contraire à une forme d’apathie ?

La priorité donnée à la médicalisation est en soi intéressante : elle correspond bien à une époque qui se préoccupe des victimes. C’est ce qu’on pourrait appeler le « syndrome de la chambre des officiers », du nom de ce film qui parle de la guerre de 14 à partir de l’expérience d’un soldat qui a été défiguré, ce qui conduit à ignorer totalement la guerre elle-même, ses raisons. On a ainsi tendance à dépolitiser et décontextualiser les sujets au profit d’une approche psychologique et émotionnelle.

Du côté de l’opinion publique, les sondages qui ont été conduits depuis 2015 ne montrent pas de profonds bouleversements par rapport à la période antérieure. C’est même assez troublant. Bien sûr, les tueries du Bataclan ont eu un impact considérable sur la psychologie collective, notamment en créant un contexte de sidération et de peur, mais on ne peut pas dire qu’il y a eu un avant et un après. En particulier, la tolérance des Français à l’égard des minorités a plutôt augmenté, et on ne peut pas dire que l’image de l’islam se soit effondrée, alors qu’on aurait pu s’attendre à des réactions de rejet bien plus virulentes. De ce point de vue, les associations comme le CCIF, qui ont tout fait pour saborder les débats en brandissant l’arme massue de l’islamophobie, ont plutôt réussi. Aujourd’hui, personne n’a envie d’être taxé d’islamophobe, et moins nombreux encore sont ceux qui se réclament de ce qualificatif. Ajoutons que, même sur le plan électoral, il n’y a pas eu de bouleversements. Aux élections régionales qui ont suivi les attentats, en décembre 2015, le Front national a certes connu une petite hausse mais cet effet est resté limité dans le temps, et le RN aujourd’hui continue d’être dans la même position, à savoir une force importante mais qui n’est pas en situation de prendre le pouvoir.

Cela étant, il ne faut pas sous-estimer les effets induits par les attentats, dont l’ampleur et la violence n’ont pas d’équivalent dans l’histoire contemporaine. Il n’est pas exclu que ces événements aient travaillé en profondeur les mentalités, d’autant que, depuis le Bataclan, les violences islamistes n’ont jamais quitté l’actualité, qu’elles occupent de manière chronique. Du coup, les analyses optimistes sur l’immigration et l’islam apparaissent de moins en moins crédibles, et les personnalités qui tiennent un discours pessimiste, comme Éric Zemmour, bénéficient d’un soutien significatif, même si ce dernier garde son côté clivant. La victoire des talibans le 15 août dernier peut encore amplifier cette tendance car tout le monde se doute bien que cet événement n’annonce rien de bon : vingt ans après le 11-Septembre, le monde libre a bel et bien perdu la guerre. Et avec la victoire des talibans, les islamistes bénéficient à nouveau d’un territoire pour organiser des opérations, ainsi que d’un motif pour penser que Dieu est définitivement de leur côté.

Qu’est ce qui a changé à la suite de ces attentats ?

Cyrille Bret : Les attentats de 2015, Charlie Hebdo, Le Bataclan, l’Hyper Cacher, etc. ont changé la donne sécuritaire en France. Cela faisait plus d’une dizaine d’années que la France n’avait pas subi d’attentats sur son sol. Avec un décalage d’une quinzaine d’années sur les Etats-Unis, la France entre dans l’ère de l’hyperterrorisme et du terrorisme de masse. Cela change en France la manière dont les autorités se rapportent au terrorisme et à l’anti-terrorisme. Le président François Hollande a déclaré la guerre aux terroristes le soir même du 13 novembre. C’est un vrai changement de politique car la France avait toujours refusé, notamment au moment du 11 septembre 2001, de considérer que c’était le prisme de la guerre qu’il fallait adopter. On considérait les terroristes non comme des soldats mais comme des criminels, traités par des policiers, des services de renseignement et des magistrats. Cela a accéléré la polarisation de la société française. D’une part en renforçant le sentiment de discrimination chez nos concitoyens musulmans, d’autre part en alimentant la mouvance islamophobe à l’intérieur de la société. Ces attentats, qui ont donné lieu à un sursaut d’unité nationale, ont finalement renforcé les risques de division de la communauté nationale. Ce sont deux énormes ruptures des attentats de 2015, en janvier et novembre.

Alors que les attentats du 13 novembre constituent l’exemple le plus abouti d’un projet pensé et organisé à l’étranger par l’Etat islamique, les Français y voient en premier lieu le produit de tensions religieuses et culturelles au sein de la société française comme en témoignait une enquête de Santé publique France en 2018. Qu'est ce qui peut expliquer ce paradoxe ?

Cyrille Bret : Paradoxalement, les Français ont adopté le mode de lecture du terrorisme que les terroristes voulaient véhiculer. Ils ont essayé de faire croire qu’il s’agissait d’une guerre de civilisation qui opposait les musulmans au reste du monde et les Occidentaux au reste du monde. Et cela a occulté le fait que ce sont avant tout des réseaux criminels qui utilisent des justifications confessionnelles et politiques pour commettre des actes de domination politique. il y a donc une vraie distorsion et c’est malheureusement une des grandes victoires des terroristes : ils ont réussi à faire adopter leur grille de lecture et à faire croire que c’est parce que différentes confessions, différents groupes sociaux ou culturels, cohabitent qu’il y a du terrorisme. Ce n’est pas du tout vrai. Les corps sociaux sont composites et le corps social français n’a jamais été homogène. Quand les divisions n’étaient pas nationales ou confessionnelles, elles étaient linguistiques ou sociales et ce n’est pas pour autant qu’il y avait du terrorisme. Diffuser cette grille de lecture a pour but de diviser la communauté nationale. 

Vincent Tournier : Reprenons les résultats de ce sondage, qui date de 2016. A une question sur les causes des attentats, les Français ont mis en premier « des tensions religieuses et culturelles au sein de la société française (42%) », en deuxième « il ne faut pas chercher des raisons aux attentats ce sont les actes de déséquilibrés » (40%) et en troisième « la politique étrangère de la France » (31%). Il y a d’autres réponses mais simplifions. Cela signifie qu’un petit tiers seulement des Français privilégie le lien avec les enjeux internationaux, en l’occurrence l’engagement de la France en Syrie. Les autres explications concernent la situation en France, ce qui est assez logique : pour la majorité des Français, la grille de lecture est d’abord nationale. Ce n’est pas un cas unique : dans tous les pays, on a tendance à décrypter les événements à partir de ce qui se passe chez soi. Même les sociologues tombent dans ce travers puisqu’ils veulent à tout prix expliquer la montée de l’islamisme par les discriminations en France, alors que le djihadisme a une dimension mondiale.

Si l’on revient aux deux premières réponses, qui sont donc plutôt centrées sur la France, elles correspondent finalement assez bien aux deux principales interprétations qui sont avancées pour expliquer les attentats islamistes : d’un côté une interprétation minimaliste qui attribue les violences à des actes individuels liés à la folie, donc dépourvus de sens politico-religieux, et de l’autre l’interprétation maximaliste qui explique que ces actes ont au contraire une nature politico-religieuse (c’est ce que Gilles Kepel appelle la « radicalisation de l’islam »).

Or, d’après le sondage, les deux interprétations sont quasiment à égalité (42% et 40%). Pourtant, l’année 2015 aurait dû porter un sérieux coup à l’interprétation minimaliste puisqu’elle a montré que l’explication par la folie ne suffisait pas : que ce soit avec les attentats de janvier 2015 (Charlie Hebdo et Hyper Cacher), puis surtout avec le Bataclan et les cafés parisiens en novembre, on a clairement affaire à des actions organisées et planifiées, nourries par un projet et une idéologie. On peut ajouter que, depuis 2015, les sondages montrent régulièrement que le fondamentalisme religieux occupe une place très importante dans la population musulmane, notamment chez les jeunes, même s’il n’est pas forcément majoritaire.

Le fait étonnant est donc que l’interprétation minimaliste continue de recevoir un important soutien dans le public. Si paradoxe il y a, c’est plutôt ici qu’il faut le chercher. Pour comprendre ce paradoxe, il faut tenir compte de plusieurs éléments : d’abord le fait que l’interprétation minimaliste est davantage soutenue par les médias, ensuite le fait qu’il y a un clivage politique puisque, si on simplifie, les interprétations minimaliste et maximaliste correspondent en gros au clivage gauche-droite. La gauche préfère privilégier une analyse optimiste en excluant les considérations religieuses, alors que la droite insiste davantage sur la religion et l’immigration.

Peut-on trouver dans cette manière d’envisager les attentats une explication à la résilience dont ont fait preuve les Français, ainsi qu’à une certaine résignation face à la menace ?

Cyrille Bret : Vous avez totalement raison. Ce qui est certain c’est que notre peuple a une longue histoire avec le terrorisme. Les Français ne se rapportent pas au terrorisme comme les autres peuples européens. Très longtemps, les Nordiques et les Scandinaves ont cru que le terrorisme était une affaire de latins ou méditerranéens. Nous, Français, avons constamment vécu avec le terrorisme quelles que soient ses justifications. Il est né en 1794 avec la Terreur robespierriste puis nous avons connu le terrorisme anarchiste, communiste, anti-colonial, mais aussi le terrorisme colonial avec les attentats de l’OAS, etc. Cela devrait nous donner une plus grande maturité et un recul sur ce que c’est que le terrorisme. J’aimerais pouvoir vous dire que nous l’avons. Jusqu’aux déclarations malencontreuses de François Hollande nous l’avions. Cette maturité n’était pas forcément de la résignation mais une sorte de sagesse d’un vieux peuple. On savait que toute société occidentale garantissant des libertés fondamentales était exposée à ce genre d’actes mais qu’il ne fallait pas exagérer leur importance. Nous avons tendance à nous américaniser sur ce point. L’antiterrorisme est devenu une priorité absolue. C’est effectivement une priorité et il n’est pas du tout question de minimiser la souffrance des victimes et de leurs familles ou l’impact symbolique du terrorisme sur nos sociétés mais elles ont aussi d’autres défis à relever. 

Vincent Tournier : Oui parce que d’autres éléments jouent en faveur de l’interprétation minimaliste. D’abord, notre société est fondamentalement individualiste, non pas au sens de l’égoïsme, mais au sens où la société est vue comme un ensemble d’individus indépendants, qui agissent chacun selon leurs propres règles, leur propre volonté. De ce fait, les explications par les groupes ont perdu de leur valeur. Des concepts comme « civilisations » ou « cultures », ou même « classes sociales », ont pratiquement disparu du vocabulaire usuel. C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer la polarisation sur la question des discriminations : les discriminations sont jugées choquantes parce qu’on considère qu’une société est un ensemble d’individus qui sont tous comparables et qui ont tous les mêmes droits, ils ne doivent donc recevoir aucune restriction dans leurs aspirations, que ce soit pour avoir un logement ou un travail ; mais si on part du principe qu’il existe bel et bien des groupes constitués, qui ont des préférences et des identités, les discriminations deviennent alors plus logiques car les membres d’un groupe, quel qu’il soit, ont toujours tendance à privilégier ceux qui leur ressemblent et à écarter ceux qui les inquiètent ou qui ne partagent pas leur vision du monde.

Ensuite, un autre point fondamental est qu’il existe une haine de la haine. Nous avons fixé un haut standard en matière d’humanisme, de gentillesse, d’ouverture, d’empathie avec les autres. Nous ne voulons donc surtout pas risquer d’être vu comme quelqu’un de haineux. La haine n’a pas bonne presse, comme nous le rappellent chaque jour les informations qui indiquent que les discours de haine n’ont pas leur place dans notre société et qu’il faut les condamner, y compris par la loi et les tribunaux.

Cette volonté de refuser la haine est clairement apparue après le Bataclan. C’est le syndrome « vous n’aurez pas ma haine » pour reprendre le titre de l’article écrit par Antoine Leiris, devenu ensuite un livre et un film, cet écrivain qui a perdu sa compagne au Bataclan et qui appelle à l’amour universel. C’est ce message d’amour que l’on va retrouver lors du concert organisé pour la réouverture du Bataclan avec le chanteur Sting en Guest star qui chante Inch Allah en compagnie du trompettiste Ibrahim Maalouf.

Mais cette attitude bienveillante n’est pas évidente pour tout le monde. Elle s’oppose à une autre attitude, incarnée par exemple par Patrick Jardin, père d’une jeune femme assassinée au Bataclan, qui se situe sur une ligne totalement opposée, apparaissant même comme un véritable anti-Antoine Leiris. Mais ce dernier ne bénéficie pas de la même sympathie de la part des médias : son attitude n’est pas conforme à ce qui est attendu. La haine n’est pas considérée comme acceptable, sauf dans certains cas très précis, face à des individus spécifiques. Le fait de penser que les djihadistes sont des déséquilibrés évite d’entrer dans une logique politique qui pourrait avoir des implications lourdes sur la manière de décrypter les événements.

Quel peut être l’effet du procès des attentats qui s’ouvre ce mercredi sur les Français ? 

Cyrille Bret : Nous allons revivre à distance, par la médiation du discours et celle du droit, ces évènements qui nous ont tous traumatisé individuellement et collectivement. Cela va nous permettre d’établir une position plus sereine qui fait droit à la mémoire des victimes et qui reconstruit rationnellement un épisode traumatique. Je pense également que nous allons être confrontés au fait que l’on n’arrive jamais au bout de l’explication sur le terrorisme. Que ce soit le procès exemplaire à la suite des attentats de Madrid en 2004 ou les procès fleuves qui ont suivi les attentats à Londres, il y toujours un moment où l’on ne comprend pas. C’est à mon sens le moment où les Français devraient retrouver leur vieille sagesse qui consiste à savoir que nous vivons constamment avec la violence politique (terroriste, raciste, etc.), économique et sociale. La politique française est la tentative de conjuration de cette malédiction de la violence politique. Le procès sera réussi s’il parvient à établir les faits, respecter la mémoire des victimes mais aussi à rappeler aux Français que la violence politique est endémique et que nous sommes condamnés à vivre avec elle dans la vie sociale.

Vincent Tournier : Rares sont ceux qui ont souligné que, depuis quelques années, chaque rentrée scolaire s’accompagne désormais d’un procès important concernant le terrorisme islamiste : cette année, c’est le Bataclan ; l’an dernier, c’était Charlie Hebdo, en 2019 c’était le procès de la tentative d’attentat contre Notre-Dame, et ainsi de suite. C’est presque devenu un rituel, mais cela montre surtout que nous vivons désormais au rythme de l’islamisme et des attentats. Les sociologues diront qu’il s’agit d’une « construction médiatique », mais on voit mal ce que les médias inventent. Au contraire, ils ont plutôt tendance à minimiser car on voit bien qu’ils préféreraient largement parler du coût de la rentrée scolaire ou des futures soldes. Il reste que cette situation est très anxiogène puisque cela vient réactualiser régulièrement le sentiment d’une menace ou d’une insécurité. Mais la répétition peut aussi déboucher sur une certaine relativisation. Les attentats étant devenus notre quotidien, leur impact s’amenuise. Revenir sur des événements passés peut provoquer une lassitude et un désir de passer à autre chose.

Le procès proprement dit peut apprendre énormément. D’abord sur l’ampleur des complicités en France puisque les enquêtes vont montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une attaque « importée » de l’extérieur, ce qui devrait conduire à s’interroger sur ce qui se passe en France. Ensuite sur le manque de préparation et d’anticipation de la part des autorités françaises. Ce point est troublant parce qu’il renvoie à la question de l’idéologie : comment se fait-il que la société française dans son ensemble ait été à ce point incapable d’anticiper de tels événements qui couvaient depuis longtemps déjà ?

Par exemple, comme l’a révélé la commission d’enquête parlementaire, et que reprend un documentaire d’Arte, les militaires qui étaient aux abords du Bataclan n’ont pas été autorisés à intervenir. Les décideurs de l’époque considéraient que la France n’était pas en guerre, donc qu’il était hors de question que des militaires s’engagent dans une opération de police. Cette situation est effrayante et intolérable, mais elle a une explication : cela fait des années que certains intellectuels et universitaires dénoncent une « militarisation » de la société française, notamment dans le cas des banlieues. Résultat : les responsables politiques ont été tétanisés à l’idée d’être accusés de tomber dans une dictature militaro-policière.

Quoiqu’il en soit, les leçons de ce procès vont dépendre de la façon dont les médias vont en parler. Le risque est que, comme souvent, ils donnent trop de place à l’émotion et à la douleur des victimes, alors qu’on attend surtout des informations. On doit se réjouir de savoir que ce procès va être filmé, ce qui est bien la moindre des choses compte-tenu de l’ampleur de l’événement. On aimerait que le CNRS finance une équipe de chercheurs pour décortiquer ces milliers d’heures qui vont être enregistrées, et que le grand public puisse rapidement avoir accès aux moments les plus importants. 

Cyrille Bret a publié "Dix attentats qui ont changé le monde. Comprendre le terrorisme au XXIème siècle" (Armand Colin) et "Qu'est-ce que le terrorisme ?" (Vrin).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !