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Printemps républicain : et si les initiateurs de la pétition pour une refondation de la laïcité passaient à coté du problème ?
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C’est pas encore ça

Intellectuels et anciens élus de gauche ont lancé une pétition et appellent à un "printemps républicain" pour sensibiliser leur camp à la nécessite de défendre la laïcité. Pourquoi cette obsession pour le mot républicain passe à coté du problème.

Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel) ou L'islam devant la démocratie (Gallimard, 2013).

 

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

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Atlantico : Une pétition lancée par des intellectuels et anciens élus de gauche appelle à un "printemps républicain" pour sensibiliser leur camp à la nécessité de défendre la laïcité. Dans quelle mesure leur combat idéologique est-il justifié au regard du positionnement de la gauche actuelle, notamment sur l'islam et les défis qu'il pose à la société française ?

Philippe d'Iribarne : La question de l’islam divise profondément la gauche. On l’a vu encore récemment lors de la passe d’armes entre d’un côté Elisabeth Badinter, qui fait partie des signataires de la pétition, vite soutenue par Manuel Valls, et de l’autre l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco en tête, ou encore à propos des positions de l’écrivain algérien Kamel Daoud liant les événements de la Saint-Sylvestre à Cologne à certains traits du monde arabo-islamique. Pendant que les uns dénoncent l’islamo-gauchisme et les dérives de sortes d’idiots utiles de l’islamisme, les autres stigmatisent l’islamophobie rampante et affirment que la mise en avant de la laïcité n’est qu’un faux-nez de celle-ci. Cette pétition est l’expression d’un des camps qui s’affrontent au sein même de la gauche.

Le choix du mot "républicain" est-il vraiment judicieux de leur part ? N'est-il pas aujourd'hui trop galvaudé, voire totalement inopérant dans l'esprit des Français ?

On peut réagir contre l’emprise de l’islam au nom de la nation, de l’enracinement de celle-ci dans une histoire particulière, ou on peut le faire au nom des valeurs considérées comme universelles de la République. Les deux réactions coexistent – on l’a vu par exemple lors de la grande manifestation qui a suivi l’attentat contre Charlie Hebdo. Actuellement, la nation est plutôt ressentie comme une valeur de droite et la République comme une valeur de gauche. On comprend qu’un point de vue venant de la gauche mette la République en avant.

Outre la loi de 1905, fruit d'une lutte acharnée entre l'Etat et l'Eglise catholique, de quelles armes disposent les défenseurs de la laïcité en pratique, pour espérer dépasser un cadre strictement théorique ?

La lutte contre la construction d’une contre-société islamique peut s’appuyer sur plusieurs armes. La référence à la neutralité du service public, directement liée à la loi de 1905, est utilisée, avec succès, pour interdire le port de la tenue islamique aux agents du service public, avec la question, toujours pendante, de son application aux mères qui accompagnent les sorties scolaires, ou encore aux agents des organismes qui, sans appartenir au service public, remplissent une mission de service public. L’interdiction de la burqa dans l’espace public s’inscrit dans un tout autre cadre, la non dissimulation du visage. Un autre cadre encore peut être la défense de la liberté de conscience des personnes d’origine musulmane face aux pressions communautaires et aux formes de harcèlement correspondantes. Il y a beaucoup à faire sur ce dernier point.

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